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nos sentimens et former nos amours et nos haines: Admets chez toi l'Estranger; et il ne manquera pas de t'emporter comme vn tourbillon de vent et de t'esloigner de tes amis et de tes proches1. Il semble que le bien lui soit impossible; et pour cela le Fils de Dieu ne tient pas pour vn moindre miracle que celuy qu'il venoit d'opérer, qu'après auoir guéry dix lépreux, vn seul (et encore Estranger) luy en rende ses remercîments, pendant que les autres ne payent que d'ingratitude la guérison qu'ils ont receue.

que

Ce doit estre, MADAME, vne aussi grande abomination à vn bon François qu'à vn Iuif de se ioindre ou d'auoir intelligence auec vn Estranger3; et si le Dieu nous adorons, l'estoit, nous pourrions légitimement luy refuser nos hommages, cesser de luy offrir nos vœux et discontinuer nos Sacrifices, puisqu'en tous lieux de l'Escriture, il nous deffend de rendre nos adorations à des Diuinitez estrangères, qui estoient si méprisées chez les Payens, qu'aymant mieux en auoir de prochaines que d'esloignées, ils en faisoient à leur mode en leur nation, se souciant fort peu de la vérité de leur estre, pourueu qu'ils fussent assurez qu'elles estoient de leur pays. Et de fait, quel auantage peut on espérer d'vn suiet qui est hors de ses terres? Le peuple d'Israël est en Babylone; et s'il change ses chants en soupirs, ses ioyes en larmes, suspendant aux arbres leurs orgues et leurs instruments de musique, au lieu de s'en seruir pour charmer leurs

1 Admitte ad te alienigenam, et subuertet in turbine et abalienabit te a tuis propriis. Ecclesiast., XI.

2 Non est inuentum qui rediret et daret gloriam Deo, nisi hic alieni – gena. Luc., XVII.

* Abominatio est Iudæo coniungi aut accedere ad alienigenam. Act., x.. Noli adorare Deum alienum. Exod., xxxiv.

douleurs, ils n'en attribuent point la cause à leurs chaisnes et à leur captiuité, mais à leur esloignement'; comme si c'estoit vne chose impossible d'estre bon hors de chez soy et de continuer chez les autres de rendre à Dieu auec fidélité toutes les choses dont nous luy sommes redeuables et tributaires*.

Les Sages, MADAME, ne souffrent iamais les Estrangers; leurs paroles ne sont que mensonges; leurs pensées ne butent qu'à leur intérest particulier et à la ruine commune; et s'ils se portent à agir, leurs actions ne sont que des semences de diuisions et des ouurages de fureur. Et pour cela le Prophète, s'abandonnant au gré d'vne iuste cholère contre cette sorte d'engeance, contre laquelle Dieu a tousiours fulminé l'Anathême en ses Estats, après auoir formé quelques plaintes de leur tyrannie et de leur oppression, il en demande la perte et croit ne pouuoir mieux souhaiter à ses oppresseurs domestiques, pour punition des maux dont ils l'accablent, rien de plus rude et de moins supportable que la désolation de leurs fortunes, acquises auec tant de sueurs, par des personnes estrangères". C'est à la rage de ces peuples que Dieu abandonne le Royaume de Iuda et de Iérusalem, dans le dessein de chastier leur ingratitude auec leurs autres péchez, et de les soumettre par la verge, puisqu'il ne l'a pas pu faire par ses bienfaits: Malheur à toy, nation infidelle, peuple ingrat, engeance malheureuse! quels supplices peuuent esgaler tes méconnoissances et tes réuoltes? Quelle séuérité puis ie adiouster maintenant à mes

1 Quomodo cantabimus canticum Domini in terra aliena? Psalm. xvii.

• Filii alieni mentiti sunt mihi. Psalm. xvII. Alieni insurrexerunt in me Psalm. LIII.

3

* Diripiant alieni labores illius. Psalm. cxxviii.

anciennes rigueurs, trop douces pour la grandeur de tes crimes, mais trop fascheuses pour l'excez de mes bontez. Il semble que ma Iustice ait tiré des magazins et des trésors de son Ire ce qu'elle auoit de plus austère pour t'adoucir. Que puis ie faire dauantage, après auoir esté mesme iusques à ce point que de te faire la proye et la curée d'vn Estranger1? Il semble par ce langage que Dieu ait déployé toute sa fureur quand il a réduit son peuple à cette extrémité. Israël l'oublie. Cette oubliance ne peut estre expiée par vne peine qui l'esgale. Quelle sera elle? La voicy : Tu m'as oublié, dit Dieu, et pour cela tu sémeras le germe d'vn Estranger'. Le Prince de Tyr, esleué auec tant de pompe et de si superbes appareils au faiste d'vne grandeur Royale, esblouy de l'esclat de son sceptre, rendu malheureux par sa propre félicité, pour auoir porté son cœur au dessus de son throsne, et auoir voulu ioindre vne éléuation insolente à vne autre plus légitime, ne reçoit pas vn moindre chastiment : D'autant, dit le Prophète de la part du Seigneur, que tu as esleué ton cœur et t'es estimé vn Dieu n'estant qu'vn simple homme, i'amèneray l'Estranger sur toy et te feray mourir entre ses mains. L'Égypte, le plus florissant des Royaumes, ne fut pas autrement désolé que par ces voyes extrêmes, qui sont les dernières et les plus grandes calamitez que le ciel puisse introduire parmy nous. Celuy qui en fut le Prince, cruel à ses suiets et tyran à ceux dont il deuoit estre et le Roy et le Père, Pharaon, dont l'orgueil et la superbe marchoit d'esgal auec celle d'Assur, semblable en son esléuation à

