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réduite à la dernière misère; les théâtres jouérent le Masque de Comus à son bénéfice: En même temps, le libraire Tonson, propriétaire du droit de copie, obtenait un ordre pour faire défendre la publication du Paradis perdu. Ainsi, les œuvres de Milton constituaient un monopole et sa petite-fille mourait de faim; le public payait un prix élevé pour les exemplaires de ses ouvrages, et, en même temps, il apportait son offrande charitable pour le soutien de la postérité de l'illustre poëte. Il y a un autre danger la mutilation ou la suppression d'ouvrages excellents et de grande valeur. Il y a beaucoup de personnes qui refuseraient, par des motifs consciencieux, de réimprimer des livres tels que les Nouvelles de Fielding ou l'Histoire de Gibbon, si elles en devenaient les propriétaires. Les Nouvelles de Richardson méritent d'être classées parmi les productions les plus originales de la littérature anglaise. Le petit-fils de Richardson, qui eût hérité probablement du droit de copie de son aïeul, avait une telle aversion pour les ouvrages d'imagination, qu'il ne voulut jamais lire même un des livres de l'excellent romancier. Il regardait les romans comme une œuvre de péché. On ne peut douter que s'il avait eu la faculté de supprimer les ouvrages de son père, un exemplaire de Clarisse Harlowe serait devenu aussi rare qu'un Alde ou un Caxton. Voici encore un autre exemple. Il est peu de livres d'une lecture aussi agréable et aussi instructive que la Vie de Johnson, par Boswell. Boswell eut un fils, lequel se trouvait humilié des relations qui avaient existé entre son père et Johnson, et qui se montrait blessé même d'une allusion au livre où elles étaient retracées. Très - certainement, s'il en avait eu le pouvoir, il aurait mutilé, et même anéanti complétement l'ouvrage de son père. »,

Lord Macaulay, appliquant ces exemples aux ouvrages de controverse religieuse et de piété, dont l'importance est si considérable en Angleterre, fit voir à quels dangers pouvait conduire leur possession privilégiée à perpétuité ou même pendant un terme trop prolongé, entre les mains des héritiers de l'auteur, qui seraient maîtres d'en priver le public.

La chambre des communes témoigna par son vote combien ces raisons lui semblaient concluantes.

12. Si parmi la majorité quelques consciences s'étaient senties troublées par les critiques que le vote du Congrés a soulevées, nous espérons qu'elles se trouveront raffermies par l'exposé qui précède. On a parlé d'appeler des décisions du Congrès à une autre assemblée. Le Congrès a été lui-même un tribunal d'appel, et la cause qui a succombé devant lui avait déjà été condamnée avant qu'il rendît la même sentence. De nouveaux juges la confirmeront elicore, sans nul doute, chaque fois que se rouvrira un débat contradictoire.

Nous nous serions moins arrêté à cet acte spécial du Congrès si l'importance n'en avait été exagéréé par ceux qui y ont vu un grief capital contre lui. Toute l'œuvre du Congrès a disparu aux yeux de certains critiques; ils n'ont voulu considérer que le rejet de la doctrine de la perpétuité. Cependant le Congrès a mieux servi par là les intérêts des écrivains et des artistes, que s'il avait prêté à cette doctrine l'appui de son vote. Sans donner plus de consistance et de poids à une théorie qui n'a su forcer l'accès d'aucune législation, il eût affaibli sa propre autorité et compromis les résultats utiles que l'on peut attendre de ses délibérations.

Si l'on trouvait que cette introduction ne rendît pas entièrement le but de la préface explicative que le Congrès, dans sa dernière réunion, avait chargé le bureau de rédiger, nous ferions observer que, en présence des attaques assez nombreuses et d'une vivacité imprévue, auxquelles le vote sur la question de la perpétuité a donné naissance, une explication particulière et complète sur cette question nous paraissait être la véritable préface d'un recueil des délibérations du Congrès. La démonstration philosophique a été faite dans l'assemblée même; nous avons appelé l'Histoire à lui imprimer le dernier caractère d'autorité.

Les propositions du comité d'organisation auxquelles le Congrès s'est rallié, sauf un petit nombre de changements relatifs à des questions appartenant à la seconde section; l'excellent rapport de M. Foucher au nom de cette section, les travaux des autres rapporteurs, et enfin le texte même des votes du Congrès nous semblent d'ailleurs présenter, dans leur ensemble, exposé suffisamment net et complet des principes et des résolutions de l'assemblée.

