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l'exorde d'une horrible tempête; mais admirez l'opposition du dernier hémistiche; quel art profond! quel heureux accord de sons précipités! et chaque éclair qui sort. Ne semble-t-il pas qu'on entende ici le cliquetis de l'orage, la crépitation de la flamme et le pétillement de l'éclair?

De bonne foi, je crois ne mériter sur ce passage ni éloge ni blâme. En fait d'harmonie imitative, les poètes sont le plus souvent innocens de leurs défauts et surtout de leurs beautés.

NOTE 6.

Talia voce refert: O terque quaterque beati.
Il s'écrie: O trois fois et quatre fois heureux.

Trois fois, pour un nombre indéfini, est une quantité en usage dans nos figures de style. Les Latins disaient aussi quatre fois, pour exprimer un nombre indéterminé. Il importe de rendre exactement ces détails, afin d'introduire le lecteur dans les habitudes de langage familières aux anciens.

Ce vers me fournit l'occasion de faire remarquer les fréquentes aberrations de l'extrême science. Macrobe, qui passe avec raison pour un homme très érudit, prétend, au sujet de ce vers, que Virgile ne fait pas dire à son héros:

O trois fois et quatre fois heureux ! mais que le véritable sens est celui-ci : ô sept fois heureux! et cela, parce que Virgile dit trois fois et quatre fois, ce qui donne tout juste par addition le nombre sept. Voilà le fruit de l'érudition; que ferait de plus l'ignorance?

NOTE 7.

Quos ego!

Je vous!... Mais hâtons-nous de calmer ces orages.

Malherbe pensait qu'au lieu de quos ego, il fallait lire : vos ego, parce que dans ce passage l'apostrophe de Neptune aux vents est directe. Je ne suis pas éloigné de cette opinion; il est vrai que ce quos a quelque chose de vague et de passionné qui ressort mieux de la situation. Quoi qu'il en soit, cette fameuse réticence du quos ego a fait le désespoir de tous les traducteurs. Saint-Gelais a dit: Ha! j'en feray! Tredehan, Lesquels je! Louys Desmazures, Si je vous prends, je vous! le cardinal Duperron, Que si! La Mothe du Tertre, Si je vous prends ! les frères d'Agneaux, Que si je vous ! Perrin, Si je! Scarron, Par la mort ! Segrais, Insolens! Fontaine de Saint-Fréville, Je vous ! Delille, Je devrais ! Gaston, Et je vais ! Duchemin, Je devrais ! Becquey, Je devrais ! et Julien Bonhomme, Té

méraires, je vous! De toutes ces manières, aucune ne rend l'énergique concision du texte. Il faut en accuser moins l'impuissance des traducteurs que celle de leur langue.

NOTE 8.

Ac veluti magno in populo quum sæpe coorta est
Seditio.

Ainsi, quand se révolte une puissante ville,
Quand frémit de courroux la populace vile.

Le but de toute comparaison est d'éclaircir une image et de lui donner plus de force en la mettant davantage en relief. C'est pour cela que le sujet en est pris d'ordinaire dans une nature matérielle et familière au lecteur. Virgile a grand soin de pratiquer cette règle en choisissant les siennes dans l'ordre des choses physiques. Cette fois pourtant il déroge à ses habitudes, en puisant celle-ci dans l'ordre moral; mais elle est si juste, si pleine, si belle d'expression, qu'elle ne nuit pas à la clarté du passage, et ne fait que rehausser le magnifique tableau de Neptune apaisant les mers.

On remarquera, de plus, que dans leurs comparaisons les anciens se contentaient d'une analogie générale entre les deux choses rapprochées, et ne s'attachaient pas

comme nous à leur donner une minutieuse coïncidence sur tous les points. Ils peignaient largement et sans recherche, tandis que nos images sentent l'affectation; ils embrassaient les objets d'un haut point de vue, et nous les examinons avec la loupe.

Olli subridens.....

NOTE 9.

Alors lui souriant de ce front gracieux
Qui calme la tempête et sereine les cieux.

Quand Virgile entreprit son Énéide, son but n'était pas seulement de faire un poëme sur Enée ; il voulait aussi par ce poëme flatter l'orgueil des Romains et celui d'Octave, en prophétisant la fondation de Rome et la gloire future de son maître. Mais avec ce goût admirable qui ne l'abandonne jamais, le grand poète s'est bien gardé de s'égarer dans des divagations qui eussent ralenti la marche de son épopée. Voici comment Segrais développe cette remarque profonde :

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N'ayant pu éviter, dit-il, de toucher ce sujet assez am

plement, du moins il s'est bien gardé de le traiter tout « à la fois, comme ceux qui ont fait des livres entiers des louanges de leur Mécène et de ses ancêtres. Quand « tout ce que Virgile a dit des Césars et des plus illustres

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« des Romains serait ramassé ensemble, il ne contien«drait guère plus de deux cents vers; cependant, ayant

"

jugé que cela ferait languir sa narration s'il les mettait

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<< tout de suite, il a divisé cette matière en trois lieux dif«férens. On le voit dès le premier livre, où, par une « adresse inimitable, comme pour ouvrir la scène, et flatter d'abord son prince en la personne de son père, et « célébrer la paix qu'il donnait lui-même à toute la terre, «< il feint si judicieusement que Jupiter, pour consoler « Vénus des longues traverses d'Enée, lui prédit la nais« sance de César, sa gloire et le bonheur de cette pro« fonde paix. — Si, dans le sixième livre, Anchise montre « à son fils les grands personnages qui doivent tirer leur origine de son sang, il en réserve les actions pour le << bouclier de Vulcain, et surtout la célèbre bataille d'Ac«tium qu'il dut considérer comme la plus grande gloire <<< de son maître. »

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NOTE 10.

Inde lupa fulvo nutricis tegmine lætus

Romulus excipiet gentem.....

Sous une fauve louve étendu sans effroi,

Nourri de sa mamelle, un d'eux deviendra roi.

Je n'ai pas compris ce passage comme ceux qui m'ont

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