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Si j'écrivois pour le peuple je m'addresserois à ses passions; je le ferois souvenir de cette maxime de tous les tems, que dans les républiques, ceux qui sont libres, sont plus libres, et ceux qui sont esclaves, plus esclaves que partout ailleurs. Mais avec un ami tel que vous, je ne dois chercher que la vérité, et n'employer que la raison. Quand je compare votre état avec celui de vos voisins, c'est avec plaisir que je le prononce heureux. Traversez votre lac et vos montagnes, vous trouverez partout un peuple digne d'un meilleur sort; sa raison abrutie par la superstition, le patrimoine de ses pères, et le fruit de son industrie, en proye au partisan, ou au hussard. Sa vie sacrifiée à tout moment au caprice d'un seul homme, qui, lorsqu'il entend parler de vingt milles de ses semblables, morts dans le service de son ambition, dira froidement, qu'ils ont fait leur devoir.

Vous,

If I wrote for the people I would speak to their passions, and hold a language repeated in all ages, that under republics, those who are free are more free, and those who are enslaved, more enslaved, than under any other form of government. But with a friend like you I would seek only the maxims of truth, and employ only the arguments of reason. When I compare your condition with that of surrounding nations, I can sincerely congratulate you on your happiness. Whenever we quit the neighbourhood of your lake and mountains, we find men who, though worthy of a better fate, are plunged in the most abject superstition; whose property and industry are the spoils of a licentious soldiery; and whose lives are ready every moment to be sacrificed to the caprice of one man, who, when he hears that twenty thousand of his fellowcreatures have fallen sacrifices to his ambition, is contented with saying coldly," they have done their duty."

You,

Vous, au contraire, professez un Christianisme, ramené à la divine pureté de son institution, enseigné par de dignes pasteurs, à qui on permet de se faire aimer, de se faire respecter, mais non de se faire craindre. Votre union avec le Corps Helvétique vous a assuré depuis deux siècles une paix unique dans l'histoire. Vos impôts sont petits, l'administration douce. On n'entend point parler parmi vous de ces sentences sans procès, sans crime, sans accusateur, qui arrachent un citoyen du milieu de sa famille. L'on ne voit jamais le souverain, on le sent rarement. Cependant si la liberté consiste à n'être soumis qu'à des loix, dont l'objet est le bien commun de la société, vous n'êtes point libre.

Quand la violence des uns, et la foiblesse des autres, ont rendu nécessaires les sociétés civiles, il

a fallu

You, on the contrary, enjoy a Christianity brought back to the purity of its original principles, taught publicly by worthy ministers, who are loved and respected, but who have it not in their power to become the objects of fear. Your connexion with the Swiss cantons has preserved to you the blessings of peace two centuries; a thing unexampled in history. Your taxes are moderate; and the public administration is gentle. You have not to complain of those arbitrary sentences, which, without any form of legal procedure, without an accuser, and without a crime, have been known to tear citizens from the bosoms of their families. The sovereign is never seen; the weight of his authority is rarely felt yet if liberty consists in being subject to laws which impartially consult the interests of all the members of the community, you do not enjoy that blessing.

When the injustice of some, and the weakness of others, showed the necessity for civil society, individuals were obliged to

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a fallu renoncer à cette indépendance si chère, et si pernicieuse. Il a fallu que toutes les volontés particulières se fondissent dans une volonté générale; à laquelle des punitions réglées obligeassent chaque citoyen de conformer ses actions. Qu'il est délicat, ce pouvoir de fixer la volonté générale! En quelles mains doit on le remettre? Sera-ce à un monarque dès-lors absolu? Je sais que l'intérêt bien entendu du prince ne se peut séparer d'avec celui de son peuple, et qu'en travaillant pour lui, il travaille pour soi même. Tel est le langage de la philosophie. Mais ce langage n'est pas un de ceux que les précepteurs font étudier aux rois; et si un heureux naturel leur en donne quelqu' idée, leurs passions, ou celles d'un ministre, d'un confesseur, d'une maîtresse, l'effacent bientôt. Le peuple gémit, mais il faut qu'il ait gémi long tems, avant que son maître s'apperçoive qu'il est de l'in

