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cinquante arbalestriers genevois et environ mil Flamens de près des marches de Gravelines, lesquelz il mena et conduisi depuis Saint-Omer vers Tournehan, et de là, s'en ala mectre le siége devant une fortresse des Anglois nommée Merck, à une grosse lieue de Calais. Lesquelz Anglois dudit chastel, avecques autres garnisons de leur parti, avoient couru et traveillé de nouvel ledit pays de Boulenois et autres terres voisines. Si fist ledit conte, devers ledit chastel, lever plusieurs engins, dont il avoit grant abondance, desquelz icellui chastel fut durement oppressé. Si se défendirent très vaillamment les Anglois qui le tenoient. Et adonc ledit conte, voiant que par force d'assault ne povoit prendre ledit chastel sans trop grant peine et perte de ses gens, fist loger ses gens dedens les maisons de la ville qui estoit close de vielz fossez, et la fist réparer pour estre plus à l'asseur à l'encontre des Anglois ses adversaires, tant de Calais, comme d'autres garnisons. Et lendemain fist assaillir la garnison d'icellui chastel, laquelle fut prinse par force. Et y gaignèrent les assaillans, grant foison de chevaulx, jumens, vaches et brebis. Auquel assault, messire Jehan de Berengeville' fut durement navré, dont il morut tantost après. Et en ce mesme jour yssirent de Calais environ cent hommes d'armes, lesquelz vindrent chevauchant assez près des François, et les advisèrent tout à leur aise, et puis se retirèrent en icelle ville de

1. Genevois, habitants de Gênes, Génois. L'édit. de Vérard et celle de 1572, mettent cinq cens.

2. Au texte : habundance.

3. L'édit. de Vérard, et celle de 1572, mettent : Robert de Bé rengille.

Calais. Et tantost après, par ung hérault, mandèrent audit conte de Saint-Pol que lendemain venroient disner avecques lui se là les vouloit actendre. Auquel hérault fut respondu, que s'ilz y venoient ilz seroient receuz et qu'ilz trouveroient le disner tout prest. Et raporta, ledit hérault, la response à ceulx qui là l'avoient envoyé. Lesquelz, lendemain très matin, yssirent de ladicte ville de Calais, deux cens hommes d'armes, deux cens archers, et environ trois cens hommes de pié légèrement armez, et avecques eulx menèrent douze ou treize chariots' chargés de vivres et d'artillerie, lesquelz tous ensemble, conduisoit ung chevalier anglois, nommé Richard Aston', lieutenant à Calais pour le conte de Sonbreseil' frère de Henry de Lenclastre, pour ce temps roy d'Angleterre. Si cheminèrent en bonne ordonnance jusques assez près de leurs ennemis, lesquelz par leurs espies et coureurs furent de ce advertis, mais point ne se préparoient, ne mectoient en ordonnance dehors leur logis pour les combatre, ainsi que faire le devoient, ains les actendoient dedens leur closture et fossez, si longuement que les dessusdiz Anglois commencèrent à tirer terriblement de leur traict, sans ce que iceulx François leur peussent faire résistence. Et adonc, en assez brief terme la plus grant partie des Flamens et gens de pied se commencèrent à desroyer et mectre en fuite pour la crainte du traict dessusdit, à l'exemple des

1. Dix ou douze chars. (Édit. Ver.)

2. Richart Aston, lieutenant, etc., l'édit. Vér. imprime fautivement: Richart a son lieutenant, etc.

3. Sombreset, frère de loi ou beau-frère de Henri de Lancastre (Vér.) Jean, comte de Sommerset.

quelz se partirent aussi grant partie des gens d'armes, et aussi les arbalestriers genevois estans en icelle place qui le jour devant avoient aloué la plus grant partie de leur traict à l'assault devant dit, n'avoient point remis ne appoincté autres quarreaulx au point de leurs arbalestes des garnisons de leur artillerie qui estoient sur les chars, par quoy, quant ce vint au besoing ilz ne firent point grant défense. Et par ainsi iceulx Anglois, sans ce que de leur partie y eust grant dommage, desconfirent assez briefment les François leurs ennemis, et demeurèrent victorieux sur la place. Mais le dessusdit conte de Saint-Pol, avec aucuns de sa compaignie, se parti sans avoir aucune occupacion de sa personne1, et par devers Saint-Omer s'en retourna à Thérouenne. Et tous ceulx qui demeurèrent de sa partie furent prins et occis en la place. Desquelz mors povoit avoir jusques au nombre de soixante ou envi

