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saintes alliances leur sont deffendues; ils ne peuuent, sans impiété et sans crime, entrer dans le sanctuaire, ny mesme approcher du Tabernacle à moins que de perdre la vie et de subir vne mort honteuse pour chastiment de leur désobéissance et de leur témérité. Et néantmoins nous voyons en ce poinct toutes les Loix violées, et Diuines et humaines. Vn homme de cette estoffe s'est introduit parmy nous, prétend aux alliances les plus illustres, s'eslèue insolemment sur le trosne du premier des Monarques, se fait iour iusques dans le fonds du Sanctuaire, ie veux dire iusques dans le cœur du Prince, pour disposer en la charge qu'il soustient auec iniustice, et à la honte des plus capables, de ses volontez par vne administration illégitime. Eh! nous ne dirons mot? Pardonnez nous, MADAME, la douleur est trop grande pour se taire, et le mal trop violent pour le dissimuler.

Il est iuste, et la nature l'exige aussi bien que la raison, que la mère nourrisse ce qu'elle a engendré. La France a produit son Monarque; c'est à elle à luy donner l'éducation et les conseils; c'est à elle à luy fournir des Ministres, à moins que de se rendre suiette aux reproches du Prophète et de contreuenir à ce conseil qu'il nous donne : Ne donne point ta gloire à vn autre; et ne cède point la dignité qui t'appartient, à vne autre nation qu'à la tienne2; ou bien à celuy du Sage, exprimée en ces termes : Ne donne point l'honneur que tu mérite, à des Estrangers, de peur qu'ils ne se remplis sent de tes forces, moissonnant auec facilité les fruits que tu as semez auec tant de peine, et que tu n'aye

1 Quisquis alienus accesserit, morte morietur. Num., 111.

* Ne tradas alteri gloriam tuam et dignitatem tuam alienæ genti. Baruch, IV.

d'autre consolation que tes larmes en ton extrémite. Pourquoy, mon fils, te nourris tu dans le sein d'vn autre? que l'on voye couler dehors tes fontaines; boy l'eau de tes cisternes et de tes puits, sans en aller chercher si loin; diuise les dans toutes tes places; possède les tout seul, sans les partager auec d'autres; et ne permets aucunement que des Estrangers te possèdent et te gouuernent'. Si cet aduis est iniuste, MADAME, nous auons tort de le suiure; mais s'il est saint, comme il en faut demeurer d'accord, puisque c'est la Sagesse Éternelle qui nous le donne, nous serions tout à fait coupables de ne le pas exécuter. C'est agir sur bonne et valable caution que de le faire sur sa parole et l'infaillibilité de ses oracles. Quelle honte nous seroit ce que l'on nous vînt dire, comme autrefois à Iuda : Tu as dispersé tes voyes à l'Estranger, ou comme à Éphraïm : Que des Estrangers ont dévoré nostre force3. Toutefois nous sommes en ce hazard, MADAME, si Vostre Maiesté ne nous en retire.

Nous voyons auiourd'huy en vérité le malheur que le Sage ne vit autrefois qu'en figure: Vn homme à qui Dieu a donné des richesses, de grandes et de nombreuses fortunes, qu'il a esleué au comble de tous les honneurs imaginables, qui possède tout ce qu'il peut désirer, et qui pourtant est comme vn Tantale au milieu de tant de biens, n'en ayant ny l'usage ny la

Ne des alieno honorem tuum, ne forte impleantur extranei viribus tuis, et labores tui sint in domo aliena et gemas in nouissimis. Bibe aquam de cisterna tua; quare, fili mi, faueris in sinu alterius? Deriuentur fontes tui foras; habeto eas solus; nec sint alieni participes tui. Prou., III.

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iouissance, parcequ'vn Estranger, par vn malheureux pillage, les usurpe impunément1. Et c'est, dit le Sage, le plus grand de tous les malheurs, qui nous doit donner suiet en nostre foiblesse et en notre impuissance de pousser nos plaintes vers le Ciel, et implorant son secours (si celuy de la terre nous manque), de dire à Dieu : Ressouuenez vous, Seigneur, de ce qui nous est arriué; regardez, s'il vous plaist, nostre opprobre; nos biens et nostre héritage ont passé en des mains estrangères ; et nos maisons sont tombées en leur possession. C'est le langage de Iérémie, déplorant le sac et la ruine de la plus belle et de la plus fleurissante de toutes les villes. Et ce sont les paroles, MADAME, que forme auiourd'huy vostre peuple sur la destruction de la plus superbe de vos Citez et de la Métropolitaine de vos Estats. Escoutez ses iustes clameurs, MADAME, et vous laissez vaincre à ses gémissements et à ses larmes, plus iustes et raisonnables que celles qu'vn ressouuenir funeste et malheureux des anciennes beautez de Sion tira autrefois de tant d'yeux affligez sur la perte et la destruction de cette ville. Ou bien si Vostre Maiesté persiste encore dans le dessein de ne pas fléchir à nos vœux et de ne rien accorder à nos soupirs, qu'elle ne nous oste pas tout du moins la liberté de laisser conduire nos langues au Saint Esprit, et de nous rendre comme son truchement et ses Échos en nostre malheur et en nostre affliction, répétant cette prière en ces paroles qu'il nous a laissé comme en dé

