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sur les

Weures Gothiques

Imprimées à Paris

à la fin du ove siècle et au commencement du ovie.

Peu de temps après qu'Udalric Gering et ses deux associés eurent introduit à Paris l'invention miraculeuse de Gutenberg perfectionnée par Fust et Schoyffer, et y eurent ainsi fait succéder la régularité du composteur et l'économique célérité de la presse au travail si lent, si peu exact, et surtout si dispendieux des scribes et des rubriqueurs, les libraires de cette capitale songèrent à exploiter à leur profit un art qui, en simplifiant d'une manière si sensible la fabrication des livres, leur offrait une moisson aussi abondante que facile à recueillir. Comme ils cherchèrent d'abord à appliquer la typographie à des ouvrages d'un débit rapide, il semble qu'ils auraient dû commencer par les livres de prières à l'usage des fidèles de toutes les classes, que plus tard ils imprimèrent sous le titre d'Hora, ou sous celui d'Heures, et qui depuis long-temps formaient la principale branche de leur commerce; mais voici la difficulté qui retarda quelque temps l'impression de ces sortes d'ouvrages. Les livres de prières qui existaient alors en si grand nombre, étaient tous écrits sur vélin, décorés d'initiales peintes en or et couleur, et presque tous aussi enrichis de miniatures plus ou moins nombreuses et plus ou moins bien exécutées. C'était, au calendrier, des petits sujets délicatement peints, où figuraient les travaux, les occupations et les jeux analogues à chaque mois de l'année; aux fêtes mobiles, au propre des saints et à l'office des morts, se trouvaient de plus grandes miniatures représentant des sujets tirés de l'écriture-sainte, ou relatifs au mystère que l'on célébrait, ou à la vie du saint qu'on invoquait; on y voyait presque toujours figurer, par exemple, David et Betzabée, la résurrection de Lazare, l'adoration des mages, le martyre de saint Jean l'évangéliste, etc. On remarquait aussi dans une partie de ces manuscrits précieux des bordures plus ou moins variées, plus ou moins riches qui entouraient toutes les pages, et qui offraient ordinairement des fleurs, des oiseaux, des insectes et des arabesques gracieuses, où l'or se mariait habilement aux couleurs les plus vives. Ces riches

volumes étaient avec raison considérés comme des bijoux de prix, et se transmettaient par succession dans les familles, de génération en génération. Accoutumé qu'on était alors à lire ses Heures dans des livres ainsi décorés, comment aurait-on pu accueillir de simples productions typographiques entièrement dépourvues de ces ornemens devenus un accompagnement nécessaire de toute lecture pieuse? Pour réussir dans ce genre de fabrication, il fallut donc emprunter le secours de la gravure en bois qui commençait à se perfectionner, et reproduire autant que possible les dessins répandus dans les Heures manuscrites, et en décorer les imprimées. Simon Vostre, libraire, fut le premier à Paris qui réussit à allier ainsi la gravure à la typographie; et avec l'assistance d'un artiste que Papillon nomme Iolat, et celle de l'imprimeur Philippe Pigouchet, il commença à publier, dès l'année 1486, et peut-être même deux ans plus tôt, comme nous le verrons à l'article qui le concerne, ces Heures si remarquables par la beauté du vélin, la qualité de l'encre, et surtout par la variété des bordures, où à des arabesques les plus agréables, à des sujets grotesques les plus singuliers, succèdent alternativement des chasses, des jeux, des sujets tirés de l'écriture-sainte, ou même de l'histoire profane et de la mythologie, et enfin ces Danses des morts, imitées de la Danse macabre des hommes et des femmes, qui était alors dans toute sa vogue, et dont on admire encore la piquante expression. Ces bordures, qui sont d'ailleurs plus remarquables pour le fini de la gravure que pour le dessin, se composaient de petits compartimens qui se divisaient, se changeaient, se réunissaient à volonté, selon l'étendue et le format du volume où elles devaient figurer; en sorte que tout en employant presque toujours les mêmes pièces, il était cependant si facile de donner aux différentes éditions qu'on publiait une apparence de variété, qu'à peine en trouve-t-on deux qui se reproduisent exactement page pour page. Les grandes planches destinées à recevoir l'embellissement de la peinture sont en général moins terminées que les petites, mais on y reconnaît toujours un même faire.

