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vos belles actions, pour vous rendre complice et compagnon du plus vil et du plus infâme de tous les hommes. Ne souffrez donc point que le iugement que l'on doit faire de vostre conduite, soit plus longtemps en suspens, à vostre propre détriment et à celuy de tant de millions d'ames qui pâtissent sous cette violence tyrannique. Ostez à ces estrangers et ennemis de l'Estat cette folle persuasion et ce dernier refuge qui leur reste, que vous perdrez la France et vous-mesme pour empescher qu'ils n'ayent ce qu'ils méritent. Souuenez-vous de tant de généreux exploits en Flandre, en Allemagne, en Catalogne, de tant de Batailles gagnées et de villes forcées; et ne donnez pas lieu aux Histoires Estrangères, quand les nostres, par considération, ne le voudroient pas faire, d'apprendre à la postérité que vous auez couronné tant de belles actions par la plus lasche de toutes celles qui peuuent partir d'vne personne de vostre condition; et qu'après auoir bien fait du mal au Roy d'Espagne, en le dépouillant de ses villes et de ses Prouinces, vous luy en auez fait la restitution au centuple, en tournant la force de vos armes contre la France, afin de la luy liurer entre les mains, par la désolation que vous y méditez, et que vous commencez auec ce malheureux, qui, voyant qu'il n'y a plus de lieu pour ses vols, ny de seureté personne, veut la perdre auant que de partir, ou s'il ne peut eschaper que par la mort, dresser vn Mausolée à ses cendres des ruines de Paris et du reste de l'Estat.

pour sa

Quittez, Monseigneur, cet insolent auec ses prétentions barbares et criminelles! Traittez ce cerueau desmonté en habitant des Petites Maisons! Riez-vous des fumées de cette bile qui luy inspirent des resueries si extrauagantes et si pernicieuses! Saisissez-vous de cet Ennemy

du roy et peste de son Estat, et le conduisant captif au derrière de vostre Carrosse, quoy qu'il ne mérite ne mérite pas cet honneur, venez à Paris acheuer son procez auec ces vertueux et sages Sénateurs, et luy faire souffrir et à tous ses adhérents les iustes peines dues à leurs démérites, pour vn exemple éternel aux Estrangers, aux Orgueil- leux et aux mauuais François. C'est par vne action si louable, si généreuse et si sainte, que vous mériterez les faueurs du Ciel, la gloire d'vn prince du Sang Royal, les louanges de toutes les Nations, les bénédictions de toute l'Église, les congratulations de toute la France, auec les prières de toute nostre Congrégation, et de tout le monde.

Vers burlesques envoyez à Monsieur Scarron, sur l'arrivée du Conuoy à Paris [4016] '.

(23 janvier 1649.)

Amy Scarron, constant malade,
Et plus qu'vn nauire à la rade,
Inesbranlable dans ton lit,

Veux tu sçauoir ce que l'on dit?
Voicy d'vn homme véritable
Le récit d'vn épouuantable

Conuoy, qui nous vient de venir 2,

Que le bon Dieu veuille bénir.

Ce pamphlet pourrait bien être de Saint-Julien, l'auteur du Courrier françois en vers burlesques, et du Courrier burlesque de la guerre de Paris.

2 « Ce jour (19 janvier), Monsieur le Duc d'Elbœuf estant sorty auec de la Caualerie, pour aller du costé de la Prouince de Brie, deffit des Troupes Mazarines qui emmenoient quantité de bestial, et particulièrement quatre à cinq cens porcs, lesquels il fit conduire à Paris. »

Seconde arriuée du Courrier François.

Sans te parler de nos Gens d'armes
Ni de tant de beaux exploits d'armes
Qu'a faits ce grand Duc de Beaufort
Que tout Paris ayme si fort,
Sans te parler de la retraite
Par les gens de Mazarin faite,
Qui vouloient prendre le Conuoy,
Il est entré. Vive le Roy!
Nostre bourgeois a de quoy frire,
Quoy qu'à la Reyne on veuille dire
Que de faim la ville périt.

