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renvoia à Paris, excepté le marquis de Pont', le conte de Dampmartin et plusieurs autres de la famille du duc d'Orléans, lesquelz sans délay chevauchèrent oultre jusques à Corbueil. Si racontèrent à la Royne et au dessusdit duc d'Orléans, comment ledit duc de Bourgongne avoit fait retourner dedens Paris le duc d'Acquitaine, oultre leur gré. Pour lesquelles nouvelles ilz furent moult esmerveillez et eurent grant crainte, pour ce qu'ilz ne sçavoient quelle chose icellui duc de Bourgongne tendoit à faire; et tant que le duc d'Orléans laissa son disner qui estoit appareillé, et s'en ala bien en haste à Meleun, et la Royne après lui, et tous ceulx de leur famille. Et le duc de Bourgongne, comme dit est, avec toutes ses gens, s'en ala vers Paris, conduisant ledit duc d'Acquitaine. Au devant et en l'encontre duquel, yssirent ledit roy de Navarre, le duc de Berry, le duc de Bourbon, le conte de la Marche et plusieurs autres seigneurs, et les bourgois de Paris en grant multitude. Et entra dedens Paris très honnorablement, tousjours ledit duc de Bourgongne et ses deux frères au plus près de la litière, et ainsi les autres seigneurs. Si chevauchèrent tout le pas en tel estat, tant qu'ilz vindrent au chastel du Louvre, dedens lequel ledit daulphin fut mis jus de sa litière par Loys de Bavière, son oncle; et là fut logié. Si se retrahirent tous les seigneurs, chascun en son hostel, réservé le duc de Bourgongne, qui là se loga. Et

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1. Pour plus de correction il faudrait : le marquis du Pont. 2. Grant crainte, grant crémeur. (Vér.)

3. L'édit. de 1572 ajoute qui estoient avec luy durant ceste besongne.

4. C'est-à-dire au Louvre. Voici comment la chronique, très

tantost après envoya plusieurs messagers garnis de ses lectres, en tous ses pays, pour amasser gens d'armes et venir devers lui audit lieu de Paris. Si tenoit icellui duc son estat dedens le Louvre, en la chambre Saint-Loys, et ès chambres de dessoubz appartenans à icelle. Et le duc d'Acquitaine et toute sa famille fut logié ès chambres d'en hault. Et lendemain, le Recteur et aussi toute la plus grant partie de l'Université de Paris, vindrent devers ledit duc de Bourgongne faire la révérence, et le remercier en grant humilité,

bourguignonne, que nous avons déjà citée, raconte cet enlèvement du Dauphin.

་་

Quant le duc de Bourgoigne sceult celle emprise et ce département, il fu en moult grand doubtance, car il savoit bien la mauvaise volonté du duc d'Orléans, qui tousjours croissoit de mal en pis en toutes manières, tousjours tendant à la couronne de France. Il, meu de loiauté et de preudommie, chevaulcha à force et course de chevaulx après ledit duc de Guyenne, son beau filz, et passa parmy Paris sans repaistre, et se hasta tant de chevaulchier que il le ractaint anchois que il venist à Meleun où on le menoit pour celle nuit. Et pour ce que il estoit bien près de ladicte ville ossy tost que il eubt ractaint le chariot ouquel il estoit, il maismes sacqua une espée et trencha les trais de ce chariot, et puis rebout sadicte espée et alla parler audit duc de Guyenne. Et après ce que il l'eubt salué, il luy demanda où on le menoit, Et il lui respondy qu'il ne savoit. Et lors lui demanda ledit duc de Bourgoigne se il volloit point retourner à Paris, et il luy respondy que ouil. A donc fist ledit de Bourgoigne remectre à point les trais dudit chariot, et fist retourner son beau filz à Paris. Dont ceulx qui le conduisoient n'osèrent faire semblant, car ledit de Bourgoigne estoit en armez aussi bien que ilz estoient, et si estoit le mieulx acompaigné. Et tousjours lui venoient gens qui le sievoient de tire, dont sa force croissoit tousjours. Et par ainsi ramena l'enfant à Paris. Dont tout le peuple fu moult joieulx, car ils avoient grant paour et doubtance d'iceluy enfant. (Bibl. imp., f. Cord. 16, fol. 329.) Voy. nos Pièces justificatives.

publiquement, de la bonne amour et affection qu'il avoit au Roy, à sa généracion, et à tout le royaume. De laquelle ilz estoient et se tenoient véritablement estre informez qu'il tendoit à bonne fin et à la réformacion et réparacion d'icellui; lui requérant en oultre qu'en ce voulsist persévérer et non cesser, pour quelque cause qui advenist.

