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recteur de l'Université qui les fist enterrer honnorablement au cloistre de ladicte église. Et là, de rechef, fut fait ung épitaphe à leur semblance pour perpétuelle mémoire1.

CHAPITRE XIV.

Comment le séneschal de Haynau, lui quatriesme, fist armes, présent le roy d'Arragon; et du voyage que l'admiral de Bretaigne fist en Angleterre.

En l'an dessusdit, furent entreprinses armes à faire par le gentil séneschal de Haynnau, en la présence du roy d'Arragon', c'estassavoir de quatre contre quatre. Et estoient les armes telles qu'ilz devoient combatre de haches, d'espées et de dagues jusques à oultrance, sauf en tout la voulenté du juge. Si estoient en la compaignie dudit séneschal, messire Jaques de Montenay, chevalier normant, le second messire Taneguy du Chastel, chevalier de la duchié de Bretaigne, et le tiers estoit ung notable escuier nommé Jehan Carmen. Et leur adverse partie estoit du royaume d'Arragon, et par espécial estoit le principal ung nommé Colemach de Saincte-Couloume, et estoit de l'ostel du roy d'Arragon, et de lui moult aymé. Le second estoit appellé messire Pierre de Moscade3. Le tiers estoit nommé Pothon de Saincte-Coloume, et le quart se nommoit Barnabo de l'Oef. Et quant ce vint au jour assigné,

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1. On peut voir dans la Bibl. de l'École des chartes (1re série, t. V, p. 379) quelques pièces relatives à une autre émeute d'écoliers, en 1453.

2. Martin.

3. Pierre de Moncade.

le roi]', qui avoit fait préparer les lices en la cité de Valence-la-Grant emprès son palais moult richement, vint à son eschafault acompaigné du duc de Candie et des contes de Sardaine et d'Aynemie, avec très grant noblesse. Et tout à l'environ d'icelles lices estoient faiz eschafaux dessus lesquelz estoient les nobles du pays avec les dames et damoiselles, et aussi les notables bourgois et bourgoises de ladicte cité de Valence. Et furent commis de par le roy dedens les lices pour garder le champ, quarante hommes d'armes, moult richement parez. Et entre les claières desdictes lices, estoit le connestable d'Arragon à tout grant compaignie de gens très richement armez selon la coustume du pays. Si y avoit dedens le champ deux petites tentes pour reposer et ombroier les champions dessusdiz, lesquelles estoient moult bien ouvrées et parées des blazons d'un chascun d'eulx. Et adonc, quant le Roy fut venu, comme dit est, il fist savoir par aucuns chevaliers de son hostel, au séneschal et à ses compaignons, qu'ilz venissent premiers dedens ledit champ et que ainsi estoit-il ordonné, jà soit que les Arragonnois estoient appellans. Lesquelles nouvelles oyes par icellui séneschal et ceulx de sa partie, se armèrent incontinent et montèrent chascun sur un bon coursier, lesquelz estoient parez semblablement l'un comme l'autre de drap de soie vermeil qui batoient jusques près de terre, et sur les draps dessusdiz estoient semez plusieurs escussons de leurs armes. Et ainsi, en noble appareil, alèrent de leur hostel jusques aux bar

1. Le ms. Suppl. fr. 93 porte : le dessusdit Roy.
2. Barrières desdictes lices. Var. du ms. Suppl. fr. 93.

:

rières desdictes lices. Si aloit devant l'escuier dessusnommé, et après lui messire Taneguy du Chastel, lequel suivoit messire Jaques de Montenay, et tout derrière aloit le séneschal, lequel conduisoit le seigneur de Chin. Et ainsi entrans dedens, alèrent faire la révérence au roy Martin d'Arragon, qui leur fist très grant honneur; et puis se retrahirent dedens leur tente, où ilz actendirent leurs adversaires bien heure et demie. Lesquelz vindrent tous ensemble à cheval comme les autres, et estoient tous leurs chevaux couvers de blans drap de soye où il y avoit plusieurs escussons semez de leurs armes. Et après qu'ilz eurent faicte la revérence au Roy, alèrent en leur tente, qui estoit au costé destre et depuis leur venue, furent bien cinq heures tous armez en leursdictes tentes. Et la cause pour quoy ilz y furent si longuement, fut pour ce que le Roy et son conseil les vouloient accorder, afin qu'ilz ne combatissent point. Et pour ceste cause, furent par le Roy envoiez plusieurs ambassadeurs au séneschal, à fin qu'il voulsist estre content de non plus avant procéder en ceste matière. Ausquelz il respondi à toutes les foiz bien et sagement, disant que l'entreprinse avoit esté faicte à la requeste de Colemach, et qu'il estoit venu et ceulx de sa partie, de loingtain pays, à grant travail et despens, pour lui acomplir son désir, lequel, lui et les siens, vouloient contretenir. Finablement, après plusieurs paroles portées d'un costé et d'autre, fut conclud qu'ilz commenceroient ensemble la bataille, et lors furent faiz de par le Roy les cris acoustumez, et tantost après roy d'armes d'Arragon s'escria en hault : Que les champions dessusdiz feissent leur devoir. Et adonc