térêt

renounce their beloved, but pernicious, independence. All particular wills were melted down into the general will of the public; by which, under the sanction of definite punishments, men became bound to regulate their conduct. But it is a matter of the utmost delicacy to determine with whom that general will ought to be deposited. Shall it reside in the breast of a prince, who thereby becomes absolute? I know that the true interests of a prince can never be separated from those of his people, and that in exerting himself for their benefit, he labours for his own. This is the language of philosophy, but it is seldom spoken by the preceptors of princes; and if the latter sometimes read it in their own hearts, the impression is speedily effaced by contrary passions, in themselves, their confessors, their ministers, or mistresses. The groans of the people are not soon heard; and their master learns

only

térêt d'un berger de conserver son troupeau. Il faut donc que le pouvoir législatif soit partagé. Un conseil dont les membres s'éclairent et se contiennent les uns les autres, paroît en être un dépositaire bien choisi. Mais la liberté attache à ce conseil une condition fondamentale. Elle veut que chaque ordre des citoyens, chaque partie de l'état, y ait ses représentans intéressés à s'opposer à toute loi qui seroit nuisible à ses droits, ou contraire à son bonheur, puisqu'eux mêmes en sentiroient les premiers, les mauvais effets. Une telle assemblée fera rarement des fautes grossières, et si elle paye quelquefois le tribut à l'humanité, elle peut rougir de ses erreurs, et les réparer aussi tôt. Ce portrait est il le vôtre? J'entre dans votre pays, je vois deux nations distinguées par leurs droits, leurs occupations, et leurs mœurs. L'une, composée de trois cens familles, est née pour com

mander;

only by a fatal experience, that it is the interest of a shepherd to preserve his flock. The legislative power, therefore, cannot safely be entrusted to a single person. A council, whose members mutually instruct, and mutually check each other, appears to be its proper depository. But in this council one condition is essentially requisite. It must consist of deputies from every order in the state, interested by their own safety in opposing every regulation inconsistent with the happiness of that order to which they belong. Such a council will rarely be guilty of gross errors; and should this sometimes happen, it will soon blush for, and repair them. Is this the picture of your legislature? When I survey your country, I behold two nations, distinctly characterised by their rights, employments, and manners: the one, consisting of three hundred families, born to command; the other, consisting

mander; l'autre, de cent mille, n'est formée que pour obéir. Toutes les prétensions humiliantes des monarques héréditaires se renouvellent à votre égard, et deviennent encore plus humiliantes de la part de vos égaux. La comparaison de vos deux états vous est trop facile. Rien ne vous aide à l'éloigner.

Un conseil de trois cens personnes décide de tous vos intérêts en dernier ressort, et si ses intérêts et les vôtres ne sont pas d'accord, qui doit l'emporter? Non seulement ce sénat est législateur, mais il exécute ses propres loix. Cette union de deux puissances qu'on ne devoit jamais réunir, les rend chacune plus formidables. Quand elles sont séparées, la puissance législative redoute les résolutions violentes; elles seroient inutiles, si l'on n'armoit pas les mains de la puissance qui les doit exécuter, et cette puissance est toujours

of an hundred thousand, doomed to submission. The former are invested, as a body, with all the prerogatives of hereditary monarchs, which are the more humiliating to you their subjects, because they belong to men apparently your equals. The comparison between yourselves and them is made every moment; no circumstance tends to conceal it from your fancy.

A council of three hundred persons is the sovereign umpire of your dearest interests, which will always be sacrificed when they clash with their own. This council is invested with the executive, as well as the legislative power; two branches of authority which can never be united, without rendering each of them too formidable to the subject. When they belong to different persons, or assemblies, the legislature will not venture to form violent resolutions, because these would be of no avail, unless they were carried into execution by another power, always its rival, and

often

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