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estre qu'ilz se feussent tannez et retraiz en leurs marches, ou au moins on eust peu trouver aucun bon appoinctement, toutesfoiz le jour est venu que avez tant désiré, si vueillez tous d'une mesme voulenté mectre toute vostre espérance en Dieu, et envayr hardiement et courageusement vos adversaires pour défendre vostre pays et garder vos franchises. >>

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Après lesquelles paroles par lui dictes et remonstrées, il voult mectre une compaignie à cheval de ses meilleurs hommes pour aler contre les autres dessusnommez. Mais à vérité dire, lesdictes communes ne le vouldrent point laisser monter à cheval, ains lui dirent moult de lédenges et reprouches, icellui réputans pour traistre. Lequel, souffrant paciemment leur forte et rigoreuse rudesse, ordonna briefment son ost en quarrure, et par devant estoit en triangle, c'est à dire à trois costez. Après ordonna au dos, au destre et senestre costé de l'ost, ses chariotz et charètes très bien establies et par belle ordonnance; et estoient les chevaulx sur le derrière par ung des costez. Et par dedens estoient leurs archers et leur arbalestriers, desquelz le traict estoit de petite valeur, exceptez les archers d'Angleterre, qui bien furent mis et ordonnez ès lieux plus convenables et neccessaires. Et ledit seigneur de Pierrelves, acompaigné de son filz, évesque, et d'aucuns de sa compaignie les plus excellens en armes, en manière de bon meneur, se mist ou front devant contre ses adversaires. Durant lequel temps, en ce mesmes dimanche 1, environ une heure après midi, les deux ducs dessusnommez, semblablement en mar

1. 23 septembre.

chant avant pour aler à l'encontre de leursdiz adversaires, exortèrent leurs gens chascun endroit soy moult amiablement, disans qu'ilz envaïssent vigoreusement et hardiement iceulx, et qu'ilz se combatissent de courage ferme et estable contre ceste sote gent, qui estoient rebelles à leur seigneur et moult rudes, en eulx confians en leur grant nombre et multitude, disans que se ainsi le faisoient ilz auroient la victoire, et emporteroient sans faillir honneur perdurable. Après lesquelles choses et autres semblables dictes et remonstrées par lesdiz ducs, chascun à sa gent, ilz se retrahirent chascun en leurs lieux auprès de leurs bannières. Et tantost, par reposées, comme dit est, s'approuchèrent moult fort de leurs ennemis, lesquelz commencèrent moult fort à gecter et à traire de canons. Si portoit, la bannière du duc de Bourgongne, ung gentil chevalier nommé messire Jaques de Courtramblé, lequel à l'aproucher chey à genolz, dont aucuns eurent grant desplaisance, doubtans que ce ne feust signe d'aucun mal à venir. Mais il fu tost relevé à l'aide de ceulx qui estoient emprès lui pour la garde, et se porta et maintint ce jour très prudentement. Et estoit ledit chevalier natif du pays dudit duc de Bourgongne. Et la bannière du duc Guillaume fut portée en ceste besongne par ung gentil chevalier nommé Othe d'Escaussure, qui bien la maintint.

En après, les deux osts joignans l'un contre l'autre, y eust très aspre, horrible et espoventable bataille commencée d'une partie et d'autre, laquelle dura par l'espace d'une heure ou environ, en frapant et doublant cops merveilleusement et souvent, les ungs sur les autres. Et ce pendant, la compaignie à cheval dessus

363 dicte, si comme il leur avoit esté commandé et enjoinct, prestement que lesdictes batailles furent assemblées, vindrent et assaillirent au dos lesdiz Liégois, lesquelz par l'empeschement des chariotz et charètes, a très grant peine entrèrent en eulx. Mais en la fin, par leur force et vaillance firent tant qu'ilz eurent entrée, et par moult grant entente les commencèrent à séparer, diviser et ouvrir, abatre et occire. Et ainsi qu'ilz estoient de ce faire très ententifz, les aucuns d'iceulx eslevans leurs yeux, virent bien six mille Liégois partans de leur ost et bataille, lesquelz, à tout leurs enseignes et bannières de mestiers, s'en alèrent, moult légèrement fuians vers une ville champestre estant à demie lieue, ou environ, de ladicte bataille. Après lesquelz ladicte compaignie à cheval, voians iceulx ainsi fuir, délaissèrent ce qu'ilz avoient encommencé et chacèrent iceulx et les envayrent très asprement, non mie tant seulement une foiz, mais plusieurs, iceulx abatans et occians très terriblement sans en avoir mercy. Et furent là adonc faictes si grans douleurs, gémissemens et complaintes d'iceulx ainsi prosternez et abatus, que ce seroit longue chose à dire. Et finablement furent mis en si grant desroy et desconfiture, que pour crainte de la mort aucuns s'en fuioient és bois, et les autres en autres lieux où ilz se povoient musser et saulver. Ainsi donques, icelle compaignie du tout desconfite, occis, navrez, prins et despoullez par ceulx de cheval, comme dit est, s'en retournèrent lesdiz de cheval, de rechef, en la grosse bataille, pour secourir leurs gens qui se combatoient par merveilleuse vertu et puissance contre leurs ennemis qui se défendoient et les assailloient très puissam

