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leur qualité? Peut-il estre leur luge, si cette auguste Compagnie n'est iusticiable que de soy seule, si vous ne le pouuez estre vous mesmes qu'auec eux, et si les Roys soumettent leurs intérests à leurs arbitres?

L'empereur Nerua protesta en plein Sénat qu'il ne permettroit iamais la mort d'aucun des Sénateurs; et il garda sa parole enuers ceux mesmes que l'on accusa d'auoir attenté à sa vie. Ce sage Prince n'ordonna iamais rien de son mouuement, et prenoit le conseil des principaux1. Enfin Adrien, quoy que cruel, iura encore qu'il ne souffriroit pas qu'vn Sénateur fust condamné que par le Sénat'. Il en a esté de mesme de nos Roys: les plus anciens auoient accoustumé de résoudre toutes les affaires de l'Estat dans les champs de Mars, puis de May, parceque, dans ces mois, il se faisoit vne conuocation d'Estats pour aduiser aux besoins et à la réformation du Royaume. Ils ont depuis transporté ce droit au Parlement de Paris, auec mesme authorité, pour estre Iuge équitable entr'eux et le peuple; ils y ont gardé leur place et en ont assigné d'autres aux Princes, et aux plus grands de leur Couronne.

Vostre Altesse est née Conseiller de cette Cour Souueraine, qui est la véritable Image du Sénat Romain souz les Empereurs. C'est le vray lieu du throsne de nos Roys, et le véritable conseil de Paris, de toute la

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Dyon. Cass. In curiâ iurauit suo iussu neminem Senatorum occisum iri. Quod sacramentum, quamuis etiam insidiis petitus esset, inviolatum servauit; nihil unquam de suo arbitrio statuit, sed Principes viros in consilium semper adhibebat. N. D. T.

Elius Spartianus in Senatu quoque excusatis quæ facta erant, iurauit se nunquam Senatorem nisi ex Senatûs sententiâ puniturum. N. D. T. Summum populi Romani, populorumque et gentium omnium consilium Senatus. Cicero, pro Domo sua. N. D T.

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France, et des nations mesmes estrangères qui s'y sont soumises. L'on n'y trauaille que pour la gloire et par honneur. Ces saints Aréopages taschent, par leurs peines et par leurs veilles, à nous donner le repos et les plaisirs d'vne douce vie; ils suent pour le bien du public; ils s'exposent courageusement à l'inimitié des meschans, et ont quelques fois à combattre contre les plus puissans'. Ils se sont conseruez iusqu'à maintenant auec vne réputation entière; les Roys les plus victorieux et les plus puissans les ont honorez, et y ont eux-mesmes conduit les Princes, leurs voisins, pour leur faire voir ce r'acourcy de la grandeur et de la dignité de leur Estat; et les fauoris les veulent abbaisser iusques à venir receuoir leurs commandemens et prendre leurs Arrests par écrit dans leur garderobe.

Ie prendray la liberté de vous dire que c'est vn bonheur à V. A. de n'estre iusticiable que d'vne si célèbre assemblée, et que c'est ce qui asseure vostre condition. Toutes fois, vous estes en armes pour exterminer son authorité et pour changer cette Monarchie en vn Estat Despotique. L'on dit plus, l'on dit que l'on demande les testes des plus gens de bien, et que l'on a desià disposé de leurs biens de la ville et de la campagne. Voilà le suiet de la guerre dont nous ne pouuons parler plus véritablement qu'auec Cicéron, discourant de celle de Marc-Antoine, et dire comme luy : Cette guerre icy n'est point vne discorde ciuile; elle n'est allumée que par l'espé

' Idem pro Sextio : Qui autem bonam famam, bonorum quæ sola verè gloria nominari potest, expetunt, otium quærere debent et voluptates; non sibi, sudandum est; his pro communibus commodis adeundæ inimicitiæ, subeundæ sæpe pro Republicâ tempestates; cum multis audacibus improbis, nonnunquam etiam potentibus dimicandum. N. D. T.

rance de quelques meschans qui ont adnoté nos biens et qui desià les partagent entr'eux, chacun selon sa volonté1. Après vous auoir exorté à r'entrer dans vousmesmes, et dans l'intérest de la Patrie, si vous persistez à la molester, ie tourneray ma voix vers le Parlement; et ie l'exciteray d'appuyer son authorité de toutes les forces de la France.

du

Ie me seruiray des paroles du mesme Cicéron3, quel il a exécuté le conseil. Il s'est préparé à poursuiure l'autheur de nos maux dès le iour de la fuitte. Le peuple s'est déclaré pour luy; et l'on doit espérer que ce mal naissant prendra bientost fin par la diligence de ces Magistrats. L'on n'a point perdu de temps; les leuées sont faites; et nous auons d'excellens chefs. La Renommée n'attend que de les voir partir pour publier auec la Iustice de notre cause, la punition et la vengeance de l'orgueil de ce meschant gladiateur estranger. Il connoistra que ce n'est point à Paris qu'il fait la guerre, et qu'il a affaire à tout le Royaume. Il sçaura que c'est de la puis

Hoc bellum non ex dissensione partium, sed ex nefariå spe perdi tissimorum ciuium excitatum, quibus bona fortunæque nostræ notatæ sunt, et iam ad cuiusque opinionem distribute. N. D. T.

