ページの画像
PDF
ePub

Lettre du père Michel, religieux hermite de dv l'ordre des Camaldoli près Grosbois, à monseigneur le duc d'Angoulesme, sur les cruautéz des Mazarinistes en Brie [2128]'.

(19 février 1649.)

Nous sommes courus dans nos bois par ces tygres plus cruels que ceux de la Libye, qui n'ont iamais fait de tort aux anciens pères hermites. La couleur innocente de nos habits leur inspire vne rage forcenée contre tout ce qu'il y a de candeur; et nostre pauureté qui nous a tousiours asseurés dans les passages les plus infestés, fait que nostre sang est désiré par ces gouffres insatiables qui ne peuuent souffrir que rien échappe à leur fureur que ce qui peut satisfaire leur auarice. Ils font toutes sortes de prophanations autour des abbayes d'Yerre et de Iarcy; et il faut que ces sainctes Vierges, espouses de Iésus Christ, composent tous les iours pour la seureté de vingt quatre heures de leur honneur. Ces Vestales sacrées qui croyoient pouuoir garder ce feu éternel qu'elles ont préféré à vne flamme légitime qui leur eust donné vn asseuré secours dans les villes, dans les bras de leurs maris et en la iuste valeur de leurs enfans et de leurs proches, sont à tout moment dans la crainte de se voir l'opprobre de cette nation maudite qui a fait des dé

1

Guy Patin faisait grand cas de ce pamphlet. Naudé en parle avec éloge. Je regrette de n'avoir pu qu'en extraire quelques pages. L'abbaye de Grosbois était une fondation du duc d'Angoulême,

bauches et des ordures qui ne se peuuent descrire, dans les vaisseaux sacrés, et à qui il ne reste plus que de commettre généralement ce sacrilége abominable que l'on nous dit auoir esté perpétré sur quelques religieuses particulières.

Il y a peu de François, il est vray, qui soient accusés de ces impiétés. Il est vray que c'est pour vn Italien qu'elles se commettent, et pour vn Cardinal et que la Reyne qui le soustient contre la iuste indignation des peuples, n'est point Françoise non plus; mais ce sont des princes qui les ont introduits dans le centre de l'Estat; et c'est vn Comte françois qui les commande en Brie, qui approuue toutes ces abominations et qui partage tous ces larcins; c'est le comte...', Monseigneur; c'est ce Vulcain malheureux et ce misérable boiteux qui a l'ame encore moins droicte que le corps et que Dieu atteindra le premier, aussitost que sa iustice sera satisfaite de nostre persécution. Il a volé Lezigny' et Panfou. Il a coupé iusques à des tableaux dans leur enchasseure pour les emporter, et n'a pas emporté les chasteaux et les maisons que parcequ'ils estoient attachés à la terre; mais il les a désolés.

C'est vn homme dont les crimes ont fait cognoistre son nom et qui n'a fait que des ennemis dans son propre pays où la bassesse de son extraction le rend méprisable par les hommes et où le peuple déteste sa violence et son humeur tyrannique. Nous auons vn de nos pères qui cognoist sa race et qui nous a asseuré le

1 Le comte, depuis maréchal de Grancey.

que

Le château de Lezigny était au duc de Luynes, qui commandait un des régiments de la Fronde.

nom qu'il porte luy est commun, comme le

1

sang et le cœur, avec la plus commune populace de.... et qu'il n'a point d'alliance recommandable que par sa mère seulement, fille d'vn Mareschal de France qui estoit vn athée 1 et le principal de ces ministres qui déprauèrent les mœurs du duc d'Alençon et d'Aniou, frère de Henry III, qu'ils portèrent à vouloir régner par force et par citadelles sur les Flamans et Brabançons qui l'auoient appelé, reçu et déclaré leur prince légitime. Il s'est donné à Monsieur le Duc d'Orléans qui l'a fait Mareschal de Camp et gouuerneur de...; et ces bienfaits sont des marques qu'il a fort peu seruy S. A. R. si ce n'est que la iugeant capable de quelque ialousie des exploits de Monsieur le Prince, il trauersa ses desseins au siége de Thionuille en donnant passage à des troupes qui entrèrent dans la ville pour la défendre.