le

yssirent de leurs tentes aussi tost les ungs comme les autres, chascun d'eulx tenans leurs haches en leurs mains, et commencèrent à marcher l'un envers l'autre moult fièrement. Si avoient les Arragonnois ensemble proposé de assembler eulx deux de première venue sur le séneschal pour le ruer jus. Et estoient les deux parties tout de pié, et entendoient qu'il feust à l'un des boutz loing des autres, mais il estoit sur le mylieu. Et quant ce vint à l'aproucher, ledit séneschal s'avança devant les autres de trois à quatre pas, et assembla premier à Colemach, qui ce jour avoit esté fait chevalier de la main du Roy, et lui donna si grant cop de sa hache sur le costé de son bacinet, qu'il le fist desmarcher et tourner demy tour. Et les autres assem blèrent chascun endroit soy, tant d'une partie comme d'autre, très vaillamment. Toutesfoiz, messire Jaques de Montenay gecta sa hache jus, et print messire Pierre de Mouscade d'une main par le bort dessoubz les lames, et en l'autre avoit sa dague, dont il le cuida férir par dessoubz. Mais ainsi que toutes icelles parties montroient semblant de bien besongner, le Roy les fist prendre sus. Et pour vray, selon l'apparence qu'ou en povoit veoir, se la besongne se feust poursuye jusques à oultrance, les Arragonnois estoient en grant péril de en avoir le pire. Car ledit séneschal et ceulx qui estoient avecques lui, estoient moult puissans de corps et de bien, visitez et esprouvez en armes pour faire et acomplir tout ce qu'on leur eust peu ou sceu demander par quelconque manière que ce eust esté. Et après ce que lesdiz champions eurent esté prins sus, comme dit est, le Roy avala de son eschafault dedens les lices, et requist au séneschal et à Colemach

que le surplus des armes voulsissent mectre sur lui et sur son conseil, et qu'il en feroit tant que tous devroient estre contens. Et lors le séneschal, en soy mectant à ung genoil pria moult humblement au Roy que les armes se parfeissent selon la requeste de Colemach. A quoy le Roy répliqua en requérant de rechef que le surplus fust mis sur lui : ce qui fut accordé. Si print le séneschal par la main et le mist au dessus de lui, et Colemach de l'autre costé, et ainsi les mena lui-mesmes hors des lices, et de là retournèrent chascun en leurs hostelz, où ilz se désarmèrent. Et après le Roy envoia par ses principaulx chevaliers querir le séneschal et ses compaignons, ausquelz, par trois et quatre jours, il fist aussi grant honneur et récepcion en son hostel comme il eust peu faire de ses propres frères. Et après qu'il les eut accordez avec leur adverse partie, leur fist dons et beaulx présens. Et puis se départirent de là et retournèrent en France, et ledit séneschal, en Haynnau.

Ouquel temps, l'admiral de Bretaigne, le seigneur du Chastel et plusieurs autres chevaliers et escuiers, tant dudit pays de Bretaigne comme de Normendie, jusques à douze cens combatans ou plus, montèrent en plusieurs nefz au port de Saint-Malo, et se mirent en mer pour aler descendre au port de Terdrenne'. Mais

1. Dans l'original on peut lire également Terdrenne ou Terdremie. Le ms. 8345 donne Terdremue. L'édit. de Vérard, Tremue. Buchon qui lisait Tordrenne, dit qu'il a fait de vaines recherches pour trouver un port sur la côte d'Angleterre qui répondît à ce nom. Quant à l'édit. de 1572, elle donne Atemue. Le ms. Suppl. fr. 93 donne Tmue, avec un signe d'abréviation sur le t, qui fait lire Termue, dont à la rigueur on peut faire Darmouth. C'est

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