EDOUARD ROMBERG.

FAITS DIVERS.

un

On annonce la prochaine conclusion d'une convention littéraire et artistique entre la France et le Danemarck, dans laquelle les questions de formalités légales et de tarifs de douane seront réglées.

Le Conseil d'administration du Cercle de la Librairie, de l'Imprimerie et de la Papeterie vient de voter une somme de cent francs pour les pauvres du bureau de bienfaisance du dixième arrondissement.

Dans sa séance mensuelle du 4 décembre, le Conseil d'administration du Cercle a voté l'admission de six nouveaux membres sociétaires : MM. Amyot, libraire-éditeur; Dezobry, libraire-éditeur; Magdeleine, libraire-éditeur;

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Dans la même séance les Comités du Journal de la Librairie et de la Propriété littéraire ont été reconstitués à nouveau pour l'année 1859, comme suit :

:

Comité du Journal de l'Imprimerie et de la Librairie MM. Victor Masson, vice-président; Alfred Firmin Didot, secrétaire; Bréton, Colombier, Durand, Amédée Gratiot.

Comité de la Propriété littéraire et artistique : MM. J. B. Baillière, vice-président; Jules Baudry, secrétaire; Amyot, Charpentier, Michel Lévy, Jules Tardieu.

M. le président du Cercle est de droit président des deux Comités.

Jeudi, 7 décembre, a eu lieu aux TroisFrères Provençaux le banquet annuel de l'Asso-· ciation des imprimeurs de Paris, sous la prési– dence de M. Ch. Lahure. La réunion était nombreuse; on y remarquait plusieurs anciens imprimeurs, heureux de se retrouver avec leurs confrères. A la fin du repas, M. Ch. Lahure, viceprésident de la chambre des imprimeurs, a pris la parole: «En portant un toast, a-t-il dit, à la prospérité et à la durée de notre Association, je suis amené naturellement à vous demander de porter avec moi la santé de notre ancien et cher président, M. Guiraudet, qui a tant contribué à donner de l'autorité et de la puissance

notre Association et à resserrer des liens de confraternité, qui ne feront, je l'espère, que s'augmenter.» M. J. Delalain a présenté « au nom du Cercle de la librairie, la santé de MM. les imprimeurs de Paris, auxquels les libraireséditeurs doivent tant d'améliorations et même d'économies apportées dans leurs publications, et dont les belles impressions, l'honneur de la typographie française, font justement l'admiration des deux mondes. » M. Napoléon Chaix a porté un toast « à M. Ch. Lahure, notre président désigné, a-t-il dit, qui le mérite par ses excellentes qualités. « M. Guiraudet, président honoraire de la chambre des imprimeurs, a répondu d'une voix fort émue au toast de M. Ch. Lahure. Il a dit tout le souvenir qu'il conservait de ses anciennes et longues relations avec les membres de l'Association, et il leur a demandé la continuation de leur fraternelle et vieille amitié.

On lit dans le Moniteur :

« M. Henri Plon, imprimeur, a offert, à titre de don, au ministre de l'intérieur, quatrevingt-dix volumes pour la bibliothèque de l'asile impérial de Vincennes. »

Les sénats de Hambourg et de Lubeck, qui, en vertu d'une convention du 8 août 1841 réglant les conditions du trasport sur la voie ferrée entre Hambourg et Berlin, prélevaient, sur les marchandises expédiées en transit par ladite voie, un droit de 5 c. par 100 kilogrammes, viennent de supprimer cette taxe sur un

nombre considérable d'articles, parmi lesquels nous remarquons les lithographies.