2

Il est venu à cette guerre contre sa patrie avec l'espérance d'vne proye infaillible. Il a ruiné tous les lieux où il a passé. Il a assiégé Brie-Comte-Robert qui a esté défendue par son gouuerneur avec tous les témoignages d'vne valeur et d'vne générosité singulières; mais comme la place n'estoit pas tenable sans vn puissant et présent secours, il fallut la rendre par composition. Il l'accorda pour esuiter la perte des siens et promit de laisser sortir les soldats assiégés et de conseruer les biens des bourgeois et l'honneur de leurs femmes et de leurs filles; mais il faussa cette fidélité que les Turcs mesmes ne rompent que rarement et iamais sans prétexte. Les soldats parisiens furent fouillés, puis battus, puis despouillés, puis tués pour la pluspart et retenus captifs.

'Philippe Strozzi.

2 Il s'appelait Bourgogne.

Diray ie le reste? et si ie le dis, où pourray ie prendre des couleurs assez noires? Il en fut de mesme, MONSEIGNEUR, de tout ce qui fut promis pour les bourgeois; mais il en fut pis que dans vne ville prise de force et emportée d'assaut où le général, pour peu qu'il soit homme, pour peu qu'il soit humain, pour peu qu'il ne soit pas diable, ne donne qu'vne ou deux ou trois heures de temps au plus pour le pillage; mais le pillage dure encore; et l'appréhende de dire le reste; mais il faut que ie dise tout afin que tout le monde sçache la cause du tonnerre qui gronde et qui va tomber sur ce chef criminel et sur celuy de tous ses complices. Comme il est ordinaire quand il arriue quelqu'orage ou quelque lauasse, que ceux qui sont dans la campagne, cherchent l'abri de quelqu'arbre, et que moins il s'en rencontre, plus il s'y trouue de gens, il en a esté de mesme dans la pauure ville de Brie. Les nobles qui n'auoient point de maisons fortes, les laboureurs et enfin tout ce qu'il y auoit de familles éparses dans la campagne, s'y estoit retiré. La ville rendue, les femmes et les filles et parmi elles plusieurs damoiselles ioignirent à la seureté de la Capitulation et la parole d'vn gentilhomme l'azyle des Églises. Cet azyle fut violé, comme si ce n'eust pas esté assez pour ces troupes enragées d'auoir violé l'article des biens qu'ils pillèrent. Ils forcèrent les Pasteurs et les Prestres de leur ouurir la porte de cette sacrée bergerie. Ces pillards et ces paillards partagèrent ces pauures brebis confusément, sans espargner mesme les aigneaux de lait qu'ils ont fait mourir et expirer sous des tourmens que la nature défend aux bestes féroces et qu'elles n'ont iamais practiqués. Des Damoiselles de condition sont escheues par sort aux plus infâmes qui leur ont osté les

moyens de se défaire et d'aller porter iusques au ciel dans des mains sanglantes cette saincte virginité que les lois de Dieu et de l'honneur les obligent de garder plus chèrement que leur vie qu'il ne leur est permis de perdre volontairement que pour la conseruation de ce trézor.

Il m'est tantôt échappé de dire que ce misérable Cardinal, cet opprobre de l'Église, ce destructeur d'églises, cet ennemy de tous les Chrestiens, tiroit sa naissance des ennemis et des bourreaux de Iésus Christ. Il me sera bien aisé de le prouuer quoique ie ne puisse pas donner tous les dégrés de cette sanguinaire extraction. Ie l'ay appris dans nos maisons religieuses d'Italie où le bruit de sa fortune prodigieuse rappella presqu'aussi soudainement la mémoire de ses ancestres chez ceux qui estoient de son pays, qui m'ont asseuré qu'il estoit né à Palerme de Pierre Mazarin, marchand de chappelets, qui changea de pays par banqueroute et par la force du destin et de la malédiction des Iuifs qui portent la peine de leur péché par toutes les nations de la terre où ils seruent, horsmis en France où les bonnes lois sont renuersées et les meschans esleués en fortune à proportion de leurs crimes et de l'esloignement de leur pays. Les pères de ce Pierre estoient de la ville de Mazarini en Sicile où ils abiurèrent la profession du Iudaïsme; et, se voyant sans surnom dans vne religion nouuelle, ils prirent celui de la ville de leur naissance sous lequel ils furent baptisez. Il y en a encore beaucoup qui portent ce nom en Sicile, qui sont ou Barqueroles ou Tauerniers ou Bandis. Ie n'en cognois point de banqueroutier que le père des deux Éminences auxquelles se doibt estaindre cette branche masculine, seule noble de cette maison.... Il a remarié

« 前へ次へ »