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vne chose estrange que des athéismes, des mensonges exécrables, des flatteries et autres telles dangereuses pratiques peuuent estre ouuertement imprimez et qu'on n'ose parler d'vn bon aduis, de dire qu'en bien faisant et publiant des choses chrestiennes et profitables au public, on appréhende les Ministres de la Iustice qui, forcez par la vérité, auoient iustement condamné ce qu'ils ont par après indignement approuué, sauf l'honneur des bons, partie par vne pusillanimité honteuse, partie par vne correspondance criminelle deuant Dieu et deuant les hommes; leur iniuste acquiescement ayant remis ou plustost entretenu dans ces monstres impitoyables la fureur et la rage pour l'exercer plus audacieusement.

L'Adieu et le désespoir des autheurs et escriuains de la guerre ciuile, en vers burlesques

[45].

(Après la paix de Saint Germain.)

Hélas! puisque la paix est faite,
Il nous faut sonner la retraite?
Nous ne pouuons plus dans Paris
Faire rouller auec grands cris
Les pièces que nostre génie
Inuentoit pour la compagnie
De messieurs les colleporteurs,

Aussi bien que nous grands menteurs.

Nos libelles estoyent en prose,

Qui n'estoit pas trop bien esclose;

Car les périodes carrez

Ne s'y trouuent pas mesurez.

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Quelquefois nos pièces crotesques
Estoyent faites en vers burlesques,
Et nos sérieuses aussi.

Après, nous prenions grand souci
De pouuoir trouuer des bons tiltres
Afin de n'estre point belistres,
Et de contenter les humeurs
De tant de diuers Imprimeurs,
Qui ne faisoient pas trop de conte
De nos cayers. Lorsque sans honte
Ils nous entendoient commancer
Le discours de nous aduancer
De l'argent pour boire chopine,
Ils nous faisoient fort froide mine;
Et après auec vn œil doux

Ils nous disoient : « Voilà cinq sous.
Sans doute vous aurez le reste,
Croyez-le, l'on vous en proteste,
Quand le papier sera vendu.
Ayant leur propos entendu,
Nous disions sans arrogance

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Messieurs, nous aurons patience!
Hélas! que nous serions contans,
Et que nous passerions le temps,
Si vous en vendiez quatre rames.
Nous irions voir de ieunes femmes;
Car nous en aurions quatre escus.
En suite le gaillard Bacchus
Nous mettroit en sa confrairie.

Nous irions à la Boucherie

Prendre des membres de Mouton;
Nous serions doux comme vn Caton;

Et nous passerions la semaine,
Où sans nous mettre trop en peine
De la paix et des bons accords,

Nous nous traitterions bien le corps!
Ha! que nous serions bien en presse
Pour auoir du pain de Gonnesse
Du ceruelat et du iambon. »>
Ils respondoient : « Ce seroit bon.
Venez demain en diligence;
Vous aurez vostre récompence.
Après ils nous disoient adieu;
Ainsi nous sortions de leur lieu.
Le lendemain l'heure arriuée,
Que la pièce estoit acheuée,
Nous estions prests pour aller voir,
Comme c'estoit nostre deuoir,
Si la pièce s'estoit vendue.
Lors d'vne mine morfondue

Ils nous disoient, qu'en vérité
L'on n'en auoit pas achepté
Vne rame du tout entière,

Et qu'ainsi nous ne ganions guère;

Et

pour nous vn peu consoler, Ils commençoient à nous parler, Qu'ils croyoient mesme que les Pies Fissent comme nous des copies; Car plus de trente tous les iours, Toutes diuerses, auoyent cours. Mettant la main à la pochette,

Ils nous disoient : « le vous regrette. Vostre peine mérite plus.

ע

Après ces discours superflus,

Ils nous donnoient quelque monnoye
Pour nous mettre le cœur en ioye,
Nous promettant qu'à l'aduenir,
Afin de nous entretenir,

Ils nous donneroient dauantage.
Cela nous donnoit du courage.

Maintenant que voilà la paix,
Que nous sommes bien attrapés!
Nous ne sçauons filer ny coudre,

Ny moins à quoy nous faut résoudre.
Alors que la guerre reignoit,
Chacun de nous ne se pleignoit.
Il faisoit tousiours bonne chère,
Et se moquoit de la misère.
Il se leuoit de grand matin
Pour aller gouster du bon vin.
Son cœur estoit plein de liesse
Quand il auoit fait vne pièce
Qu'il portoit à son Imprimeur,
Aussi bien que luy bon Grumeur.
Il trauailloit ainsi qu'en barbe
Pour la copie de la barbe;
C'est à dire pour vn festin

Qui duroit depuis le matin
Iusque qu'il eust la rouge trogne
Semblable à celle d'vn iurogne.
Le lucre et la nécessité,

Le plaisir et la volupté,
Dans la passée conioncture,

Nous ont contraints, ie vous asseure,
De forcer nos corps et nos sens
Pour faire trois mille cinq cens
Odes, Poëmes, ou Libelles
Qui remplissoient nos escarcelles
D'argent que selon nos désirs
Nous employons pour nos plaisirs!
Las! il nous faut plier bagage;
Ce qui nous fait mourir de rage.
Nous voudrions bien pouuoir tousiours
Faire de semblables discours;

Mais puisque la guerre est finie,

524

CHOIX DE MAZARINADES.
De mesme en nostre compagnie,
Il nous faut prendre des bourdons
Pour aller gaigner les pardons.
Adieu donc, chère Imprimerie;
Adieu, ce n'est pas raillerie.
Il nous faut quitter tes supposts
Qui nous faisoient vuider les pots.
Nos escrits ne sont point en vogue.
Voicy le dernier Epilogue

Que nous faisons pour esmouuoir
Les peuples à nous receuoir

Dans leurs festins et leurs beuuettes.
Nous leur seruirons d'interprètes;
Nous leur expliquerons l'accord
Qui nous cause ce grand remord.
Le désespoir qui nous transporte,
Nous force à parler de la sorte.
Nous voudrions que le Paradis
Gardast la Paix et ses Edits.
Nous viurions ioyeux dans la guerre
Auec le flacon et le verre.

FIN DU PREMIER VOLUME.

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