Lá Bibliothèque impériale a reçu un legs précieux. Me Champagneux, la digne fille de Mae Roland, a voulu, par son testament, que le manuscrit des Mémoires de sa mère fût remis à la Bibliothèque impériale. Sa famille a obéi avec empressement à une volonté conforme à sa propre intention. Déposés à la Bibliothèque impériale, les Mémoires de l'illustre amie des Girondins sont aujourd'hui à la place qu'elle leur aurait choisie sans doute elle-même, puisqu'elle les avait rédigés pour qu'ils fussent mis sous les yeux du public de tous les temps, et, selon son expression, comme un appel à la postérité. Ecrits d'une main ferme, au fond des cachots et presque au bruit des préparatifs de son supplice, ils sont le monument de son héroïsme et de son génie. Ces pages, les unes enjouées et charmantes, les autres pleines d'invectives généreuses et d'élans passionnés, ne portent presque aucune rature, mais on y voit la trace des larmes que le cœur de la mère a laissé échapper, alors même que d'une plume intrépide elle bravait. en les défiant, la mort et les bourreaux. Par une coïncidence singulière, c'est le 10 novembre 1793 que Mme Rolland est montée sur l'échafaud, et c'est le 10 novembre 1858, soixante-cinq ans après, que le manuscrit de ses Mémoires, que son appel à la postérité, sont entrés dans le grand dépôt de la Bibliothèque impériale. (Moniteur.)

Les ouvrages suivants ont été offerts à la Bibliothèque du Cercle de la Librairie, de l'Imprimerie et de la Papeterie :

Lady Clare, légende, par J. T. de SaintGermain. 1 vol. in-18, 1859. Paris, Julės Tardieu.

Pour une Epingle, légende, par J. T. de SaintGermain; 4o édition. 1 vol. in-18, 1858. Paris, Jules Tardieu.

L'Art d'être malheureux, légende, par J. T. de Saint-Germain; 2e édition. 1 vol in-18, 1857. Paris, Jules Tardieu.

Mignon, légende, par J. T. de Saint-Germain; 2e édition. 1 vol. in-18, 1857. Paris, Jules Tardieu.

Offerts par M. Jules Tardieu, éditeur, rue de Tournon, 13.

Le Magasin de Librairie, publié par Charpentier avec le concours des principaux écrivains ; livraisons in-8°, 1858. Paris, Charpentier.

Offert par M. Charpentier.

Histoire de France, principalement pendant le seizième et le dix-septième siècle, par Léopold Banke, traduction de J. Jacques Porchat; 2 vol. in-8°, 1854. Paris, Friedrich Klincksieck. Offert par M. Klincksieck.

M. Alexandre Cotelle, libraire éditeur de musique, est décédé à Paris le 5 décembre, dans sa 73° année.

*

CORRESPONDANCE.

Monsieur le directeur,

On lit dans le Dictionnaire des contemporains, que vient de publier M. Hachette, et à l'article qui me concerne qu'en 1838 j'eus l'heureuse idée d'importer en France le petit format in-18 anglais, qui fut aussitôt naturalisé sous le nom de format Charpentier. Ma réponse est dans la lettre ci-après :

8, rue de la Paix, le 24 novembre 1858. << Mon cher confrère,

<< En réponse à votre demande, je m'emprese d'attester que le format adopté par vous pour votre collection n'est pas un format anglais, comme on l'a dit, et comme vous l'avez vousmême improprement appelé. Le format qui se rapprochait le plus du vôtre, et dont on se servait en Angleterre avant la publication de votre collection, était le foolscap octavo (10 centimètres 1/2 de largeur sur 17 de hauteur).

« Votre format a été importé en Angleterre, vers 1846, par M. David Bogue, éditeur dans Fleet street, à Londres; je puis affirmer ce fait avec d'autant plus de certitude, que c'est moimême qui lui ai envoyé une feuille d'échantillon de votre format, qui lui a servi de modèle. M. Bogue chargea MM. Spalding et Stodge, papetiers bien connus à Londres, de lui fabriquer ce papier. J'ajouterai même que votre format était si bien inconnu en Angleterre, que M. Monry-Bohn, de Henrietta street (Covent Garden), à Londres, voulant faire concurrence à la collection annoncée par M. Bogue, et pressé de publier le premier volume de la sienne, fut obligé de s'adresser à MM. Spalding et Stodge pour se procurer ce format, qu'il ne pouvait trouver tout fabriqué dans aucune des fabriques de Londres. Ce dernier fait m'a été affirmé quelque temps après par M, Bogue luimême.

« Si ce renseignement peut vous être de quel que utilité, veuillez en user sans crainte d'être dementi.

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tiens à le conserver. J'ai appelé ce formát anglais, il est vrai, mais pour lui donner un nom distinctif, ne pouvant l'appeler format in-18 jésus, de 55/70 centimètres, et aussi pour répondre à ce goût d'anglomanie qui est assez commun en France. Mais personne en librairie ne s'est mépris ni sur le mot ni sur la chose, et je défie qu'on montre un volume quelconque, imprimé avant le 6 août 1838 (date de ma première publication), dans les conditions de format et d'imposition de celui de la Bibliothèque Charpentier.