ment. Et pour vérité ceste bataille fut moult doubteuse. Car, par espace de demie heure on ne povoit point cognoistre ne parcevoir, laquelle compaignie estoit la plus puissante en combatant. Si estoit lors grant cruaulté de oyr le grant bruit que faisoient là les deux parties l'une contre l'autre; et crioient à haulx cris les Bourguignons et Hennuiers, chascun dessoubz sa bannière, Nostre Dame Bourgongne! et Nostre Dame Haynau! Et les dessusdiz crioient: Saint Lambert, Pierelves! Et peust estre que iceulx Liégois eussent eu la victoire, se celle compaignie de cheval, retournée de l'occision des dessusdiz fuians, ne feust seurvenue au dos desdiz Liégois. Laquelle compaignie se porta si vaillamment en ceste besongne, que leurs adversaires furent incontinent par eulx trespercez, jà soit ce qu'à leur povoir ilz résistassent contre eulx. Et adonc, en assez brief terme fu faicte de eulx grant occision, sans prendre nullui à raençon. Et là, pour vray, par la force et vigueur des dessusdiz de cheval commencèrent à cheoir gens sans nombre l'un sur l'autre, car, avec ce, le fès de la bataille des gens de pié tourna sur eulx. Pour quoy ilz furent, en assez brief terme, du tout tournez à desconfiture, et cheurent par millers, mors et navrez, en grant confusion et désolacion, l'un sur l'autre, en telle manière qu'ilz gisoient là par grans monceaulx. Et de ce on ne doit point avoir grant merveille. Car assemblées de communes, petitement armez et pleines de leurs voulentés irraisonnables, non obstant qu'ilz soient grant nombre, à peine pevent ils résister contre multitude de nobles hommes, acoustumez et esprouvez en armes, mesmement quant Dieu le souffre ainsi estre fait. Et en icelle heure,

assez près de la bannière du duc de Bourgongne, où estoit le plus grant fès de ladicte bataille, cheirent le seigneur de Pierelves et ses deux filz, c'estassavoir cellui qui estoit esleu évesque, et ung autre, lesquelz prestement furent mis à mort. Et là furent mors le damoisel de Salmes, qui portoit l'estandart Saint-Lambert, c'estassavoir le filz ainsné du conte de Salmes dessusdit, qui se combatoit aux deux ducs, sire Jehan Collet et plusieurs autres chevaliers et escuiers jusques au nombre de cinq cens, et les archers Anglais, et bien vingt huit mille desdictes communes ou au dessus. Messire Bauldouyn de Montjardin', pour saulver sa vie se rendit au duc de Bourgongne et fut mené et conduit hors de la bataille, et depuis fut donné par ledit duc à messire Guichard de Boves2.

Tant qu'est à parler de la constance et hardiesse d'icellui duc de Bourgongne et comment en sadicte bataille, au commencement d'icelle, en décourant de lieu à autre sur ung petit cheval, exortant, et baillant à ses gens couraige, et comment il se maintint jusques en la fin, nul besoing d'en faire longue déclaracion. Car, pour vray il le feist lors si grandement, qu'il en fut lors prisié et honnoré de tout chevaliers et autres de ses gens. Et onques de son corps sang ne fut traict pour ce jour, combien qu'il feust plusieurs foiz traveillée et actaint de traict et d'autres dars. Toutesfoiz quant il lui fut demandé après la desconfiture se on cesseroit de plus tuer iceulx Liégois, il respondi qu'ilz mourroient tous ensemble, et que point ne vouloit qu'on les preist à raençon, ne meist à finance. Pareil

1. Messire Bauldin de Montgardin, chevalier (Suppl. fr. 93). 2. Messire Wicart de Bours (Suppl. fr. 93).

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