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Mais aucuns pourroient arguer contre les choses dessusdictes pour ce, quant le roy David fut au lit de la mort, il charga son filz Salomon qui devoit estre roy régnant après lui, qu'il fist justice dudit Joab. A ce je respons que ce ne fut pas pour le cas dessusdit. Car, nonobstant que Joab feust bon chevalier et loial ou temps qu'il occist ledit Absalon, néantmoins envers la fin de ses jours il commist deux grandes faultes. La première fut qu'il occist ung très bon chevalier et homme d'armes, nommé Amaza, et en baisant le print par le menton d'une main, et de l'autre lui bouta une espée parmy le corps, en disant : Ave frater Amaza, « Dieu te gard! frère Amaza. » Le second fut qu'il occist le prince Abner, aussi par grande trayson. Et pour ce que le Roy n'avoit point puny ledit Joab des deux homicides dessusdiz qu'il avoit perpétrez si desloyaument, il en fist conscience en son lit mortel, et en charga son filz Salomon qu'il en feist justice après son trespassement, et qu'il le pugneist en ce monde et privast de la vie du corps pour éviter dampnacion perpétuelle. Et lui dist ainsi : Tu scis que fecerit Joab duobus principibus exercitus Israel, filio meo, etc. C'est à dire que les deux chevaliers, princes de la chevalerie d'Israël, avoient esté tuez desloiaument en la paix de Dieu et de son Roy, et je fay conscience de ce que je lui ay esté trop favorable; et pour ce, se tu ne le pugnis, tu seroies cause de la dampnacion de son âme. Et je fay cy ung nota: il n'est nul si bon chevalier ou monde qui ne puist faire une faulte, voire si grande que tous les biens qu'il aura faiz devant soient adnullez. Et pour ce, on ne crie aux joustes, ne aux batailles Aux preux! mais on crie bien: Aux filz des

preux après la mort de leur père! Car nul chevalier ne peut estre jugié preux se ce n'est après le trespassement. Ainsi avez vous le deuxiesme exemple.

Le tiers exemple sera de la royne Athalie qui estoit royne de Jhérusalem. De laquelle dist la saincte Escripture: Athalaia vero, mater regis Ochasie, videns filium suum mortuum, surrexit, etc. C'est à dire que cette mauvaise royne Athalie, recordant que le roy Ochosie, son filz, estoit trespassé et qu'il n'avoit laissé que petit enfans, pour actribuer à elle la seigneurie, par sa convoitise, mauvaise concupiscence et tirannie, occist les enfans dudit roy son filz, et furent tous mis à mort, excepté que par la grâce de Dieu et d'une vaillant dame qui estoit ante desdiz enfans, seur à leur père, laquelle embla un nommé Joias ou berceau de sa nourrice et l'envoia secrètement à l'évesque du temple, qui doulcement le nourry jusques à sept ans. Ce pendant ladicte mauvaise royne régna par l'espace desdiz sept ans, par tyrannie et desloyaulté. Et la huitiesme année le vaillant évesque la fist espier et occire de fait d'aguet, et fist couronner le petit enfant. Lequel, combien qu'il feust jeune et qu'il n'eust que sept ans, gouverna très bien ledit royaume par le conseil et advis dudit vaillant évesque et autres bons preudommes. Car la saincte Escripture dist ainsi : Joias regnavit quadraginta annis in Jherusalem, fecitque rectum coram Domino, etc. Ainsi avez vous le troisiesme exemple, qui est comment convoitise de honneur vaine, qui n'est autre chose que concupiscence et voulenté désordonnée à tolir à autrui sa noble dominacion et seigneurie, fist ladicte royne estre murdrière, faulse et desléale, pour obtenir par force

tirannique la couronne et seigneurie du royaume de Jhérusalem. Et si avez oy comment par agaiz et espiemens elle fut occise. Car c'est droit raison et équité que tous tirans soient occis vilainement par agais et espiemens, et est la propre mort dont doivent mourir les tirans desleaux. Et ainsi je fais fin du tiers article de madicte matière majeur.

