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homme ferme et intrépide pour un coup de main dont il avait besoin, avec cent pistoles de récompense.

Le soldat en question, qui passait pour le plus brave du régiment, se présenta; et ayant mené avec lui trente de ses camarades, dont on lui avait laissé le choix, il s'acquitta de sa commission qui était des plus hasardeuses, avec un courage et un bonheur incroyables. Il s'agissait de s'assurer, avant que de faire le logement, si les ennemis creusaient des mines sous le glacis.

Le soldat s'étant jeté à l'entrée de la nuit dans le chemin couvert, rapporte le chapeau et l'outil d'un mineur qu'il avait tué. A son retour, l'officier-général, après l'avoir beaucoup loué, lui fit compter les cent pistoles qu'il lui avait promises. Le soldat sur le champ les distribua à ses camarades, disant qu'il ne servait point pour de l'argent et demanda seulement, que, si l'action qu'il venait de faire paraissait mériter quelque récompense, on le fit officier. Au reste, ajouta-t-il, en s'adressant à l'officier-général qui ne le reconnaissait point, je suis le soldat que vous maltraitâtes si fort il y a quinze jours: je vous avais bien dit que je vous en ferais repentir.

L'officier-général, plein d'admiration et attendri jusqu'aux larmes, l'embrassa, lui fit excuse, et le nomma officier le même jour.

LE VOYAGE DE LA MECQUE.

JE fesais le voyage de la Mecque avec une troupe de jeunes gens aimables; j'admirais leur gaîté, leur sensibilité, leur penchant au plaisir et à la vertu; ce caractère me charmait, et cette société me rappelait aux sentimens agréables et aux pensées de ma jeunesse. Ils chantaient tantôt les charmes de l'amitié, tantôt ceux de la bienfesance, et l'auteur de la nature; ils se trouvaient comblés de ses bienfaits, et ils étaient heureux avec reconnaissance.

Il se joignit à nous un santon de la montagne de Pétra; il cherchait à placer quelque éloge du jeûne, de la continence, des macérations, et quelque satire de la nature humaine et du plaisir. Les cris de joie le révoltaient, notre bienveillance pour lui l'effarouchait. La seule marque d'intérêt qu'il nous donna, fut de prier à haute voix l'Etre-Suprême de nous tirer promptement de notre ivresse.

Un jour que nous approchions du hameau qu'habite la

C

famille de Jakias, fils d'Hélal, nous vimes accourir à nous des enfans et de jeunes filles qui nous apportaient, en chantant et en dansant, des fruits, du laitage et du pain; on voyait le plaisir dans leurs yeux, et leur joie ajoutait à la nôtre.

On était dans la saison où le soleil entre dans le signe du bélier; les feuilles de rose avaient écarté les filets verts qui les enveloppaient, et les rameaux des grenadiers en fleurs éclataient comme le feu; le soleil allait se coucher, et ses rayons étaient déjà interceptés par les montagnes de l'occident; nous vimes des troupeaux qui revenaient à l'étable en bondissant, de jeunes gens les conduisaient; les uns jouaient de la cornemuse, d'autres chantaient; les oiseaux de la campagne n'avaient point encore cessé leurs chants, et le rossignol avait commencé les siens.

Je jetai mes regards sur le santon farouche; il était morne au milieu de cette allégresse universelle; il arrachait, pour son souper, quelques racines insipides, et se disposait à passer la nuit sur le sable. Je lui dis: Malheureux ennemi de l'homme, ennemi de toi-même, es-tu sourd à la voix du plaisir qui retentit dans toute la nature? Peux-tu entendre sans émotion les chants de ces jeunes gens satisfaits? et l'alouette qui descend des cieux en répétant ses airs gais, et le rossignol qui a commencé sa chanson voluptueuse et tendre? Ne sens-tu pas que leur chant te dit qu'ils sont heureux? Ne vois-tu pas les bonds légers des béliers, et les mouvemens de ces chameaux qui s'égaient sous le fardeau qui les couvre? De quelle espèce es-tu donc, si tu ne partages pas le sentiment de tout ce qui respire? Regarde ces arbres utiles, vois le zéphyr agiter leurs branches fleuries; il n'imprime aucun mouvement au rocher auquel ressemble ton cœur aride et dur. Oh! si tu n'aimes pas le plaisir, quel motif as-tu donc de faire le bien? Porte tes yeux autour de toi; vois ces campagnes fertiles, ces cieux et ces mers: qu'est-ce que le monde? L'ouvrage d'un Dieu bon. hommage exige de toi sa bonté ? Ton plaisir et une action de grâce. Quel devoir t'impose sa bonté? Le plaisir des autres. Jouis, voilà la sagesse. Fais jouir, voilà la vertu.