Veuillez, monsieur, agréer l'expression de ma parfaite considération. Paris, 10 novembre 1858.

CHARPENTIER,

Éditeur du Magasin de librairie et de la Bibliothèque Charpentier.

CHRONIQUE JUDICIAIRE.

Une difficulté très-sérieuse s'est élevée entre M. Carvalho, directeur du Théâtre-Lyrique, et la commission des auteurs et compositeurs dramatiques. La commission, en autorisant les théâtres à représenter et à exécuter les œuvres de ses sociétaires, exige le payement de droits d'auteurs, même pour les ouvrages tombés dans le domaine public. M. Carvalho conteste cette prétention, qui lui paraît exagérée et illégale, et demande au tribunal civil de la déclarer contraire à l'ordre public. En même temps que le tribunal civil est saisi par M. Carvalho, le tribunal de commerce l'est par la commission des auteurs dramatiques.

La première chambre du tribunal civil avait à décider samedi dernier lequel des deux tribunaux garderait la connaissance de l'affaire; la commission des auteurs dramatiques demandait au tribunal de se dessaisir; M. Carvalho s'opposait à cette demande.

Le tribunal, après avoir entendu Me Ollivier dans l'intérêt de M. Carvalho, et Me Nogent Saint-Laurens pour la commission des auteurs dramatiques, a, conformément aux conclusions de M. Pinard, avocat impérial, retenu la cause et remis à huitaine pour plaider sur le fond,

BULLETIN TECHNOLOGIQUE.

Nouveau papier d'emballage, par M. Lemoine.

M. Lemoine a pensé à recouvrir le papier d'une couche de gutta-percha; cette substance est échauffée et on la fait ensuite passer entre deux cylindres qui lui donnent l'épaisseur voulue; on obtient par ce moyen des papiers d'emballage de différentes forces, suivant l'é

paisseur de la couche de gutta-percha et la nature du papier qu'elle recouvre. L'emploi de ces enveloppes protectrices est, comme on sait, extrêmement répandu dans le commerce d'exportation et dans le transport de toutes les marchandises pour lesquelles on doit éviter l'humidité.

Nouveau mode de gravure sur cuivre.

Dans la dernière séance de l'Académie des sciences, M. le maréchal Vaillant a fait la communication suivante :

Le dépôt de la guerre vient de s'enrichir d'un procédé de gravure qui est à la fois simple, facile, économique sous le rapport du temps, plus économique encore au point de vue de la dépense. Les premières applications en ont été faites pour la reproduction, par la gravure, des dessins de reconnaissances faites par les officiers de l'état-major pendant les dernières opérations militaires entreprises par le maréchal Randon en Kabylie. Voici quelques détails sur le procédé.

dée première de ce procédé, dont on peut attendre de beaux et précieux résultats, est due à M. Defrance, dessinateur au dépôt de la guerre ; M. le colonel d'état-major Levret a le mérite d'avoir rendu pratique l'idée de M. Defrance.

D'après les premiers essais de ce genre de gravure appliqué à la carte de la Kabylie en six feuilles, il présente, relativement au mode ordinaire, une économie des sept huitièmes de temps et des six septièmes de la dépense.

La Dermotypotemnie.

Quand, par sa promptitude à livrer l'exemplaire, l'imprimerie commença de faire pâlir la copie manuscrite, un art nouveau, tenant de l'ancien et de celui qui se développait, essaya de se faire jour, effort ingénieux d'une lutte suprême de la miniature cherchant à égaler, en se transformant, la gravure sur bois ou sur acier et l'imprimerie qui allait vulgariser les livres. Cet art est ce qu'on pourrait appeler la DermoLypotemnie.

Deux monuments de cette tentative intéres

de se développer, survivent seuls aujourd'hui comme pour prouver une fois de plus l'incroyable patience et l'habileté inimaginable des ouvriers miniaturistes et burineurs de ces siècles où l'art, brûlant d'inspiration, savait cependant se soumettre aux lenteurs d'une exécution idéalement parfaite. Mais un autre enseignement en peut être tiré, comme on le verra tout à l'heure.

