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précédé. Servius dit: FULVO TEGMINE, id est, pelle lupa; qua utebatur more pastorum. Et après lui, tous ceux qui ont commenté ou traduit, soit en prose, soit en vers, se sont réglés sur cette interprétation. La version qu'ils ont suivie jusqu'à ce jour est donc celle-ci : « Fier de porter la dépouille fauve de la louve, sa nourrice, Romulus recevra le sceptre, etc., etc. » Ils supposent vraisemblablement que Romulus était toujours vêtu d'une peau de louve et qu'il était joyeux de porter cet habillement. Voici le sens que j'adopte comme plus poétique et plus naturel : « Ensuite Romulus, après s'être joué sans effroi sous le corps d'une louve, sa fauve nourrice, deviendra le chef de cette nation. » Le point de cette dissidence est dans le mot tegmine. On lui a attribué la signification de tegmentum ou tegumentum, qui exprime effectivement une couverture, une enveloppe, un vêtement. Quant à moi, j'entends par legmen, un abri, une toiture, un ombrage quelconque; je l'applique ici dans le sens que lui donne Virgile lui-même dans son premier vers des Bucoliques: Sub tegmine fagi; personne n'a jamais prétendu pour cela que Tityre fût habillé de feuilles de hêtre. Le poète a, ce me semble, voulu peindre, par cette image, Romulus couché sans crainte sous le ventre de la louve qui lui sert d'abri, de tegmen.Et remarquez bien l'expression lætus, qui fait ressortir la tranquillité de l'enfance sous les mamelles de cette terrible nourrice. Lætus n'aurait pour ainsi dire aucun sens en traduisant le

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tegmen par robe ou habillement. Si Virgile avait voulu exprimer que Romulus s'honorait de porter la peau de sa nourrice, il eût probablement mis superbus ou tout autre mot qui aurait mieux rendu sa pensée, et non lætus, qui ramène l'esprit à un tableau de douceur et de grâce.

NOTE 11.

Huic conjux Sychæus erat, ditissimus agri
Phoenicum et magno misera dilectus amore;
Cui pater intactam dederat, primisque jugarat
Ominibus.

L'hymen la donna vierge à l'opulent Sychée
Qui d'un immense amour se l'était attachée;
Hélas! Bélus son père, avant de les unir,
Sur des présages faux crut lire l'avenir.

Si j'avais eu le courage de froisser coup sur coup l'autorité de mes devanciers, j'aurais rendu d'une manière différente le dernier vers:

Cui pater intactam dederat, primisque jugarat

Ominibus....

A l'égard de ce passage, comme de celui que j'ai signalé

dans la note précédente, je crois fermement qu'on s'est pleinement mépris sur le vrai sens du texte. Virgile a voulu désigner ici l'âge nubile de Didon; il dit que son père la donna à Sychée vierge, et sur les premiers indices de sa puberté. Ces deux idées ont trop de connexité pour croire qu'on ait voulu les séparer par un autre sens. Cui pater intactam dederat; et de suite, primisque jugarat ominibus! C'est une autre manière d'exprimer le jam matura viro. La seconde partie du vers latin est ici le complément du commencement. Intactam! voilà d'abord pour la virginité de Didon; mais cela ne suffisait pas, car on aurait fort bien pu donner pour femme à Sychée une vieille vierge ; il fallait de plus constater son âge, et telle doit être l'intention de primis ominibus. En effet, quand Didon épousa Sychée, elle avait à peine quinze ans; c'est ce que Virgile a voulu exprimer, sans aucun doute. Voici donc une ébauche de la traduction qu'on pourrait adopter sur cette explication nouvelle :

Vierge elle fut unie à l'opulent Sychée,
De l'enfance impubère à peine détachée ;
Et son père Bélus lui donna de sa main

Cet époux qu'elle aimait d'un amour surhumain.

Cette interprétation me paraît beaucoup plus logique que celle qui va chercher la consultation des présages; et bien que cette coutume fût générale chez les

peuples de l'antiquité, surtout avant les affaires importantes de la vie, je ne trouve pas un rapport assez immédiat entre les deux parties de ce vers pour admettre ces deux pensées distinctes. Il y a d'ailleurs ce primis qu'on ne m'expliquera jamais bien, en admettant les présages ou · auspices: pourquoi primis? Si les présages avaient été trompeurs, n'est-il pas vraisemblable que Virgile l'eût indiqué, non pas par primis qui est insignifiant, mais par d'autres adjectifs tels que falsis, ou dubiis ?

Je le répète, malgré mon opinion presque arrêtée, j'ai été subjugué par l'exemple, et j'ai eu la timidité de traduire comme les autres. C'est bien le cas de m'appliquer le video meliora, etc.

J'espère néanmoins que cette remarque attirera l'attention des hommes érudits; et peut-être serai-je assez heureux pour en convertir quelques-uns à mon sentiment.

NOTE 12.

Adspice bis senos lætantes agmine cycnos. Contemplez donc aux cieux ces douze cygnes blancs.

Le compte de Virgile est juste, et le lecteur peut voir clair dans la flotte d'Énée. Il est parti de Troie avec vingt vaisseaux, comme il l'a dit lui-même:

Bis denis Phrygium conscendi navibus æquor.

Celui d'Oronte a péri corps et biens; il en reste dix-neuf, dont sept sauvés par Énée, et les douze qui doivent bientôt entrer dans le port,

NOTE 13.

Et vera incessu patuit dea.

Et la fille des cieux se trahit en marchant.

Ce serait commettre un contresens que de rendre l'incessus par le port ou le maintien; de dire, par exemple, que son port révèle une déesse; car il y avait chez les anciens des hommes, des héros, qui avaient la taille et le port des immortels : Os humerosque deo similis. Mais il ne leur était pas donné d'en avoir la démarche. L'action de marcher s'opérait chez les dieux, non par le mouvement alternatif des pieds, mais par un glissement de la forme entière; ils avançaient sans faire des pas comme les hommes.

NOTE 14.

Ami, voilà Priam! nos gloires, nos douleurs, Trouvent donc même ici des lauriers et des pleurs.

Sunt lacryma rerum! Voilà ce qu'il fallait rendre, et ce qu'on cherche en vain dans cette faible traduction. Voilà

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