Les Heures de Simon Vostre furent bien accueillies, et ce qui le prouve c'est que d'autres libraires cherchèrent à les imiter, et y parvinrent avec plus ou moins de bonheur. A cette époque parurent donc des productions du même genre chez Ant. Verard, déjà si célèbre par la publication de ses grands volumes de chroniques, de romans de chevalerie, etc., chez Thielman Kerver, chez Gilles et Germain Hardouin, chez Eustace et chez d'autres que nous aurons occasion de nommer ci-après. C'est ainsi que la fabrication des Heures devint une industrie toute parisienne, ou que du moins on ne cultiva nulle part avec autant de succès qu'à Paris; c'est ainsi que pour cet objet la France

toute entière, une partie des Pays-Bas, et l'Angleterre elle-même demeurèrent pendant assez long-temps tributaires des presses de la capitale.

Cependant, des productions si remarquables sous le rapport des gravures en bois, et qui, dans les poésies qui accompagnent ces mêmes gravures, portent si bien le cachet de l'époque qui les a vus naître, ont été presque entièrement négligées dans le dix-septième siècle et dans le dix-huitième : devenues alors tout-à-fait inutiles sous le rapport liturgique, et trop répandues pour pouvoir être comptées parmi les livres rares et précieux, ce ne furent guère que les exemplaires richement décorés de peintures qui trouvèrent place dans les cabinets des curieux, et seulement parmi les curiosités du second ordre. Il ne fallait rien moins que la révolution qui depuis quelques années s'est opérée dans la littérature et dans les arts, pour ramener le public au genre gothique, et pour donner une nouvelle importance aux livres qui nous occupent. Plus recherchées, examinées avec plus de soin, et surtout mieux appréciées, ces singulières productions sont devenues un sujet d'admiration pour les artistes et pour les plus habiles connaisseurs. A l'appui de ce que nous avançons, laissons parler ici un bibliographe anglais, qui a consacré cent pages au moins du plus intéressant de ses ouvrages à décrire les anciennes Heures imprimées à Paris, et à en figurer, avec une exactitude scrupuleuse les plus curieux ornemens. Voici donc comme s'exprime M. Dibdin à la page 7 de la seconde journée de son Bibliographical Decameron : « Let us « however... suppose that some spirited Collector, or a select com<<mittee of the Roxburghe Club, schould unite their tastes and pur«ses, to put forth, from the SHAKSPEARE PRESS an octavo volume « of prayers from the liturgy, decorated in a manner similar to what << we observe in the devotional publications just alluded to-do you « think the attempt would be sucessfull? In other words, where are « the ink and vellum which can match with what we see in the Missals « of old? The doubtful success of such an experiment would render «< it extremely hazardous; even were it not attended with, what may « be called, an immensity of expense. Welcome therefore, again, I « exclaim, the rich and fanciful furniture which garnishes the texts " of early printed books of devotion.... »

Ces impressions parisiennes, dont les étrangers sont les premiers à reconnaître toute la supériorité, devaient naturellement occuper une place un peu étendue dans un ouvrage de bibliographie consacré à toutes les curiosités typographiques, et imprimé à Paris; nous nous en sommes occupés d'autant plus volontiers que personne avant nous n'avait cherché à en donner une liste tant soit peu complète. M. Dib

din, dans l'ouvrage que nous venons de citer, ne les a considérées que sous le point de vue qu'admettait son plan, et M. Peignot, à qui nous devons sur le même sujet des détails curieux consignés dans ses Recherches sur les danses des morts, s'est borné à cinq ou six éditions qu'il avait sous les yeux, ou qu'il a décrites d'après la notice qu'en a donnée M. Raymond dans le Magasin encyclop. (1814, tome V). Nous conviendrons néanmoins que les deux excellens catalogues de livres imprimés sur vélin, dont M. Van-Praet a enrichi la bibliographie, nous ont fourni un grand nombre de renseignemens exacts et curieux que nous aurions vainement cherchés ailleurs : c'est encore, nous aimons à le répéter, à l'extrême obligeance de ce célèbre bibliothécaire que nous devons la communication des exemplaires nombreux et variés de ces Heures que possède la Bibliothèque du roi : ce qui nous a mis à même de donner à leur sujet des détails qu'on ne trouvera peut-être pas sans utilité. Notre travail sera divisé en autant de paragraphes qu'il y a eu de libraires ou d'imprimeurs distingués dans ce genre de publications, en commençant par Simon Vostre ; et nous réunirons en un dernier article toutes les Heures qui n'appartiennent à aucune des classes précédentes, en gardant toujours l'ordre chronologique de leur publication. Presque toutes les Heures que nous allons décrire étant imprimées sur VÉLIN, nous avons cru inutile de le répéter à chaque article, et il nous a paru plus simple au contraire de faire remarquer celles que nous ne connaissons que sur papier.