Supposons un dessin fait sur papier transparent (et c'est ainsi que les travaux topographi-sante, mais qui ne devait pas trouver moyen ques arrivent généralement au ministère de la guerre), on retourne ce dessin et on le fixe sur une planche ou un carton avec quelques-uns de ces petits clous nommés punaises. Puis sur l'envers de la feuille de papier on applique avec une brosse une suite de couches de gélatine, de manière à obtenir une plaque ou lame de gélatine de 1/4 ou 1/2 millimètre d'épaisseur. Le dessinateur décalque sur cette gélatine, à l'aide d'une simple pointe, le dessin qui est audessous. Cela fait, sur la plaque de gélatine on applique à l'aide d'un pinceau de la gutta-percha rendue liquide par le sulfure de carbone, et l'on multiplie les couches de gutta-percha jusqu'à ce que l'épaisseur totale soit aussi de 1/4 de millimètre à peu près : le nombre des couches est au moins de trente.

Cette opération terminée, et la gutta-percha étant arrivée à un degré complet de siccité, on applique sur cette table de gutta-percha une planche de cuivre donnant du corps et de la rigidité à tout l'ensemble. Puis on retourne cet ensemble, c'est-à-dire qu'on met en haut et à l'extérieur la feuille de papier transparent ou le dessin primitif; on enlève sans peine cette feuille de papier, et, en humectant successivement et à petits coups d'éponge la couche de gélatine, on amène cette gélatine à se séparer de la gutta-percha. On métallise cette guttapercha à l'aide de la plombagine. Enfin on plonge et cette planche de gutta percha et la planche de cuivre dans un bain de cuivre préparé comme pour la galvanoplastie ; ce qui était en relief sur la gutta-percha se montre en creux sur le cuivre déposé par la dissolution, et en dernier lieu on a une planche qui reproduit merveilleusement bien le dessin original. L'i

Ces monuments, ce sont les ouvrages intitulés, l'un Liber Passionis Domini nostri JesuChristi, cum figuris et caracteribus ex nulla materia compositis, et l'autre : Psalmata pœnitentiæ, cum figuris et caracteribus ex nulla materia compositis.

Le premier se trouve au nombre des livres que le prince de Ligne conserve à Belœil. M. Paul Dupont en parle dans son Histoire de l'imprimerie, mais il l'appelle le livre unique, car il ignore, et cela est bien permis, qu'un autre ouvrage exécuté d'après le même procédé repose depuis 150 ans au fond de la bibliothèque poudreuse d'un érudit de province.

« Ce livret in-12 unique, dit M. Paul Dupont en parlant du Livre de la Passion, contient vingtquatre feuillets, y compris neuf estampes, Le vélin en est de la plus grande blancheur et du plus beau poli. Le premier feuillet, qui sert de frontispice, représente des H couronnés, entremêlés de roses. Le deuxième, qui est également une vignette, a pour dessin les armes d'Angleterre avec la devise: Honny soit qui mal y pense. Au-dessus de cette devise, on aperçoit une rose et deux herses, qui sont les armes de Henri VII, parvenu au trône en 1481 et mort en 1509. On présume que ce livre remarquable a été fait entre ces deux époques.

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« Au 3o feuillet commence Passio Domini nostri Jesu-Christi. secundum Johannem, cap. xvIII. Le texte entier de la Passion occupe quatre feuilles. Sept autres représentent les principaux mystères de la Passion et sont placés à côté du texte qui les cite. Sur chaque feuillet, on a découpé avec la pointe d'un canif ou d'un instrument fort tranchant toutes les lettres et les traits des figures qui y avaient été préalablement dessinées.

« Par cette opération, chaque feuillet se trouve percé à jour et ne représente que différentes espèces de vides. Entre chaque feuillet de vélin on a intercalé une feuille volante de papier bleu qui laisse voir les lettres et les figures aussi distinctement que si elles étaient gravées ou imprimées. »

On a pu saisir par les quelques lignes précédentes le sens parfait de ces mots : cum figuris et caracteribus ex nulla materia compositis. C'est le travail du découpeur poussé à un point de perfection artistique.

Le second spécimen de ce mode d'impression et d'illustration des livres, particulier au seizième siècle, est possédé depuis cent cinquante ans par la famille de M. Ernest Aumerle, qui vient de jeter, dans une brochure publiée à Issoudun, un peu de jour sur cet art de la dermotypotemnie, dont l'existence était à peine soupçonné par les plus doctes bibliophiles.