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Après je viens au quart article de ma majeur, ouquel je pense à noter et exposer huit véritez principales par manière de conclusion, et fondement de en icellui insérer huit autres conclusions par manière de correlaire, pour mieulx fonder la justificacion de mondit seigneur de Bourgongne. La première est que tout subject universel qui par convoitise, barat, sortilège et malengin machine contre le salut de son roy et souverain seigneur, pour lui tolir et soubztraire sa très noble et haulte seigneurie, il pèche si griefment et commet si horrible crime, comme crime de lèse-majesté royale ou premier degré, et par conséquent il est digne de double mort, c'estassavoir, première et seconde. Je preuve madicte proposicion. Car tout tel subject et vassal est grant ennemy et desloyal au souverain seigneur et pèche mortellement; donques ma conclusion est vraye. Et qu'il soit tirant, je le preuve par monseigneur saint Grégoire, qui dist ainsi : Tirannus est proprie, etc. Qu'il commet ce crime de lèse-majesté, il appert clèrement par la distinction dessusdicte des degrez de lèse-majesté royale et en la personne du prince. Qu'il soit digne de double mort, première et seconde, je le preuve. Car, par la première mort j'entens mort corporelle, qui est séparacion du corps et de l'âme, et par la mort seconde je n'en

tens autre chose que dampnacion pardurable, de laquelle parle monseigneur saint Jehan l'évangéliste, et dist: Qui vixerit non ledetur a morte secunda. C'est à dire que toute humaine créature qui aura victoire finablement sur convoitise et ses trois filles, il n'aura garde de la mort seconde, c'estassavoir de pardurable dampnacion.

La seconde vérité est, jà soit ce que ou cas dessusdit tout vassal et subject soit digne de double mort, et qu'il commecte si très horrible crime qu'on ne le pourroit trop punir, toutesfoiz il fait trop plus à punir que ung simple subject, c'estassavoir, ung baron que ung chevalier, ung conte que un baron, et un duc que ung conte, le cousin du Roy que ung estrange, le frère du Roy que ung cousin, et le filz du Roy que le frère. C'est vérité, tant qu'à la première partie s'ensuit la vérité précédente. Et quant à la seconde partie, je le preuve. Car en mondit degré, l'obligacion est plus grande à vouloir garder le salut du Roy et la chose du bien publique. Donques ceulx qui font le contraire font plus à punir, en montant de degré en degré. Ma conséquence est très bonne, et je la preuve. C'estassavoir que le filz est plus obligié que le frère, et le frère que le cousin, ung duc que ung conte, ung conte que ung baron et ung baron que ung chevalier, à garder le bien et honneur du Roy et de la chose publique du royaume. Car chascune des dessusdictes prérogatives, dignitez et seigneuries correspondent à certain degré d'obligacion, et ainsi qu'ilz sont plus grans et plus nobles, plus grande et plus forte est l'obligacion. Et pourtant, qui plus en a et de plus nobles, plus est obligié comme dit saint Grégoire, en

l'auctorité dessus alléguée : Concrescunt dona et raciones donorum. Item, pour le deuxiesme argument prens-je madicte vérité. Car, tant que la personne est plus prouchaine du Roy et plus noble, s'il fait les choses dessusdictes, de tant est-ce plus griefve esclande que n'est d'une personne qui est loingtaine du Roy. C'est plus grande esclande que ung grant duc et puissant seigneur, prouchain parent du Roy, machine sa mort pour lui tolir sa seigneurie, que ce seroit d'un povre subject qui n'est point son parent. De tant que le machineur seroit plus prouchain du Roy et de plus grant puissance, de tant seroit la chose plus inique, et de tant seroit de plus grant esclande, et par conséquent seroit plus à punir. Tiercement, je prouve ma vérité dessusdicte. Car il y a plus grant péril, donques y doit-il avoir plus grant remède de punicion. Et à l'encontre qu'il y ait plus grant péril, je le preuve. Car la machinacion des prouchains du Roy, qui sont de grande auctorité et puissance, est plus périlleuse que n'est la machinacion des povres gens. Et pour tant qu'elle est plus périlleuse, il en doit avoir plus grande punicion pour obvier aux périlz qui en pevent advenir pour les refraindre de la temptacion de l'ennemi et de convoitise. Car, quant ilz se voyent si prouchains à la couronne, il advient que convoitise se boute en leur cuer, pour quoy ilz se bouteront à machiner de toute leur puissance et à empoingner ladicte couronne. Ainsi n'est pas d'un povre subject qui n'est point prouchain parent du Roy, car il n'auroit jamais ymaginacion ou espérance d'advenir à ladicte couronne, ne du royaume, aucune

ment.

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