2 Vndè est adhuc bellum nisi ex retardatione et morâ? Vt primùm post discessum latronis, vel potiùs desperatam fugam, liberè Senatus habere potuit, semper flagitaui, ut conuocaremur.... Si ex eo tempore dies nullus intermissus esset, bellum profectò nullum haberemus. Omne malum nascens facile opprimitur; inueteratum fit; plerùmque robustius.... quamobrem Legatorum mentionem nullam censeo faciendam; rem administrandam arbitror sine vllâ morâ et confestint gerendam cen seo; tumultum decerni, iustitiam indui, saga sumi, dico opportere; delectum haberi sublatis vacationibus in vrbe, et in Italiâ, prætereà Galliâ totà. Quæ si erunt facta, opinio ipsa et fama vestræ seueritatis obruet scelerati gladiatoris amentiam. Sentiet sibi bellum cum Republicâ esse susceptum; experietur consentientis Senatûs neruos atque vires; nam nunc, quidem partium contentionem esse dictitat. Cicero, Philipp. 3.

N. D. T.

sance et de la force d'vn peuple dont il ne croyoit triompher que par la diuision qu'il attendoit. La ville de Paris sera louée éternellement d'vne si généreuse action qu'elle eust volontiers cédée à Vostre Altesse; elle aura le titre de protectrice de cet Estat, que vous deuriez auoir ambitionné pour couronner vne vie cy-deuant toute héroïque, que vous exposez contre vostre terre natale, pour appuyer le plus détesté de tous les hommes.

Vostre frère puisné vous enleuera l'appanage qui vous deuoit estre plus cher'. Et ce ieune Scipion sera plus estimé de la conseruation d'vn Citoyen que vous ne pourrez estre du carnage de tant d'ennemis; et la France aura cette gloire de s'estre déliurée par ses seules forces, et mal-gré les vostres, de son persécuteur, et du plus méchant de tous les tyrans qui l'ayent opprimée. Ie n'ay que le temps de finir pour prendre les armes; et il n'en reste pas dauantage à Vostre Altesse pour les quitter, et pour changer cette résolution désespérée contre votre pays et contre vostre Sang, en celle de les seconder dans leur généreuse entreprise, et de rendre la paix à ce Royaume à qui l'on ne fait la guerre que sur l'espérance de vostre courage et de vostre fortune.

Ie prie Dieu et les Patrons de cette ville qui ont chassé les Huns et les autres nations barbares de ses murailles qu'ils vous touchent le cœur et qu'ils vous fassent désister de vostre entreprise par vn sage conseil, plustost que de vous humilier par nos forces, et qu'ils ne permettent pas que la postérité puisse dire que nous ayons trouué nostre salut dans la perte de nostre premier Prince du Sang.

1 Cicero. Galliaque quæ semper præsidet atque præsedit huic imperio libertatique communi, verèque laudetur, quod se suosque vires non tradidit sed opposuit Antonio. N. D. T.

Agréez, s'il vous plaist, ce dernier sentiment que ie ne pourrois exprimer de bouche sans y mesler des larmes, et me faites l'honneur de croire que ie voudrois mourir pour vostre seruice en toute autre occasion que celle-cy, qui arme tous les bons François contre vous, puisque vous auez autrefois agréé que ie me donnasse l'honneur de me dire de V. A., MONSEIGNEVR, le très-humble et très-obéissant seruiteur,

GEORGES DE PARIS.

Les logements de la cour à Saint-Germain en

Laye [2324].

(26 janvier 1649)

MONSIEUR et très-cher Amy, les désordres suruenus depuis peu ont obligé tout le monde de pouruoir plus tost à ses affaires les plus pressantes que de penser à sa satisfaction particulière et à celle que l'on doit à ses amis. L'intérest que chacun doit prendre de se conseruer, et particulièrement ceux qui sont obligez de se tenir près de leurs Maiestez, a fait garder le silence pour ne point tomber dans quelque faute qui pust blesser la réputation et la fidélité. Mais croyant non pas de vous descouurir vn secret, mais de vous demander aduis sur le fait de ma charge, et sçauoir si, selon l'occurrence, ie m'en suis bien acquitté, ie vous diray que le conseil estant pris d'esloigner leurs Maiestez de Paris pour éuiter le péril dont la brutalité d'vn peuple esmeu sembloit les menasser, ie fus commandé auec mes compagnons d'aller à S. Germain en Laye faire les logemens, quoy qu'il fust

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