I. Simon Dostre.

Le nom de Simon Vostre, qui commence à paraître dès l'année 1484, ne se trouve plus après 1520. Ce libraire a-t-il publié quelque chose depuis cette époque? Nous l'ignorons, mais nous remarquons qu'en 1522 Nicole Vostre lui succède, rue neuve notre-dame, à l'enseigne sainct Jehan l'euangeliste, où il avait demeuré pendant tout le temps qu'il exerça son commerce. Vostre dont nous allons indiquer un si grand nombre de publications pienses, s'est servi jusqu'en 1502, au moins, des presses de Philippe Pigouchet, et nous voyons qu'en 1506 il fit imprimer des Heures de la Vierge chez Wolfgang Hopyl. Il n'était donc pas imprimeur dès l'année 1500, comme l'ont dit La Caille et Lottin; nous sommes même portés à croire qu'il ne l'a jamais été, car nous trouvons dans presque toutes ses éditions, jusqu'à la fin, imprimé pour Simon Vostre, et jamais imprimé par. Le missel de Paris, im primé en 1497, in-fol., per Udalricum Gering et Berchtoldum Renbolt, l'a été expensis honesti viri Simonis Vostre... librarii. Celui de 1504, également in-fol., est sorti des presses de Wolfg. Hopyl, impensis ac sumptibus Symonis Vostre; et le missel romain de 1517, in-fol., a été donné par Sim. Vostre, en société avec Thielman Kerver, qui était imprimeur. L'Exposition de la reigle monsieur sainct Benoist, in-fol. de 175 f. à 2 col., caract. goth.,

sans date, a été impr. par Pierre Vidoue pour Simon Vostre (après 1510, mais l'ouvrage a été écrit en 1480). Enfin, La Caille lui-même nous apprend que Vostre a fait imprimer, en 1512, une Bible latine in-fol., chez Phil. Pigouchet. Par ces exemples, et par beaucoup d'autres que nous pourrions citer, on voit que Simon Vostre n'a pas borné son commerce aux seules Heures; mais c'est dans ce genre de publication seulement qu'il l'a emporté sur tous ses concurrens. Nous devons à son goût éclairé les charmantes bordures en arabesque qui décorent toutes ses Heures, et les jolies petites figures qu'offrent ces mêmes bordures. D'abord peu variées, mais déjà fort remarquables dans les éditions données par lui vers 1488, ces bordures présentaient dès lors une suite de petits sujets qui, peu à peu, se multiplièrent assez pour qu'il pût enfin se dispenser de répéter plusieurs fois de suite les mêmes planches, comme il avait été obligé de le faire dans l'origine, et même pour les varier d'une édition à l'autre. Dans celles qui parurent un peu après 1488, nous remarquons l'histoire de J.-C. et de la Vierge, l'histoire de Suzanne et de l'Enfant prodigue, les 15 signes de la fin du monde, les vertus théologales et cardinales personnifiées, et surtout la Danse des morts que Vostre a employée depuis dans toutes ses éditions : l'Histoire de Joseph et les douze Sibylles y furent ajoutées vers 1501, les Miracles Nostre-dame, vers 1506; et, à peu près dans le même temps, l'apocalypse y fut réunie, ainsi que le triomphe de César. C'est vers 1510 que parurent, pour la première fois, les accidents de l'homme, faisant suite à la danse des morts; enfin, deux ans plus tard, nous trouvons la vie de Tobie et celle de Judith qui figurent encore en 1520. Toutes ces suites sont ordinairement accompagnées d'un texte fort court, en latin, ou de quelques vers français d'une naïveté remarquable, et où se lisent des mots qu'on est fort surpris de trouver dans un livre de piété, et qu'on n'oserait plus imprimer en toutes lettres, maintenant, même dans les ouvrages les plus mondains. Voilà peut-être ce qui contribue le plus à faire rechercher aujourd'hui ces singulières productions, et ce qui en augmentera le prix à mesure que nous nous éloignerons davantage de l'époque de leur publication. Les exemplaires les plus curieux, à notre avis, sont ceux qui renferment un plus grand nombre de ces pieux quatrains, et qui réunissent la plus grande partie des petites suites que nous venons de signaler. Sous ce rapport, les éditions publiées de 1512 à 1520 méritent la préférence; mais, d'un autre côté, pour le choix des épreuves, pour la variété des arabesques, pour la beauté du tirage, les éditions données vers 1500 l'emportent sur les dernières. C'est là un avantage que ne négligeront ni les artistes ni les amateurs d'anciennes gravures en bois, et qu'ils trouveront surtout dans les exemplaires en grand format, que nous leur conseillons de choisir non enluminés.

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