1

Regionem vestram coram uobis alieni devorant. Isayas, xvII.

" Oblita es Dei tui; germen alienum seminabis. Isayas, xvII.

3

* Adducam super te alienos; in manu alienorum morieris. Ezech., xxvIII.

vn Cèdre du Liban, beau en ses rameaux, touffu en son feuillage, admirable en sa hauteur, profond en sa racine, bien nourry par ses eaux, ne se voit, selon la Prophétie, couppé, abbatu, sa pompe ruinée et sa gloire obscurcie que par des peuples qui n'estoient point suiets à sa couronne et ne releuoient aucunement de sa puissance et de son authorité1.

C'est là, MADAME, le dernier de tous les malheurs d'auoir affaire aux Estrangers; c'est le dernier ressort de la Diuine Iustice, préparée à punir son peuple de son auarice et de son idolâtrie, que de l'abandonner à leur volonté et ses femmes à leur fureur2. Si Vostre Maiesté preste l'oreille à leurs plaintes, elle recognoistra qu'ils se plaignent particulièrement de cette misère comme de la plus extrême; que c'est la principale qui les fait gémir3; et que, comme s'ils n'estoient sensibles qu'à cellecy, ils ne disent rien de toutes les autres; ou au contraire c'est la plus grande grâce qui nous puisse arriuer de la part de Dieu, dans le sentiment de Dieu mesme, que de nous en déliurer. Il a infiniment obligé ceux qu'il a choisis pour son lot et pour son héritage; les bienfaits qu'il leur a communiquez, sont sans nombre ; et néantmoins, comme s'il n'estimoit rien tous les autres et les auoit oubliez, il ne leur parle (que) de celuy qu'il leur a fait, les déliurant de la domination et de la puissance de l'Estranger". Le plus grand bonheur qu'il leur peut promettre, les retirant de la seruitude, c'est de leur faire secouer pour tousiours cette sorte de ioug, ne leur donnant pour Sou1 Dissipabo terram et plenitudinem eius manu alienorum. Ezech., xxx. Succident eum alieni crudeles. Ezech., xxxI.

2 Dabo mulieres eorum exteris. Ierem., v.

3 Non erit in vobis alienus. Isayas, XLIII.

Non dominabuntur amplius alieni. Ierem., xxx.

verains et pour Ministres que ceux de leur patrie, leurs proches et leurs concitoyens. Et quand il nous veut fournir vne idée de la beauté de Iérusalem dans son renouuellement, après son débris et sa ruine, il ne dit pas qu'il relèuera ses Palais, qu'il réparera la pompe de ses plus superbes édifices, qu'il rétablira ses tours si esleuées et ses chasteaux si magnifiques dans leur première esléuation; mais réduisant tout le restablissement à vne seule chose, comme si en celle là seule consistoit toute sa réparation et sa gloire, opposant contraires à contraires, il leur promet seulement qu'il n'y aura point d'Estranger en cette ville 1.

C'est donc, MADAME, vne souueraine misère qu'vn Estranger en vne domination dont il n'est point le suiet. Nous n'en pouuons douter; et Vostre Maiesté ne peut tenir ce sentiment pour suspect et digne de réplique, puisque c'est celuy de Dieu qui n'en souffre point, mais qui veut estre receu dans vostre âme Royale auec toute sorte de soumission, et graué dans vostre cœur d'vn caractère ineffaçable aussi fortement que sur le marbre et sur l'airain. Et si auiourd'huy vous voyez prosternez humblement à vos pieds tous vos bons et fidèles suiets pour demander à Vostre Maiesté de les déliurer de celuy qui les oppresse, improuuerez vous vne requeste si iuste et qui ne tend qu'à la déliurance d'vne souueraine misère? Vous ne le pouuez, MADAME, sans commettre vne souueraine iniustice. Il n'est pas raisonnable, dit la Vérité mesme, de prendre le pain des enfants pour le donner aux Estrangers; il les faut séparer d'Israël. Les plus

Alieni non transibunt per eam. Ioel, III.

2 Non est bonum sumere panem filiorum.

* Separauerunt omnem alienigenam ab Israel. II Esdr., xí.

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