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St. François, qui nous indique le port, et tous les biens dont il est embelli. Vous souviendrez-vous à Londres du projet que vous aviez formé à Genève? C'étoit un centre auquel tous les événemens du siècle pouvoient aboutir, comme dans Lucien toutes les prières aboutirent à l'oreille de Jupiter; jamais on n'eut plus que vous le talent de peindre vivement sans exagérer. Le fond de votre sujet auroit aussi un avantage unique: vous traceriez le Tableau de la Nature Humaine comme Montagne, mais dans un point de vue et avec un modèle différent; ainsi vous en ferez appercevoir toute l'harmonie, quand il en faisoit entendre toutes les discordances; et vous puiseriez dans cette corne d'abondance que vous avez déjà fait reparoître, et qu'on n'ose plus reléguer dans les fables; enfin vous vous garantiriez de ses mains mal habiles, plus funestes que la faux du tems, qui retranche quelquefois, mais ne défigure jamais.

J'espère, Monsieur, que vous aurez trouvé Milord Sheffield dans une situation d'ame plus calme, et votre amitié par les sentimens les plus doux achevera l'ouvrage de ses réflexions. Combien de fois nous avons senti cette influence, M. Necker et moi! et qu'il est délicieux pour mon cœur de doubler ainsi mon attachement pour vous par celui que vous inspirez à M. Necker! Adieu, Monsieur, j'espère que cette lettre y croisera la vôtre: il est essentiel pour nos arrangemens d'apprendre bientôt de vous. Si vous passez l'hiver en Angleterre, dites, je vous prie, à votre hôte excel

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lent et distingué, toute la part que nous avons prise à sa douleur.

Puis-je vous demander sans indiscrétion de vous informer s'il existe une traduction du Pouvoir Exécutif; et, en ce cas, auriez-vous la bonté de me la faire parvenir?

La mère des Gracques est ici avec ses jolis enfans, et son mari, pour lequel j'ai beaucoup d'affection: cette moderne Cornélie ajouteroit volontiers, pour plaire à M. Gibbon, quelque chose de plus à sa parure que le mérite de ses deux fils.

N° CCLI.

Madame NECKER à M. GIBBON.

A Lausanne, ce 9 Décembre, 1793.

Je ne puis vous exprimer, Monsieur, quel a été mon saisissement aux nouvelles si imprévues que nous avons reçues de vous; en vain M. de Sévéry les a-t-il environnées de toutes les moralités, qui pouvoient donner le change à nos tristes pensées; votre courage, votre gaieté, votre aménité; toutes ces qualités si aimables dans d'autres temps pèsent sur mon cœur avec les autres motifs que j'ai de vous chérir. Le crépuscule de notre vie est bien couvert de nuages, puisque l'amitié même, la douce amitié, auprès de laquelle nous trouvions un asile, nous présente actuellement un centre de douleur, qui retentit dans toutes les parties de mon être. Je ne vous dirai rien de plus, Monsieur; ma foiblesse s'accorde mal avec votre héroïsme, et c'est seulement en vous parlant de vous, que nous pou

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vons cesser de nous entendre. Nous sommes à Lausanne; nous vous y regrettons au lever de l'aurore, et sur tout au coucher du soleil: car c'est alors que nous étions habitués à vous voir rentrer dans notre ruche solitaire, chargé du miel que vous aviez recueilli au dehors, mais plus riche encore de celui qui couloit de vos lèvres. Cependant je m'applaudis d'être ici à portée d'avoir de vos nouvelles; j'ai vu votre dernier bulletin, et j'espère que vous continuerez avec la même exactitude, car vous savez combien vos amis souffrent, et vous n'avez rien de cette nature de tigre, qui nous est devenue si familière.

Nous avons renoncé à Genève; cette petite ville marche en tout sur les traces de la France, et les pigmées n'inspirent que le mépris, quand ils imitent les gestes épouvantables des géans briarées. Cette coupable parodie perd, pour jamais peut-être, une ville autrefois si florissante; l'on y égalise les fortunes par des collectes perpetuelles, comme on le fait en France par des confiscations; d'ailleurs, l'on ne dira plus, je ne décide point entre Genève et Rome, mais entre Hobbes et Spinosa; l'auteur des Opinions Religieuses avoit trop prévu cette funeste révolution plus terrible que toutes les autres, en ce qu'elle donne le même mauvais esprit aux deux partis opposés. Vous le voyez, Monsieur: je viens de faire un effort pour me détourner du sujet qui dans ce moment me captive toute entière; mais cette espèce de dissimulation coute à ma plume, et je l'abandonne de nouveau aux tendres vœux, que

nous

nous faisons en votre faveur, et au sentiment qui attache pour jamais mon ame à la vôtre.

N° CCLII.

EDWARD GIBBON, Esq. to Mrs. GIBBON, Bath. Lausanne, Aug. 1st, 1792.

MY DEAREST MADAM, THE extraordinary state of public affairs in France opposes an insuperable bar to my passage; and every prudent stranger will avoid that inhospitable land, in which a people of slaves is suddenly become a nation of tyrants and cannibals. The German road is indeed safe, but, independent of a great addition of fatigue and expense, the armies of Austria and Prussia now cover that frontier; and though the generals are polite, and the troops well disciplined, I am not desirous of passing through the clouds of hussars and pandours that attend their motions. These public reasons are fortified by some private motives, and to this delay I resign myself, with a sigh for the present, and a hope for the future.

What a strange wild world do we live in! You will allow me to be a tolerable historian, yet, on a fair review of ancient and modern times, I can find none that bear any affinity with the present. My knowledge of your discerning mind, and my recollection of your political principles, assure me, that you are no more a democrat than myself. Had the French improved their glorious opportunity to erect a free constitutional monarchy on the ruins of arbitrary power and the Bastile, I should applaud

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plaud their generous effort; but this total subversion of all rank, order, and government could be productive only of a popular monster, which, after devouring every thing else, must finally devour itself. I was once apprehensive that this monster would propagate some imps in our happy island, but they seem to have been crushed in their cradle; and I acknowledge with pleasure and pride the good sense of the English nation, who seem truly conscious of the blessings which they enjoy and I am happy to find that the most respectable part of Opposition has cordially joined in the support of "things as they are." Even this country has been somewhat tainted with the democratical infection; the vigilance of government has been exerted, the malecontents have been awed, the misguided have been undeceived, the fever in the blood has gradually subsided, and I flatter myself that we have secured the tranquil enjoyment of obscure felicity, which we had been almost tempted to despise.

You have heard, most probably, from Mrs. Holroyd,* of the long-expected though transient satisfaction which I received from the visit of Lord Sheffield's family. He appeared highly satisfied with my arrangements here, my house, garden, and situation, at once in town and country, which are indeed singular in their kind, and which have often made me regret the impossibility of shewing them to my dearest friend of the Belvidere. Lord Sheffield is still, and will ever continue, the same

* Of Bath.

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