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Les courtisans, et Denys surtout, attendaient avec impatience quelle serait l'issue d'une aventure și extraordinaire et si bizarre. Le jour marqué, approchant, comme il ne revenait point, chacun blàmait le zèle imprudent et téméraire de celui qui l'avait cautionné. Celui-ci, loin de témoigner aucune crainte ni aucune inquiétude, répondait, avec un visage tranquille et d'un ton affirmatif, qu'il était sûr que son ami reviendrait : et en effet il arriva au jour et à l'heure marqués. Le tyran étonné d'une si rare fidélité, et attendri à la vue d'une si aimable union, lui accorda la vie, et leur demanda par grâce d'être admis en tiers dans leur amitié.

LE CHIEN.

UN soldat blessé ayant été oublié sur le champ de bataille, un seul ami, son compagnon, son chien était resté auprès de lui. Inconsolable, sans nourriture, il avait passé deux jours sur le corps de son maître, résolu de ne pas lui survivre. Tout-à-coup il a senti quelques légers mouvemens. L'œil de ce maître chéri s'est rouvert à la lumière. Il respire! il vit encore! L'animal généreux le couvre de caresses; il lèche ses blessures, il réchauffe ses membres glacés. Le soldat se soulève; mais, épuisé par sa longue agonie, il retombe sans force, il va périr d'inanition. Où chercher quelque assistance? Où trouver du secours? De tous côtés le silence et la mort! Mais que ne peut l'instinct dirigé par l'amour? D'un nez avide, le chien interroge l'espace, et bondissant de joie, il part comme un trait, revient plus vite encore, et apporte à son maître défaillant la moitié d'un pain qu'il a découvert au milieu des cadavres.

LE CONVERTI.

LA miséricorde divine avait conduit un homme vicieux dans une société de sages, dont les mœurs étaient saintes et pures; il fut touché de leurs vertus; il ne tarda pas à les imiter, et à perdre ses anciennes habitudes: il devint juste, sobre, patient, laborieux et bienfesant. On ne pouvait nier ses œuvres; mais on leur donnait des motifs odieux: on vantait ses bonnes actions, sans aimer sa personne on vou

lait toujours le juger parce qu'il avait été, et non parce qu'il était devenu. Cette injustice le pénétrait de douleur; il répandit ses larmes dans le sein d'un vieux sage, plus juste et plus humain que les autres. O mon fils! lui dit le vieillard, tu vaux mieux que ta réputation; rends-en graces à Dieu. Heureux celui qui peut dire, mes ennemis et mes rivaux censurent en moi des vices que je n'ai pas ! Que t'importe, si tu es bon, que les hommes te poursuivent comme méchant? N'as-tu pas pour te consoler deux témoins éclairés de tes actions, Dieu et ta conscience?

L'HOMME VRAI.

UN roi avait condamné à mort un de ses esclaves: celuici étant sans espérance, ne ménageait plus rien, et accablait le roi d'injures. Que dit-il? demanda le prince à son favori. Seigneur, il dit que les récompenses de l'autre vie sont pour les princes qui pardonnent: il vous demande grâce. Je l'accorde, dit le roi. Un courtisan, depuis long-tems ennemi du favori, avait entendu le discours de l'esclave. On vous trompe, dit-il à son maître; ce malheureux vous accablait d'injures. Le roi répondit: le mensonge qu'on m'a fait est humain, et ta vérité est cruelle. Et puis se tournant vers son favori: O mon ami, lui dit-il, c'est toi qui me diras toujours la vérité.

ALEXANDRE ET SON MÉDECIN.

ALEXANDRE s'étant jeté tout en sueur dans les eaux du Cydne, avait été saisi par une fièvre violente qui devenait encore plus dangereuse par son impatience. L'armée était dans la plus grande consternation, et aucun médecin n'osait entreprendre de le guérir. Dans ces circonstances, Philippe d'Arcananie, son premier médecin et son confident, demanda le tems de préparer un breuvage, dont l'effet devait être propre pour lui rendre la santé. On avait envoyé au roi, pendant cet intervalle, une lettre par laquelle on lui donnait avis de se défier de Philippe comme d'un traître, à qui Darius avait promis mille talens avec sa sœur en mariage. Quelle situation pour un prince malade! Alexandre cependant n'en parut point troublé; mais après avoir reçu entre ses mains le breuvage, il présente la lettre à son médecin ;

et les yeux attachés sur lui, il vide la coupe tout d'un trait. Le remède agit si puissamment sur le malade, qu'il perdit d'abord connaissance, et qu'on eut tout lieu de soupçonner du poison; mais une guérison prompte rendit bientôt Alexandre plein de force et de santé à son armée.

MUTIUS SCÉVOLA.

PORSENNA, roi des Toscans, ayant épousé le parti de Tarquin-le-superbe, chassé de Rome, alla assiéger cette ville l'an 507 avant J. C. pour y faire rentrer le tyran. La vie de Porsenna parut à Mutius incompatible avec le salut de la république. Il se détermina à la lui ôter, et déguisé en Toscan, il passa dans le camp ennemi. La tente du roi était aisée à reconnaître; il y entra, et le trouva seul avec un secrétaire qu'il prit pour le prince, et qu'il tua à sa place. Les gardes accourrurent au bruit, et arrêtèrent Mutius. On l'interrogea; il ne répondit que ces mots: Je suis Romain; et comme s'il eût voulu punir sa main de l'avoir mal servi, il la porta sur un brasier ardent, et la laissa brûler, en regardant fièrement Porsenna. Le roi, étonné, admira le courage de Mutius, et lui rendit son épée, qu'il ne put recevoir que de la main gauche, comme le désigne le surnom de Scævola qu'il porta depuis. Ce Romain, feignant alors d'être touché de reconnaissance pour la générosité de Porsenna, qui lui avait sauvé la vie, lui parla ainsi: Seigneur, votre générosité va me faire avouer un secret que tous les tourmens ne m'auraient jamais arraché. Apprenez donc que nous sommes trois cents qui avons résolu de vous tuer dans votre camp. Le sort a voulu que je fusse le premier à le tenter; et autant j'ai souhaité d'être l'auteur de votre mort, autant je crains qu'un autre ne le devienne, surtout aujourd'hui que je vous connais plus digne de l'amitié des Romains que de leur haine. Le roi Toscan fit la paix avec Rome, et cette paix fut le fruit de la bravoure intrépide d'un seul homme.