Le dymenche ensuivant, ledit duc de Bourgongne, avecques tous ses gens, se desloga du Louvre, et s'en ala loger en son hostel d'Artois'. Ouquel lieu fist faire par les rues de grandes fortificacions de palis et de barrières, afin que de sa partie adverse ne peust estre grevé. Et avec ce, fist tant devers le Roy et ceulx du grant conseil, que les chaynes de Paris qui estoient au chastel du Louvre, furent rendues aux Parisiens, et remises par les rues comme elles avoient autre fois esté. Pour laquelle chose ledit duc de Bourgongne fut grandement en la grace de toute la communaulté de Paris. Et icellui chastel du Louvre demoura en la garde de noble homme messire Renault d'Anghiennes, qui paravant y estoit commis de par le Roy. La bastille Saint-Anthoine fut mise en la garde de Montagu, grant maistre d'hostel du Roy3. Mais il jura et fist

1. Rue Mauconseil. Cet hôtel devait son nom à Robert, comte d'Artois, frère de saint Louis, son premier possesseur.

2. Le Religieux de Saint-Denis (t. III, p. 308) dit que ce fut le duc de Berri. Ce qui est moins probable.

3. Le Religieux de Saint-Denis (t. III, p. 308) dit, au contraire, que le gouvernement de la Bastille fut ôté à Montaigu et donné au seigneur de Saint-George. Entre ces deux versions opposées, nous donnons la préférence à celle de Monstrelet. Car la phrase qui suit lui donne une grande autorité.

serement qu'il ne mestroit homme dedens si non seulement ceulx du conseil du Roy là estans. Et le duc d'Acquitaine ou de Guienne fut baillé en gouvernement au duc de Berry, de par le Roy et son grant conseil. Et après le duc de Bourgongne et ses deux frères baillèrent et présentèrent au Roy et à son grant conseil une supplicacion, de laquelle la teneur s'ensuit :

<«< Jehan, duc de Bourgongne, Anthoine, duc de Lembourg, et Phelippe, conte de Nevers, frères, vos très humbles subgetz, parens et obédiens serviteurs vraiment et féablement, congnoissans par jugement de raison chascun chevalier de vostre royaume notoirement estre tenu et obligié, après Dieu, vous aymer, servir et obéir. Et ne sommes point tenus seulement de vous non nuire, mais avecques ce sommes tenus de vous notifier et à vostre personne faire sçavoir ce qu'on procure contre vostre honneur et prouffit. Et mesmement ceulx qui par prouchaineté de vostre sang tiennent de vous grandes seigneuries, par le lien desquelles sommes obligez à vous, et à vous nous sentons tenus comme il appert. Car à vous sommes subgetz ou royaume et de par vostre dignité sommes vos cousins germains. Et moy, Jehan, par la grace de Dieu et de vous, suis duc de Bourgongne, per du royaume de France, doien des pers, conte de Flandres et d'Artois. Et moy, Anthoine, conte de Rethel; et moy, Phelipe, conte de Nevers et baron de Donsy; et avecques ce, par le consentement de vous, nostre très

1. Au lieu de cette pièce, qui a tous les caractères de l'authenticité, le Religieux de Saint-Denis fait prononcer à un Jean de Nieles, orateur choisi par le duc de Bourgogne, un long discours sur le même sujet. (Chr. de Ch. V1, t. III, p. 297.)

redoubté seigneur, et de nostre très redoubtée dame la Royne, et tout le sang [royal], contraicté est le mariage entre le duc d'Acquitaine, daulphin de Vienne, votre filz, et la fille de moy duc de Bourgongne. Et aussi entre la dame de Valois, vostre fille, et Phelippe, conte de Charrolois, mon filz. Et si sommes vers vous tenus par le command de feu nostre très redoubté seigneur et père, que Dieu absoille, et qui environ la fin de sa vie nous commanda à prometre que devers vous et vostre royaume toute féaulté nous garderons. Laquelle chose tous les jours de nostre vie acomplir nous désirons et convoitons. Et afin que ès devantdiz liens, à aler au contraire par dissimulacion feinte ne soions veuz, et aussi que nous ne encourons la divine indignacion, il nous semble qu'il est neccessité que nous vous déclairons ce que souvent est traictié contre l'honneur et prouffit de vous et de vostre royaume, principalement en quatre poins selon nostre jugement.

« Le premier, si est de vostre personne. Car devant ce que de ceste maladie de laquelle non mie tant seulement estes grevé, mais tous les cuers de vos amis qui vous ayment en sentent et souffrent très grant douleur, en vostre conseil, souventes foiz sont fais traictiez contre vostre honneur et prouffit, coulourez par fiction de bien, et moult de choses inraisonnables vous sont demandées. Jà soit ce que par voz responses les refusez, toutesfoiz par aucun de vostre conseil est donné, et tant, qu'on obtient ce qu'on demande. En oultre point n'avez vestemens, joiaulx ne vaisseaulx, telz comme il appartient à vostre estat royal, et se aucuns en avez, à peu d'ochoison sont engagiez. Aussi, vos serviteurs n'ont nulle audience par devers

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