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En ce temps que tout s'aguerrit,
Marchoient les premiers en bataille
Cinq cens cochons de belle taille.
Ils tenoient mieux leur grauité
Que Caton qu'on a tant vanté,
Et se carroient à nostre veue
Comme pourceaux dans vne rue.
Leur bataillon sage et discret
Laissoit vn estron à regret;

Mais parcequ'ils marchoient en ordre,
Chacun le laissoit sans le mordre.

Aussi ces sobres animaux

Reconnoissoient des Généraux.

Vn gros verrat, leur capitaine,
Se faisoit obéir sans peine.
Quatre autres seruant de Sergens
Les tenoient chacun dans leurs rangs;
Et tous d'vn rang serrant la fille,
S'aduançoient deuers nostre Ville.
Pour le bruit qu'ils faisoient, ce iour,
Ie n'entendis pas leur tambour.
Leurs Chefs de grande expérience
Ne pouuoient obtenir silence.
Mais pardonnons-leur aisément,

Puisque dans ce point seulement
Qu'on ne les pouuoit faire taire,
Ils violoient l'art militaire.
Et dit-on que cet animal
Crioit contre le Cardinal.

Iamais vn soldat en furie

N'alla mieux à la boucherie.
Au reste, ces guerriers prudens
Portoient des viures pour longtemps.
Ce qui fait que ie te le mande,
C'est que l'ay sceu d'vn de leur bande
Que parmy leurs prouisions

Ils auoient chacun deux iambons
Et du lart à faire potage,
Les vns moins, d'autres dauantage.
Après ces Messieurs les gorets,

Pour soustenir leurs intérests,
Il marchoit en corps dans la plaine,
Vn troupeau de bestes à laine,
Vulgairement dits des moutons
Qu'on menoit à coups de bastons;
Moutons que tous nos premiers pères
Ont estimé peu sanguinaires,

Qui ne iurèrent iamais Dieu,
Et qu'on plaça dans le milieu,
Pour n'auoir pas l'humeur actiue,
Ains auoir l'âme fort craintiue,
Et telle que l'ont ces soldats
Qui Iuuisy ne passent pas1.

Ils estoient en nombre deux mille

'Les soldats du parlement. Allusion à une expédition qui avait pour but de faire lever le siége de Corbeil, et qui s'arrêta à Juvisy. On peut voir sur cette expédition la pièce ci-après qui commence par ces mots : • Le Roy veut que le Parlement sorte de Paris, » et le Courrier burlesque de la guerre de Paris.

Qui drilloient tous vers nostre Ville.
Leur Chef estoit vn peu guerrier.
C'étoit vn illustre bellier

Qui bondissoit par la campagne
Comme vn ieune cheual d'Espagne.
Il ne demandoit qu'à heurter
Ce qui se vouloit présenter.
Et si par sa teste baissée

l'ay peu iuger de sa pensée,
n'est vn coq,

Plus courageux que

Il ne respiroit que le choq.

En effet de ses cornes fortes
Il s'en vint heurter à nos portes,
Que sitost qu'on le vid courir
Le Bourgeois se hasta d'ouurir.
Ensuite venoit vne troupe

De huict cens bœufs à faire souppe.
Bref les pourceaux, moutons et boeufs,
Escortez par messieurs d'Elbeuf,
Vitry, Narmoutier, la Boullaye
Leur faisoient vne belle haye.
Mesmes le grand Duc de Beaufort
Empeschoit qu'on ne leur fist tort.
Tous ces guerriers braues et ieunes
Nous ont sauué beaucoup de ieusnes.
Ie passe pour faire plus court,
Le vaillant La Mothe Houdancourt,
A qui tout le petit Poëte
Cent bénédictions souhaitte,
Comme il fait à nostre bon Roy,
Comme il fait à tout le Conuoy,
A ces Messieurs dont la prudence
Va faire refleurir la France,
A toy, Scarron, amy lecteur,
Dont il est fort le seruiteur.

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