TENDRESSE CONJUGALE.

Le duc de Wittemberg s'opposa vivement à l'élection de Conrad III, proclamé empereur en 1138; et quand le nouveau monarque eut ceint le diadême, il refusa de le recon

naître, et se renferma dans la petite ville de Weinspreg. L'empereur irrité vint l'y assiéger. Le rebelle soutint toutes ses attaques avec bravoure, et ne céda qu'à la force. Le vainqueur voulait mettre tout à feu et à sang: cependant il fit grâce aux femmes, leur permit de sortir et d'emporter ce qu'elles avaient de plus cher. L'épouse du duc profita de cette permission pour sauver les jours de son mari. Elle l'emporta sur ses épaules et toutes les femmes de la ville l'imitèrent. Lorsque Conrad les vit ainsi sortir chargées de ce fardeau, ayant la duchesse à leur tête, il ne put tenir contre un spectacle si touchant; et cédant à l'admiration, il fit grâce aux hommes en faveur de leurs femmes, et la ville fut sauvée.

DÉVOUEMENT DE D'ASSAS.

LE marquis de Castries, après avoir battu les Prussiens à Rhinsberg, en 1760, médita une action plus décisive encore, et vint camper, le 15 Octobre, à un quart de lieue de l'abbaye de Clostercamp. Le prince de Brunswick ne crut pas devoir l'attendre devant Wesel qu'il assiégeait; il se décida à l'attaquer, et se porta au devant de lui, par une marche forcée, dans la nuit du 15 au 16. Le général français, se doutant de ce dessein, fait coucher son armée sous les armes, et envoie à la découverte pendant la nuit, D'Assas, capitaine au régiment d'Auvergne. A peine cet officier a-t-il fait quelques pas dans un bois, que des grenadiers ennemis l'environnent, le saisissent à peu de distance de son régiment, lui présentent la baïonnette en lui disant que, s'il fait du bruit, il est mort. D'Assas se recueille un moment pour mieux renforcer sa voix ; il crie: A moi, Auvergne, voilà les ennemis ! il tombe percé de coups. Ce dévouement héroïque fut admiré de toute la France. Une pension de mille livres fut accordée par Louis XVI aux aînés de cette famille, et, sous Napoléon, une colonne a été élevée sur le lieu où D'Assas succomba. Les dernières paroles du héros en forment l'inscription.

TRAHISON DU MAÎTRE D'ÉCOLE DE FALÉRIES.

Tous les jeunes gens des plus illustres maisons de Faléries étaient sous la conduite d'un même maître. Cet homme

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les fesait sortir ordinairement, pendant la paix, hors des murailles, afin qu'ils s'exerçassent dans la campagne à des jeux convenables à leur âge. Il n'avait point interrompu cette coutume pendant la guerre, préparant les voies à une trahison dont il espérait être bien récompensé; et il les menait tantôt plus près, tantôt plus loin, pour se mettre en état d'exécuter son dessein sans qu'ils s'en pussent douter. Enfin, un jour qu'il trouva l'occasion favorable, il amena à Camille, général des Romains, toute la jeunesse qui était confiée à ses soins, accompagnant cette action criminelle d'un discours qui ne l'était pas moins. Il lui dit: "que c'était proprement la ville de Faléries qu'il livrait en ́sa puissance en lui livrant ces enfans, dont les pères y avaient la principale autorité." Mais Camille le regardant d'un visage menaçant : Perfide, lui dit-il, tu ne t'adresses pas avec ton indigne présent ni à un général ni à un peuple qui te ressemble. Nous n'avons pas, il est vrai, avec les Falisques d'alliance fondée sur des conventions humaines et arbitraires; mais il y a entre eux et nous celle que la nature a mise entre tous les hommes, et elle subsistera toujours. La guerre a ses lois comme la paix, et nous fesons gloire d'y montrer autant de justice que de valeur. Nous avons les armes à la main, non pour nous en servir contre un âge qu'on épargne même après la prise des villes, mais contre des ennemis armés comme nous, qui sont venus attaquer notre camp devant Véïes sans que nous leur en eussions donné aucun sujet. Tu les as vaincus, autant qu'il a été en toi, par un crime inoui jusqu'à présent: mais moi, je prétends les vaincre, comme j'ai vaincu les peuples de Véïes, par la force des armes, par les travaux, par le courage, par la persévérance, seules voies dignes des Romains." Le scélérat n'en fut pas quitte pour cette réprimande. Camille 'le fit dépouiller, lui fit attacher les mains derrière le dos, et ayant armé de verges les mains de ses jeunes disciples, il leur ordonna de le ramener dans la ville en le frappant sans relâche ce qu'ils firent sans doute de bon cœur.

ORIGINE DES ÉCHECS.

UN jeune prince très-puissant régnait dans les Indes; il était d'une fierté qui pouvait devenir funeste à ses sujets et à lui-même. On essaya en vain de lui représenter que l'amour de ses sujets est toute la force et toute la puissance du

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