Quel

L'IMPERTINENT PUNI.

JUSQU'A l'instant où des malheurs le rendirent mélancolique, le fameux docteur Young avait été long-tems d'un caractère très-gai, comme le prouve l'anecdote suivante. Il était un jour en partie de plaisir avec quelques dames,

qui allaient par eau au jardin du Wauxhall: tandis que la chaloupe remontait la Tamise, il s'assit sur l'arrière, et amusait la compagnie en jouant quelques airs de flûte. La chaloupe fut bientôt rattrappée par un bateau rempli de militaires qui allaient au même lieu. A l'approche de ces étrangers, le docteur Young qui n'avait point une haute idée de son talent, cessa de jouer, jusqu'à ce qu'ils eussent passé. L'un d'eux cependant lui demanda pourquoi il avait mis sa flûte dans sa poche: Par la même raison, lui répondit-il, que je ne l'avais tirée que pour m'amuser.-L'officier lui signifia très-clairement que s'il ne recommençait aussi-tôt à jouer, il le jeterait dans la rivière. Le docteur pour ne point effrayer les dames, se tut, et continua son air de la meilleure grâce du monde tout le long du chemin. Arrivé au Wauxhall, il y trouva son homme tout seul dans une des allées du jardin. Il l'aborde et lui dit: Monsieur c'était uniquement pour ne point troubler l'harmonie de ma société ni de la vôtre, que j'ai satisfait à votre demande imprudente ; mais pour vous prouver que le courage se trouve quelquefois sous un habit noir, aussi bien que sous un habit rouge, je vous prie de vous trouver demain matin à tel endroit, mais sans second, la querelle étant uniquement entre nous. -Le docteur convint encore très-particulièrement qu'ils videraient leur querelle l'épée à la main, et non par d'autres armes. Les combattans se trouvèrent le lendemain matin fort exactement au rendez-vous: mais à peine l'officier eutil tiré son épée que le docteur lui mit un grand pistolet d'arçon sous la gorge. Quoi, monsieur, dit l'impertinent, vous voulez donc m'assassiner? Non, répondit le docteur, seulement je vous prie de poser votre épée, et de vouloir danser un menuet, autrement vous êtes un homme mort. Quelques représentations que fit l'officier, il fallut obéir. Quand il eut fini, le docteur lui dit : Hier, monsieur, vous m'avez obligé à faire de la musique malgré moi, aujourd'hui je vous ai forcé à danser malgré vous, nous sommes absolument quittes. Je suis prêt actuellement à vous donner telle satisfaction que vous voudrez. L'officier touché, embrassa son adversaire, reconnut son impertinence, et lui demanda de devenir son ami.

LA PROPHETIE ACCOMPLIE.

Un jeune garçon de douze à quinze ans, chargé d'une petite pacotille de menues marchandises, parcourait la cam

