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murmurans en secret, disans que doresenavant on auroit bon marché de murdrir les seigneurs puisqu'on en estoit quicte sans faire autre réparacion.

En oultre les deux enfans d'Orléans dessusdiz et toutes leurs gens, après qu'ilz eurent prins congié au Roy, à la Royne, au Daulphin et aux autres seigneurs, s'en retournèrent à Blois, dont ilz estoient venus, et n'estoient bien contens, ne ceulx de leur conseil aussi, de celle paix. Le marquis du Pont, filz au duc de Bar, cousin audit duc de Bourgongne, qui paravant ce jour n'estoit point aymé pour la cause du duc d'Orléans avant trespassé, vint après lui audit lieu de Galardon, et là disnèrent ensemble en grande concorde et union comme on peut veoir. Et environ deux heures après midi, le duc Guillaume, le conte de Saint-Pol et plusieurs autres grans seigneurs, vindrent devers ledit duc de Bourgongne à son logis de Galardon, et puis tous ensemble retournèrent à Paris. Et après, le Roy, la Royne et leur filz le Daulphin, les roys, princes et cardinal dessusnommez vindrent audit lieu de Paris, au jour de la my-quaresme. A l'encontre desquelz vindrent hors de ladicte ville les ducs de Bourgongne et de Zélande, le cardinal de Bordeaulx, qui pour ce temps estoit à Paris pour aler au concile à Pise. Et pareillement ceulx de Paris, jusques au nombre de deux cent mille, tant hommes comme femmes, vindrent à l'encontre de leur Roy, crians à l'entrée de la porte à haulte voix : Noël! et menans très grant joie pour le retour du Roy à Paris, et avecques ce, pour paix faicte, comme dit est devant, de la mort du duc d'Orléans, et leur sembloit que Dieu y avoit estendu grandement sa grace et sa miséricorde d'avoir consenti

que une si grande besongne et apparence de guerre estoit si tost estainte et appaisée. Mais ilz n'avoient point regard ne considéracion à ce que depuis il en advint. Toutefoiz la plus grant partie des Parisiens estoient obstinez et du tout affectez avec ledit duc de Bourgongne. Car ilz espéroient que par ses moiens toutes tailles et subsides seroient mises jus. Mais ilz ne veoient pas clèrement tous les meschefz et adversitez qui depuis en advinrent ou royaume et à eulx mesme, pour les besongnes dessusdictes. Car bien tost après la guerre se resmut entre lesdictes parties, très cruelle, comme cy-après sera remonstré.

CHAPITRE L.

Comment la royne d'Espaigne mourut, et du mariage du roi de Dace et de Norvège.

En cest an mouru la royne d'Espaigne, seur de Henry, roi d'Angleterre, mère du jeune roy d'Es-▾ paigne et de la royne de Portugal. Après la mort de laquelle, les Espaignolz donnèrent congié à tous les Anglois, hommes et femmes, serviteurs de ladicte royne; lesquelz retournèrent en Angleterre tristes et envieux de cuer.

Et d'autres part, en ceste mesmes saison, très grant nombre de prélas, arcevesques, évesques et abbés se partirent de plusieurs et divers lieux de chrestienté pour aler au concile de Pise', sur intencion de mectre

1. Il s'ouvrit le 25 mars 1409 (N. S.) Le 5 juin suivant, on y prononça la sentence définitive contre les deux contendans à la papauté, Grégoire XII et Benoît XIII, et le 26 du même mois, on

paix et union universelle en l'Église, laquelle par moult longtemps avoit esté en grande perplexité, dont les princes de plusieurs royaumes, et aussi les prélas et * les autres gens d'auctorité estoient très desplaisans.

En après, en ce mesme temps, Henry, roy de Dace1 et de Norvège et d'Esclavonnie, print à femme la fille du roy Henry d'Angleterre. Lesquelz royaumes avoient esté mis en la main dudit roy de Dace par la royne d'iceulx pays, laquelle se démist de sa propre voulenté, 'du tout, de l'onneur et prouffit d'iceulx royaumes en en revestant ledit roy Henry.

y élut pape Pierre de Candie, qui prit le nom d'Alexandre V. (Voy. Raynaldi, t. VIII, p. 283 et suiv.)

1. C'est Eric IX, roi de Danemark, lequel épousa Philippine, fille de Henri IV, roi d'Angleterre. Mais Monstrelet se trompe de beaucoup sur la date de ce mariage. Il est du 7 décembre 1405. Voy. Rym., t. IV, p. 92.

FIN DU TOME PREMIER.

APPENDICE.

LETTRES DE RÉMISSION

ACCORDÉES PAR HENRI VI, ROI D'ANGLETERRÉ,

A ENGUERRAN DE MONSTRELET.

1424.

Henry, par la grace de Dieu, roy de France et d'Angleterre. Savoir faisons à tous présents et avenir, Nous avoir esté humblement exposé de la partie de Enguerran de Monstrelet, cappitaine du chastel de Frevench1 pour nostre trèscher et très amé cousin le conte de Saint-Pol : comme environ le mois de février, l'an mil 1111o xx11, ouquel temps les villes de Crotoy, Noielle, Rue et Maisons lez Ponthieu, tenoient parti contraire à nous, desquelles villes issoient souvent plusieurs gens d'armes Armignaz, pour aller à Guise et és mectes d'environ, et passoient parmy les pais obéissans à nous, un nommé Jehan le sergent, parent dudit Enguerran, feust venu audit chastel de Frevench pour le veoir, et arriva avec lui, Jehan de Molliens, qui long temps a suy les guerres de Nous et de nostre très cher et très amé cousin le duc de Bourgogne. Etjeurent la nuitié audit chastel de Frevench. Et landemain, au matin, ledit Jehan de Molliens dist audit Enguerran : « Enguerran, se vous voulez

1. Aujourd'hui Frévent.

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