ページの画像
PDF
ePub

ment, eut encore cela de redoutable, qu'elle s'exprimoit avec beaucoup de force, mais en même temps avec une grande modération. Elle portoit en substance:

« Que de temps immémorial la Cour avoit vu » attachée à cette charge de procureur du roi la » qualité de conservateur des priviléges de tous » les corps des arts et métiers de la ville et des >> faubourgs de Paris, ainsi que le droit de veiller » à l'exécution de leurs statuts, de connoître leurs » différends, de recevoir à serment les maîtres nou» veaux, bref, d'y exercer une police générale et » sans exception d'aucun desdits corps. Que, par>>> mi les différents corps établis en cette ville, ce» lui des peintres et des sculpteurs y subsistoit de>> puis plus de quatre siècles, sous la juridiction des >> procureurs du roi, prédécesseurs du remontrant. » Que, néanmoins, quelques particuliers exer>>çant ces deux professions, les ayant portées à » un degré de perfection considérable, avoient eu >> recours à la bonté du roi pour s'élever à un état » plus distingué, et qui fût indépendant de la rè» gle et de la juridiction ordinaires, sous prétexte » que la noblesse de leur art se trouvoit avilie et » sans cesse dégradée par une maîtrise et une ju» rande impétrables à des broyeurs de couleurs, à » des polisseurs de marbre et autres gens de main >> d'œuvre le plus inférieur. Qu'ayant, en même

» temps, formé entre eux une association sous le >> titre d'Académie, et dressé des statuts sur le >> pied desquels ils vouloient bien se gouverner, >> ils avoient eu le crédit de faire approuver le tout. >> et même de se faire accorder la faculté d'ensei>> gner lesdits arts de peinture et de sculpture pu>>bliquement et à l'exclusion de tous autres. Qu'au » moyen de cette dernière prérogative, ils alloient » à anéantir l'école de la maîtrise, encore que la >> suffisance en fût établie si notoirement et même » par leur propre exemple, puisque c'est dans » cette source que tous, tant qu'ils étoient, ils » avoient puisé ce qui les rendoit aujourd'hui si re» commandables dans ces deux arts. Que, quel>> que éblouissante que fût cette entreprise, et par >> rapport à ce beau motif dont on la paroit, de » porter ces arts au plus haut degré de perfection >> ct de splendeur dont ils soient susceptibles, et » même par ses premiers succès, elle ne de>> voit point faire perdre de vue le respect dû à >> cette succession d'ordonnances et de règlements >> rendus dans le cours de plus de trois siècles, avec >>> tant de sagesse et de maturité par plusieurs de >> nos rois et des plus illustres magistrats; d'autant >> que l'indépendance et l'inexécution de ces rè>> glements pouvoient, dans la suite des temps, >> donner lieu à tous les abus qui jadis les nécessi– » tèrent et les firent intervenir. Que pour s'y sous

» traire, à l'instar de cette nouvelle association, >> ce même motif ne manqueroit pas d'être allégué » par ce qui se trouve toujours d'esprits entrepre>> nants dans toutes les autres communautés dont » les ouvrages auroient la moindre connexité avec >> les arts en question, et que déjà celle des menui>> siers songeoit, pour s'arroger la même indépen» dance, à se prévaloir du droit qu'elle a d'en» richir les siens d'ornements de sculpture et au>> tres embellissements. Qu'enfin, ce qui donnoit » à la juridiction incontestable du remontrant >> l'atteinte la plus sensible et la plus marquée, >> étoit cette affectation, résultant des derniers ar>> rangements, de lui en opposer une autre, formée par la soi-disant Académie de cette Académie >> même, et composée d'un chancelier et d'autres » officiers, tant supérieurs que subalternes, rec>>teurs, conseillers, secrétaire, huissiers, de tout » l'appareil en un mot, et avec toutes les attribu» tions d'une espèce de cour supérieure, puisqu'elle ne paroît reconnoître au dessus d'elle et de >> son autorité que la seule autorité du roi. Que, >> toutefois, lui remontrant rendoit une pleine et » entière justice au mérite réel et transcendant des >> sujets qui présidoient à ce nouvel établissement, » et même à la droiture et à la pureté de leurs in» tentions, et que, pénétré de vénération et de » respect pour les personnes, aussi illustres que

[ocr errors]

>>

»justes et éclairées, qui l'honoroient de leur pro»tection, il étoit bien éloigné de le vouloir tra» verser ni troubler le moins du monde, mais qu'il >> croyoit du devoir et de la dignité de son minis>> tère, ainsi que du bien public, de demander à >> être maintenu dans l'exercice d'une jurisdiction >> qui lui appartient à tant de titres; et laquelle, >> bien loin de rien ôter de l'éclat et du relief » de la nouvelle Académie, en assureroit à jamais » le succès et l'imperturbable durée. »

Quelque considérable que fût cette opposition, et par la qualité de l'opposant et par la plausibilité de ses moyens, l'Académie ne s'en inquiéta que très légèrement. Elle connoissoit la grandeur des vues de ses protecteurs, et leur fermeté à les soutenir. Elle n'étoit point en peine, d'ailleurs, sur le choix des raisons qui pouvoient atténuer celles de M. le procureur du roi. M. Testelin, notre secrétaire, les rassembla dans un mémoire peu étendu, mais aussi solide que bien frappé. De la façon que tourna cette affaire, la compagnie n'en eut pas besoin. Il y a tout lieu de présumer que M. de Riantz ne l'entama que dans le seul dessein de s'en faire un mérite auprès de M. Colbert, en se portant de bonne grâce à faire le sacrifice d'un droit si bien établi; car, dans le temps qu'on s'y attendoit le moins, il envoya à l'Académie un désistement en bonne forme de son

[ocr errors]

un si

opposition, accompagnée d'une lettre des plus obligeantes, où son amour pour les arts, ainsi que pour une institution qui les devoit porter haut point de gloire, ainsi que sa respectueuse déférence pour ses illustres protecteurs, s'exhaloit dans les termes les plus vifs et les plus abondants. La compagnie fut extrêmement touchée de ce procédé; elle s'en constitua la seule redevable et en fut témoigner sa reconnoissance à M. le procureur du roi par une députation.

Elle se vit ainsi parvenue à ce dernier période de soins et de travaux, où il ne s'agissoit plus, pour jouir paisiblement de son état, que de se concilier les suffrages de messieurs de la grande chambre du parlement, ses juges dans la cause d'opposition entre elle et la maîtrise. Ce ne fut pas là ce qu'elle eut à traiter jusqu'alors de moins difficile et de moins épineux.

Les jurés et les agents secrets de M. Mignard avoient su prévenir extrêmement les esprits contre le nouvel arrangement, en le faisant envisager et comme une innovation pleine d'ostentation et d'irrégularité, et comme une contravention formelle aux articles et au contrat de la jonction et à l'arrêt de cette cour du 7 juin 1652, qui avoit homologué le tout. Deux imputations de cette nature ne pouvoient manquer de faire une forte impression sur des hommes qui avoient blanchi

« 前へ次へ »