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serre amoureusement entre ses bras, représente cette noble vertu. Il semble que l'amour anime ce marbre, et qu'il luy aye donné la forme de son visage et de ses yeux pleins d'appas. Le lieu obscur où est cet ouurage accomply, fait croire à tous qu'on condamnoit icy la Charité aux fers et aux prisons; et l'insensibilité de ce marbre monstre que cette Maison ne loge rien que d'insensible, s'il y a de la charité, elle est de pierre.

et que

Chaise du Cardinal admirable. —L'Ambition a basty ce riche Palais; mais la Crainte s'en est fait vn autre bien différent. Il y a vne Chaise, dans vn lieu de cette maison, reculé et obscur, dans laquelle, si quelqu'un s'assied, par des ressorts inconnus, tirant vne corde, il descend ou monte selon les mouuements de ses désirs ou de la Crainte, les planchers estant percez pour cet effect et pour donner vn chemin libre à la Crainte, qui ne trouue son salut que dans la fuite. Cette Passion accompagne partout l'Ambition; elle la suit sur les Throsnes et la fait regarder en bas et appréhender sa chute.

Conclusion morale. - Fuyons de cette Maison, puisque le siège de la Crainte y est. Cette Passion estouffe en nos cœurs la curiosité. Nous ne voulons plus considérer ces richesses que comme vn thrézor de misères; car parmy ces raretez, le repos y est bien rare; et auec cet or on achète bien cher des soins et de la crainte.

Lettre du cheualier Georges de Paris à Monseigneur le prince de Condé [2099]'.

(26 janvier 1649.)

Monseignevr, ie ne suis ny vassal, ny domestique de Vostre Altesse; ie suis François ; et cette qualité m'oblige de vous honorer comme Prince du sang de France, et comme celuy dont les grandes actions ont rendu cet Estat le plus florissant et le plus glorieux des Royaumes. Ie croy que tous les autres ont eu pareil respect pour vostre mérite, et qu'ils ont creu la patrie dans vn comble de prospérité, quand ils l'ont veu triompher par vos armes. Il n'y a personne qui n'ait fait des vous pour l'accroissement de vostre honneur, et pour vostre conseruation; et si vos victoires vous ont cousté quelques gouttes de sang', l'on en a pleuré la perte auec plus de tendresse que l'on a témoigné de ioye de l'aduantage qui nous en reuenoit.

Toute la France craignoit pour vous et pour elle la valeur fatale des deux fameux Enguiens, vos prédé

1 Naudé revient trois fois sur cette Lettre; et toujours il la cite comme un des plus remarquables pamphlets. Guy Patin la range parmi les meilleurs dont il attend un recueil. La Seconde lettre n'est pas du même auteur; et elle est loin d'avoir eu le même succès.

2 « Les nouuelles qu'on apporta de Flandre, causèrent cette émotion générale quand elles publioient tout haut que le Prince de Condé, qu'on auoit veu triomphant et glorieux quelques iours auparauant dans la iournée mémorable de Lens, auoit receu vn coup de mousquet à Furne, en sortant de la tranchée. »

Le Politique du temps, etc. [2812].

cesseurs, quelle enseuelist auec tant de larmes dans le printemps de leurs années. Vous estiez ses délices, et l'espérance de sa protection. Enfin, elle se promettoit tout de vous, et n'appréhendoit rien de ses ennemis. Vous auez esté la seule consolation qui luy soit restée de la mort de Monseigneur le Prince de Condé, vostre Père; ou du moins auez-vous donné vne longue intermission au regret éternel qu'elle en deuoit auoir, parce que l'on vous a longtemps veu suiure ses bons sentiments et ses préceptes dans les conseils.

Vous ne cessiez pas pour cela d'estre le mesme Enguien dans la guerre ; et vous l'avez aduantageusement fait voir à cette fameuse iournée de Lens, où vous suppléâtes auec tant de bon-heur au mauuais soin, et à l'imprudence de ceux que l'on appeloit nos ministres. Vous surmontastes les espérances que l'on pouuoit auoir d'vne campagne, au succèz de laquelle ils auoient si mal pourueu que ce ne fut pas sans suiet s'ils furent soupçonnez de trahison et d'intelligence auec nos ennemis : ie diray encore d'attentat à vostre réputation et à vostre personne. L'on auoit eu mesme opinion du voyage de V. A. en Catalogne, où l'on sçait que vous fustes abandonné, et que l'on ne vous enuoya rien de tout ce qui estoit nécessaire, mesme pour y soutenir l'effort que fit l'Espagne, et que la seule présence du Prince de Condé y maintint nos affaires, et y occupa les forces destinées pour opposer à la réuolte de Naples, si mal ménagée de

nostre costé.