Les Psaumes de la pénitence, à la description et à l'interprétation esthétique et allégorique desquels M. Ernest Aumerle a consacré sa brochure, sont un in-12 composé de 26 feuilles de vélin choisi.

Le 1er feuillet contient les initiales de François 1er, et les fleurs de lis de France; — le 2o, les armes, les emblèmes, les devises du roi;

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- le 9,

le 3*, Bethsabėc au bain et le commencement du psaume vi; — le 4o, la suite du psaume; — le 5o, la fin du psaume, David congédiant Urie, et le commencement du psaume xxxı ; — le 6o, la suite du psaume; -le 7°, la fin du psaume xxxi et le commencement du psaume xxxvII; Mort d'Urie et la suite du psaume; suite du psaume; —le 10e, la suite du psaume; le 11e, la fin du psaume et la Pénitence de David; le 12o, le commencement du psaume L; le 13o, la suite du psaume; — le 14°, la fin du psaume L et le commencement du psaume CI; le 15e, le Sacrifice de David et la suite du psaume; le 16, la suite du psaume; le 17o, la suite du psaume; le 18°, la suite du psaume; le 19°, David recevant la femme sage de la ville de Thecua, et le commencement du psaume CXXIX; - le 20o, la fin du psaume CXXIX et le commencement du psaume CXLII; le 21, le Trône de Salomon et la suite du psaume; le 22e, la suite du psaume; - le 23o, la fin du psaume et de l'ouvrage. Ce n'est pas sans but que nous avons énu

méré feuillet par feuillet les matières contenues dans le livret de M. Aumerle. C'est afin de renvoyer le lecteur aux psaumes cités plus haut, qui lui inspireront tout d'abord quelque confiance dans l'ingéniosité, sinon dans la justesse de l'interprétation de M. Aumerle.

En effet, M. Aumerle ne donne pas une description détaillée des diverses parties de l'ouvrage; seulement, pour en faire apprécier le travail artistique tout spécial, mais, passant à des considérations d'un ordre supérieur, il voit dans le choix des psaumes et dans celui des illustrations, dans la manière dont celles-ci sont traitées, le développement d'une allégorie,

L'allégorie, la légende. le symbole, jouent un grand rôle au seizième siècle. La pensée, mise à l'étroit, tente de se faire sa place. Rabelais crée son panthéon mystérieux et habille la raison en masque flagellant de ses gigantesques allégories les ridicules et les abus.

M. Aumerle pense que le livre des psaumes a été fait sur un plan donné par la docte Marguerite, la providence des artistes, des savants, des penseurs de cette époque ardente; qu'elle l'a fait buriner dans le but de l'offrir au roi François Ier, non pas seulement pour exciter son amiration par cette œuvre d'art digne de l'attention du roi artiste, mais pour plaider auprès du roi chevalier la cause de Bourbon, ac

cusé d'infamie.

Depuis le premier feuillet jusqu'au dernier, cette supplique, écrite et dessinée en caractères impalpables, s'élance vers le but. L'atteint-il pour le lecteur? C'est au lecteur de décider. Qu'il prenne la brochure de M. Ernest Aumerle, et, la lisant avec attention, ce qui sera facile, car elle est pleine d'un intérêt captivant; qu'il pèse les arguments que chaque feuillet met dans la balance.

Pour nous, plus occupés de l'art dermotypotemnique retrouvé, nous nous bornerons à témoigner notre admiration pour des travaux si remarquables, et à regretter que l'activité des temps modernes ne permette plus de produire de pareils chefs-d'œuvre.

L'industrie remplace par des procédés rapides les procédés lents des artistes; elle multiplie à l'infini les manifestations de la pensée, mais c'est aux dépens de la pensée même, qui vient incomplète et faussée sous l'effort automatique de la matière mise en mouvement. Certes, la chromolithographie a produit des chefs-d'œuvre industriels; mais le plus beau vaut-il l'œuvre le plus ordinaire d'un miniaturiste du moyen âge? Que sont nos broderies à l'emporte-pièce à côté de celles du Livre de la Passion et des Psaumes de la pénitence? Bien peu de chose; car l'âme manque à nos productions à la mécanique; il leur manque ce fini inspiré que pouvait seule donner la main patiente d'un artiste croyant. LÉON MICHEL. (Moniteur universel.)

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