pagne pour la débiter. Arrivé à un château, une occasion favorable le fait entrer dans le salon où il y avait grande compagnie. On jouait dans ce moment, et même très-gros jeu. Voyant de l'or et de l'argent sur une table, le petit marchand s'écria: Ah! si j'avais seulement deux louis, je ferais ma fortune! La dame du château l'entendit; se retourna, et fut frappée de la physionomie de ce jeune garçon. Comment, lui dit-elle, deux louis feraient ta fortune? Eh comment t'y prendrais-tu ?-Il explique les moyens dont il se servirait. La dame lui remarquant de l'intelligence, lui donna les deux louis en lui souhaitant une bonne réussite. Au bout d'une dixaine d'années, le même marchand qui avait effectivement prospéré et fait une petite fortune, eut occasion de repasser par le même endroit, ayant une charrette attelée de trois bons chevaux et remplie de marchandises. Il fait demander si on ne veut rien acheter, et on lui fait répondre que non. Au moins, dit-il, j'espère qu'on me permettra de faire ma cour à madame, et de la saluer. Comme on lui eut dit qu'il le pouvait, il tira d'une de ses balles une pièce de perse superbe: et ayant été introduit, son compliment à cette dame fut, qu'il la priait de vouloir bien agréer la pièce qu'il lui présentait. Monsieur, lui dit la Dame, vous savez que je vous ai fait dire que je ne voulais rien acheter.-Aussi, Madame, mon intention n'est pas de vous la vendre, je vous supplie seulement de vouloir bien l'accepter.-Monsieur, vous devez bien penser que je n'accepterai pas une chose de cette nature que je ne la paie. Mais, Madame, cette pièce est à vous, elle vous appartient, -Et à quel titre, s'il vous plaît?—Madame, vous rappelezvous qu'il y a environ une dixaine d'années, on jouait dans ce même salon; un jeune garçon voyant de l'or sur la table, dit que deux louis feraient sa fortune et vous eûtes la bonté de les lui donner. Je suis ce jeune garçon; ces deux louis m'ont mis dans une position assez avantageuse, et vous êtes effectivement la source de mon bonheur: ne refusez pas, je vous conjure cette faible marque de ma reconnaissance. La Dame voulut encore se défendre d'accepter un pareil présent; mais la compagnie qui se trouvait pour-lors avec elle, l'engagea à ne pas mortifier ce galant homme par son refus. Chacun donna à son procédé l'éloge qu'il méritait, et pour l'en récompenser, on acheta pour beaucoup plus que la pièce ne valait.

LE FANTÔME.

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UNE dame étant allée voir une de ses amies à la campagne, on lui dit qu'un fantôme avait coutume de se promener toutes les nuits dans l'un des appartemens du château, et que depuis bien du tems, personne n'osait y habiter. Comme elle n'était ni superstitieuse, ni crédule, elle eut la curiosité de s'en convaincre par elle-même, et voulut absolument coucher dans cet appartement. L'aventure était assez téméraire, et délicate à tenter pour une femme jeune et aimable. Au milieu de la nuit, elle entendit ouvrir sa porte, elle parla, mais le spectre ne lui répondit rien. Il marchait pesamment et s'avançait en poussant des gémissemens. Une table qui était aux pieds du lit fut renversée, et ses rideaux s'entr'ouvrirent avec bruit. Un instant après, le guéridon qui était dans la ruelle, fut culbuté, et le fantôme s'approcha de la dame; elle de son côté, peu troublée, allongeait les deux mains pour sentir s'il avait une forme palpable. En tâtonnant ainsi, elle lui saisit les deux oreilles, sans qu'il y fît aucun obstacle. Ses oreilles étaient longues et velues; ce qui lui donnait beaucoup à penser. Elle n'osait retirer une de ses mains pour toucher le reste du corps, de peur qu'il ne lui échappât, et pour ne point perdre le fruit de ses travaux, elle persista jusqu'à l'aurore dans cette pénible attitude. Enfin, au point du jour, elle reconnut l'auteur de tant d'alarmes pour un gros chien assez pacifique, qui n'aimant point à coucher à l'air, avait coutume de venir chercher de l'abri dans ce lieu, dont la serrure ne fermait pas.

LA FIDÉLITÉ MAL RÉCOMPENSÉE.

M. P...........avait un chien nommé Muphty qu'il aimait beaucoup. Un jour qu'il devait recevoir une somme de douze cents livres à la campagne, il monte à cheval, et Muphty ne manque pas de l'accompagner; cet animal est témoin de tout; il voit que M. P......... compte et recompte de l'argent qu'il enferme dans un sac avec grand soin, et qu'il remonte à cheval d'un air satisfait.

Muphty prend part à la joie de son maître; il s'agite, saute autour de lui, et jappe pour le féliciter. Vers le milieu du chemin, M. P......... est obligé de mettre pied à terre ; il attache son cheval à un arbre et se rend où il voulait aller :

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