Seigneur, malgré la brigue et la clameur pu blique, Parmi les doctes Sœurs vous venez de placer, La juste et la saine Critique. Elle vient s'établir dans l'Etat Poëtique, Pour y maintenir l'ordre et pour le policer. Je ne sçaurois, pour moi qui préside au Comique, Et qui tiens de ses traits mon plus grand agré ment, Donner à votre choix trop d'applaudissement. Apollon. Dans le monde on a d'elle une autre opinion; Pour détruire les faux Portraits, Chacun viendra lui rendre hommage, Et la feliciter sur ses honneurs nouveaux; Elle doit faire voir que son goût toûjours sage, Sçait approuver le vrai, comme blâmer le faux; Qu'elle Qu'elle reprend sans fiel, et que son badi. nage, Sans blesser la personne, attaque les deffauts; Elle ne prétend plus sur tout qu'on la co fonde, Avec la Satyre, sa sœur, Qui sous son nom, s'affichant dans Lui fair partager sa noirceur; Ne reprend point par le désir d'instru Four la gloire de l'Art qu'elle rend me morceau que nous n'avons pas cru devoir ometre. Apollon. Le projet est nouveau, mais voudriez-vous bien Me détailler et m'apprendre Ce que dans le Public vous trouvez à reprendre Soit dans ses actions, ou dans son entretien Chrisante. Mille travers, mille bévuës, Son gout pour le Clinquant, dont il est le son tien, Et pour la nouveauté qu'il porte jusqu'aux nnës, Toutes ses moucheries, Ses baillemens, ses crachemens Aux endroits les plus beaux, les plus interess : sans; Son ridicule étrange De recevoir avidement La plus insipide loüange, Et d'applaudir toujours le banal compliment, Qu'on lui retourne incessament; Sa rage opiniatre, De crier presqu'à tout moment, Annoncez; bis, la Capriole, Et pour tout dire, enfin, l'insupportable Rôle Apollon. Vous peignez là la multitude, Mere du tumulte et du bruit, Que n'arrête aucun frein, que l'exemple séduit; Qu'entraîne la coutume, ou l'aveugle habitude, Et non le vrai Public que la raison conduit, D'où part ce grand corps de lumiere, Qui me guide moi-même, et sans cesse m'é claire Ce Ce Public, en un mot, avec choix assemblé Tel qu'on le voit paroître Aux yeux d'un Théatre réglé. Quand il écoute en Sage, et qu'il prononce en Maître Ses Arrêts qui le font si dignement connoître, Et dont nul, avant vous, n'a jamais appellé. Pour mettre le Lecteur en état de juger du Dialogue de cette Piece, voici le com mencement de la 6o Scene, entre la Cris tique et la Médisance. Madame, je prens part, comme votre parente A votre fortune éclatante, La Critique. Pardon, j'ai de la peine à remettre vos traits J'ai beau vous regarder de près. La Medisance. J'ai poutant avec vous assez de ressemblance Méconnoître la Médisance. Et de moi dans le monde on fait assez de cas Pour m'avoüer d'abord sans nulle repugnance. La Critique. Si je vous méconnois, il n'est pas surprenant; Le chemin que je tiens, est different du votre |