C'est peut estre la principale raison qui nous a émeu contre la domination tyrannique de Iules Mazarin. Après qu'il eut épuisé presque tout le Royaume de ses finances, l'on n'appréhenda pas sans raison qu'il ne précipi

tast V. A. dans vn dernier péril où vostre valeur succombast souz la force des ennemis, par les artifices parricides de ce traistre Sicilien.

N'ayant pu vous perdre, et continuant ses pernicieux desseins sur cet Estat, il a voulu vous gaigner, de crainte que celuy qui auoit prodigué sa vie pour la France, ne la voulust encor hazarder pour la déliurer de son oppression. Il estoit asseuré de la facilité de M. le Duc d'Orléans par le moyen d'vn valet qui le gouuerne', et qui estouffe dans le point de sa production tous les bons désirs de S. A. R.; et vous estiez le dernier but de sa politique. Toute l'Europe ne s'estonnera pas sans suiet qu'vn acheteur, si mercenaire et si auare, ait pu s'acquérir vne personne si importante, dans vne saison si contraire et sur le point de sa ruine.

Vous deuiez estre alors le plus offensé. Il venoit de liurer aux ennemis vne des principales conquestes de V. A.'; il marchandoit auec eux pour la dernière; il ostoit cette récompense à vn seigneur de marque, digne d'vn plus grand employ, et mettoit dedans Ypre la mesme créature qui auoit perdu Courtray, et à qui nos loix deuoient faire perdre la teste3. Bref, comme s'il se fust ouuertement déclaré ialoux et ennemy de vostre gloire et de vostre réputation, il voulut troubler impudemment les bénédictions publiques que l'on vous donnoit, et la réiouyssance qu'on témoignoit du gain de votre dernière bataille, par l'emprisonnement de deux magistrats', et nous voulut faire connoistre que vous n'auiez vaincu que

'L'abbé de La Rivière.

2

Courtray pris par les Espagnols en 1646.

3 Le comte de Palluau, depuis maréchal de Clérembaut.

Le président de Blancmesnil et le conseiller Broussel.

la France, ny combattu que pour l'affermissement de sa tyrannie.

L'énormité d'vne si estrange action émut les plus tièdes des Parisiens. Ils ne croyoient pas qu'il fust possible d'en estre spectateur sans en estre complice, si l'on ne la vengeoit ; et l'on vous désiroit pour chef d'vne résolution prise pour vostre honneur et pour celuy de la patrie. Vous vintes, Monseignevr; vous ne vous en ressentistes pas; mais quoy qu'il en soit, vous pacifiastes ce désordre au gré de tous les intéressez', auec vne légalité qui vous continua l'amour des peuples. L'on apporta vn tempérament aux désordres de l'Estat; et l'on publia cette belle déclaration qui doit estre doresnauant le fondement inébranlable de la Monarchie'. L'authorité d'vn bon Roy n'y est point lezée; les Princes qui sont les preiniers obiets de la persécution des fauoris, y trouuent leur seureté; le Roy y recouure ses finances dérobées; et le peuple y rencontre cette tranquilité depuis si longtemps troublée par l'insolence des mauuais Ministres et par les rapines sanguinaires des Partisans.

Monseigneur le Duc d'Orléans et Vostre Altesse l'ont approuuée, puisqu'elle s'est faite de vostre consentement et par vostre conseil, à la supplication du Parlement qui n'a point vsé d'autres forces que de celles de la raison. La Cour est reuenue à Paris; et la ville en a receu vne ioye inexprimable. L'on n'a parlé d'autre chose depuis, que de l'exécution des articles ordonnez, non plus par

'La pacification d'octobre 1648. Le Politique du temps, etc., que j'ai cité plus haut, a été écrit pour prouver que tout l'honneur de l'accommodement revenait au prince de Condé.

2 Déclaration du roi portant règlement sur le fait de la Iustice, police, finances et soulagement des suiets de Sa Maiesté, vérifiée en parlement le 24 octobre 1648 [936].

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