1. Se parti sans avoir aucune occupacion de sa personne. Ces mots semblent impliquer un blâme de la faiblesse qu'aurait montrée le comte de Saint-Pol en cette rencontre. Le Religieux de Saint-Denis, dont au reste le récit est bien moins détaillé et semble moins authentique que celui de Monstrelet, va bien plus loin. Car il ne craint pas de jeter ici au comte le reproche d'une indigne lâcheté. Sic comes confusione indutus et reverencia, prelium reformidans, et quemdam equm, qui ceteros celeritate et laboris paciencia longe superare dicebatur, ascendens et sue consulens saluti, cum probro et ignominia consortes deseruit et turpi fuga perpetuam infamiam emit. (Chr. de Ch. VI, t. III, p. 260.) A lire ce passage, on serait tenté de croire que le Religieux de SaintDenis avait quelque rancune contre ce pauvre comte de Saint-Pol. Dans tous les cas, on sent ici la différence de manière entre l'homme de plume et l'homme du métier. Naturellement ce dernier est plus indulgent. C'est que, mieux que le moine, il savait à quoi s'en tenir sur les difficultés d'une affaire.

ron, dont furent les principaulx : le seigneur de Querecques', messire Merlet de Saveuzes, messire Courbet de Rubempré, messire Marcel de Vaillechiron', messire Guy de Yvregny3, le seigneur de Faiel. Et de ceulx qui furent prins, furent le seigneur de Hangest, capitaine de Boulongne, le seigneur de Dampierre, séneschal de Ponthieu, le seigneur de Brimeu, messire Sarrasin d'Arly, le seigneur de Rambures, Gontier ‘, le seigneur de Givenchi et plusieurs autres notables chevaliers et escuiers, jusques au nombre de soixante à quatrevingts ou environ. Après laquelle besongne, et que iceulx Anglois eurent prins et ravy tous les biens, chars et artillerie que avoient là amené leurs adversaires, et desnué les mors, si s'en retournèrent en leur ville de Calais à tout leurs prisonniers, joyeulx de leur victoire. Et à l'opposite, le conte Waleran et ceulx qui s'estoient saulvez de sa compaignie, eurent au cuer très grant tristesse, et non point sans cause.

En après, le troisième jour ensuivant, les dessusdiz Anglois yssirent de leur ville de Calais à tout foison de canons et autres instrumens de guerre qu'ilz avoient gaigné sur les François devant Merck, et povoient estre cinq cens ou environ, qui vindrent de nuit couvertement environ le point du jour, et commencèrent

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1. Le seigneur de Querecques, lis. Quieret.

2. Marcel de Vaillechiron. Il faut lire Martel de Valhuon, comme dans Vérard.

3. Guy de Yoregny. Guy d'Ivergny (édit. de 1572), Guy d'Ivregny (édit. Vér.)

4. Gontier. Dans l'édit. de Vérard, au lieu de ce nom on lit : George la Personne.

5. Vérard ajoute : Combatans.

très asprement à assaillir la ville de Ardre', laquelle ilz cuidèrent trouver desgarnye de gens d'armes. Et de fait drecèrent escheles contre les murs et trahirent le feu dedens en plusieurs lieux. Mais par l'aide, confort et diligence de deux notables chevaliers qui dedens estoient, c'estassavoir messire Mansart du Bois' et le seigneur de Licques, furent lesdiz Anglois très fort reboutez, et en y eut, en faisant ledit assault et en eulx retraiant, mors, de quarante à cinquante, dont la plus grant partie furent par leurs compaignons portez en une grande maison au dehors de la ville en laquelle ilz boutèrent le feu pour les ardoir afin que de leurs ennemis ne feust leur perte sceue. Et après, tous confus et desplaisans de leur dommage, s'en retournèrent en leur ville de Calais. Auquel lieu, pour ce que aucuns de leurs gens y estoient mors de la navreure du trait des Genevois estans à la besongne de Merck, volrent tuer aucuns d'iceulx, disans que ledit traict estoit envenimé. Et adonc le dessusdit conte de Saint-Pol, lequel, comme dit est, s'estoit retrait à Thérouenne, comme espérant aucunement recouvrer son honneur, manda par toutes les marches de Picardie gens de guerre et les fist venir vers lui. Si y vindrent le seigneur de Dampierre, messire Jehan de Craon, seigneur de Dommart, messire Morelet de Querecques, le seigneur de Fosseux, le seigneur de

1. Vérard imprime la ville et Ardre; faute qui ne se trouve pas dans l'édit. de 1572.

2. Mansart du Bos, dans Vérard, qui par contre met fautivement le seigneur de Lignes, au lieu de Licques.

3. Le Religieux de Saint-Denis ne dit rien de cet échec essuyé par les Anglais sous les murs d'Ardres.

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