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Effera vis animi? Contrà Tyrrhenus, ut auras
Suspiciens hausit cœlum, mentemque recepit :
Hostis amare, quid increpitas, mortemque minaris?
Nullum in cæde nefas : nec sic ad proelia veni,
Nec tecum meus hæc pepigit mihi foedera Lausus.
Unum hoc, per, si qua est victis venia hostibus, oro,
Corpus humo patiare tegi : scio acerba meorum
Circumstare odia; hunc, oro, defende furorem,
Et me consortem nati concede sepulcro.

Hæc loquitur, juguloque haud inscius accipit ensem,
Undantique animam diffundit in arma cruore.

Puis, le glaive à la main : « Eh bien! fougueux Mézence! « Où donc est ce grand coeur, cette fière vaillance? » Lui dit-il? Le guerrier à peine respirant,

Mais le bravant encor de son regard mourant:

« Barbare! pourquoi donc menacer ta victime?
» Cesse de m'insulter, ma mort n'est point un crime.
» Je n'attends point de grâce étant vaincu par toi,
» Et Lausus à ce prix n'a pas traité pour moi.

» Mais, si ton coeur connoît les saints droits de la guerre,
» Au malheureux Mézence accorde un peu
de terre.

» Je sais que contre moi tous les coeurs sont aigris;
» Dérobe à leur fureur mes malheureux débris ;
» Et, puisque par tes mains le trépas nous rassemble,
» Fais que Lausus et moi nous reposions ensemble. »
Il dit, il tend la gorge au glaive suspendu,
Le reçoit, tombe, et meurt dans son sang étendu.

REMARQUES

SUR LE LIVRE DIXIÈME.

L'IMPORTANCE des évènemens, et la variété des descriptions qu'offre ce dixième livre excitent l'attention et l'intérêt d'une manière plus touchante, peut-être, que ceux qui le précèdent. Un petit nombre de guerriers, triste débris d'un peuple naguère formidable, sous les ordres du fils d'Énée, sur qui reposent encore les destinées de l'univers, sont entourés par toutes les nations de l'Italie; pressés derrière de foibles retranchemens, ils vont succomber, si leur chef ne se hâte d'arriver à leur secours : telle est la situation déplorable de ces malheureux Troyens échappés à tant de combats, à tant de naufrages. Le poëte épique fait ici, en quelque sorte, mouvoir sur le théâtre des combats les principaux ressorts de la tragédie; l'intérêt de ses tableaux est puisé dans les sentimens de la pitié et de la terreur, que font naître à la fois tant d'évènemens opposés et inat

tendus. Si les Troyens eussent toujours été victorieux, le lecteur se fût moins intéressé à leur sort: mais ils sont près de succomber; ils sont commandés par un enfant ; toutes les promesses des dieux sont sur le point d'être démenties; la tendre inquiétude qu'inspire cette situation augmente l'intérêt pour les Troyens, et fait desirer plus vivement leur triomphe. Il est dans la nature du cœur humain de s'attacher davantage à ceux pour lesquels on a conçu des alarmes ; et les destinées de Troie qui renaît pour ainsi dire dans chaque vers de l'Énéide, deviennent plus chères au lecteur qui a craint qu'elle ne pérît une seconde fois. Ce moyen d'intéresser est souvent employé par Virgile, qui place sans cesse son héros entre la bonne et la mauvaise fortune; mais nulle part il n'en a fait un usage plus heureux que dans ce dixième livre. Rien n'étoit plus propre d'ailleurs à faire ressortir l'héroïsme d'Énée, que de représenter les dangers des siens pendant son absence; c'étoit la manière la plus ingénieuse d'amener et de faire desirer son retour. Les dieux mêmes sont touchés de la situation des Troyens ; et Virgile fait en cette occasion le plus bel emploi du merveilleux: quoi de plus imposant que le conseil des dieux qui ouvre ce dixième livre ? Les discours prononcés dans cette auguste assemblée y sont dignes en

tout point des habitans de l'Olympe. Le voyage d'Énée à la cour de Tarchon est aussi rapide que l'exigeoit l'impatience du lecteur; sa navigation est semée de descriptions brillantes; et le dénombrement des guerriers qui viennent des rivages du Pô au secours des Troyens, offre des dé ́tails précieux sur l'origine des habitans de cette contrée. La descente de la flotte d'Énée, en présence de l'armée de Turnus, est d'autant plus remarquable, que Virgile n'avoit point de modèle dans ce genre. Ensuite quelle variété dans les combats! Sous combien de formes se présentent les guerriers rivaux, leurs efforts, leur victoire ou leur défaite! Avec quel art le poëte sait varier les scènes de carnage par des images touchantes, et par l'impression des plus doux sentimens de la nature! Il n'est pas une victime qui ne soit immolée dans une situation intéressante, et qui n'arrache des larmes même à son vainqueur. Lausus surtout, ce bel exemple de la piété filiale, dont Énée ne tranche les jours qu'à regret; le désespoir de Mézence qui succombe en cherchant à venger son fils; les menaces de ce fougueux contempteur des dieux, ses larmes paternelles, et le remords éveillé par sa défaite : tout cela est puisé dans une connoissance parfaite du cœur humain. Une chose non moins admirable, c'est l'art avec lequel le poëte entretient

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