1 Aliud malum vidi : vir cui Deus dedit diuitias et honorem; et nihil deest animæ suæ ex omnibus quæ desiderat; nec tribuit ei Deus potestatem ut comedat ex eo; sed homo extraneus vorauit illud. Eccles., VI.

2 Recordare, Domine, quid acciderit nobis; intuere et respice opprobrium nostrum; hereditas nostra versa est ad alienas. Ierem., V.

post: Leuez vostre main sur l'Estranger, & Seigneur, afin qu'il recognoisse vostre puissance; renouuellez vos prodiges; redoublez vos merueilles; excitez vostre fureur; respandez vostre Ire; ostez nostre aduersaire et le vostre; affligez nostre ennemy; en vn mot, ayez pitié de nous1. Nous oster cette prière de la bouche est faire taire le Saint Esprit et luy imposer silence.

Nous ne croyons pas, MADAME, que Vostre Maiesté veuille entreprendre de faire taire celuy qui la doit faire parler. Bien loin de ces sentiments, nous nous persuadons par la grandeur et la solidité de sa vertu qu'inclinant les oreilles à ses douces semonces et soumettant son cœur à ses mouuements sacrez, elle fléchira aux vœux et aux prières communes, et que chassant de ses terres le Iébuséen2 qui y habite, elle dispensera les siècles futurs des reproches qui furent autrefois imputez à nos pères par leurs enfants, et que les Roys de Iuda reçoiuent encore auiourd'huy de leur postérité : Ils ont donné leur gloire à vn Estrangers. C'est le reproche; mais ne permettez point, MADAME, que ce soit nostre honte et nostre confusion. Vne Dame fut autrefois blasmée d'auoir abandonné son espoux à la mercy des Philistins; et Dieu par son Prophète condamne du crime d'adultère celle qui, violant la foy qu'elle a promise, abandonne le sien pour entretenir auec d'autres des intelligences secrettes et illicites". Vostre Royaume, MADAME, est vostre espoux;

1 Leua manum tuam super alienigenam vt videat potentiam tuam; in nova signa excita furorem; et effunde iram; tolle aduersarium et afflige inimicum; miserere nostri. Eccles., xxxvi.

• Intra fines tuos habitat Iebusæus.

* Dederunt gloriam suam alienigenæ genti. Eccles., XLIX.

4 Quasi mulier adultera quæ super virum suum inducit alienos. Ezech., XVI.

et c'est le crime que ie viens de nommer, et que Vostre Maiesté, pour le respect que ie luy dois, me deffend de répéter encore, que d'en abandonner à vn Estranger l'administration et la conduite, laquelle ne peut auoir qu'vn succez malheureux, s'il est vray qu'elle suppose la cognoissance parfaite de la volonté du Prince, dont le cœur est tellement et précieux et profond qu'il faut estre vn Dieu' (c'est à dire sans intérest et non pas sans lumières, puisqu'il en faut d'infinies) pour en diriger les mouuements et en sonder les abismes; et cette cognoissance des secrets et des conseils du Roy n'appartient pas à l'Estranger', puisque Dieu l'en exclut et deffend au Souuerain de luy en donner lumière, de l'introduire en son conseil, ny mesme de le tenir en sa présence3.

On ne doute point, MADAME, que Vostre Maiesté n'ait des lumières très esclatantes pour faire vn iuste discernement des esprits et cognoistre ceux qui luy sont vtiles et nécessaires en ses conseils. Nous le sauons: Dieu ne manque iamais d'en donner de très grandes à celles que la vertu ne couronne pas moins aduantageusement que la naissance; mais icy il n'est point question de cognoissance et de lumière, puisque Dieu parle généralement et ne met point d'exception en cette Loy qui fait, autant que nostre propre intérest, le fondement de nos plaintes et la continuation de nos requestes. Nous vous aymons trop, MADAME, pour permettre en vostre personne Royale l'expérience du chastiment dont nous auons la menace aux Prouerbes : La personne, telle qu'elle

' Cor regis in manu Domini.

2 Secretum extraneo ne reueles. Prou., xxv.

3 Coram extraneo ne facias concilium; nescis enim quid pariet. Eccles., VIII.

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