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Immolait à Neptune un taureau solennel ' ;

Tout à coup,
Partis de Ténédos sur les ondes tranquilles,
S'alongent déroulés en immenses anneaux,
Et d'un élan pareil gagnent le bord des eaux;
Leur crête ensanglantée et leur haute poitrine
Dépassent le niveau de la plaine marine;

ô terreur! voilà que deux reptiles

Le reste de leur corps se recourbe en nageant,
Et trace dans les flots un long sillon d'argent.
Ils atteignent la rive en soulevant l'écume;
Leurs yeux gonflés de sang, que la colère allume,
Font jaillir contre nous un flamboyant regard,
Et leur gueule sifflante agite un triple dard.
Nous fuyons pleins d'horreur; eux, sur la même ligne,

Droit vers Laocoon que leur rage désigne,

S'avancent, et d'abord, collés à ses enfans,

Les enlacent tous deux de leurs noeuds étouffans,

Et plongent dans leur chair des gueules affamées;
Le père, à cette vue, accourt les mains armées;
Mais déjà les serpens sur lui se sont étreints;
Deux fois autour du cou, deux fois autour des reins,

L'un et l'autre ont serré leurs croupes arrondies,

[V. 224.

Taurus, et incertam excussit cervice securim.
At gemini lapsu delubra ad summa dracones
Effugiunt, sævæque petunt Tritonidis arcem;
Sub pedibusque deæ clypeique sub orbe teguntur.

Tum vero tremefacta novus per pectora cunctis
Insinuat pavor; et scelus expendisse merentem
Laocoonta ferunt, sacrum qui cuspide robur
Læserit, et tergo sceleratam intorserit hastam.
Ducendum ad sedes simulacrum, orandaque divæ
Numina, conclamant.

Dividimus muros, et moenia pandimus urbis.
Accingunt omnes operi, pedibusque rotarum
Subjiciunt lapsus, et stuppea vincula collo

Intendunt. Scandit fatalis machina muros,

Et lèvent sur son front leurs deux têtes raidies.

Lui, les bandeaux souillés de sang et de poison,,
Écarte avec ses mains sa vivante prison

Et se tord de douleur dans ces longues spirales
En poussant vers les cieux des clameurs gutturales.
Tel mugit un taureau dont la hache, en glissant,
Sans abattre son front, a fait couler le sang.
Enfin, les deux dragons, d'une course rapide",
Remontent vers le temple où Minerve préside,
S'enfoncent vers l'autel, et vont se replier
Aux pieds de la déesse et sous son bouclier.

Alors, dans tous les cœurs l'épouvante se glisse;
Tous de Laocoon approuvent le supplice:
Sacrilége! c'est lui dont le bras forcené
Blessa d'un javelot le cheval profané!

Il faut fléchir Pallas et prier autour d'elle,

Il faut à son offrande ouvrir la citadelle.

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On coupe donc les murs, on abat le rempart :
Tous à ce saint travail sont fiers de prendre part:
Sous chacun de ses pieds on élève une roue,

A son cou gigantesque un long câble se noue,

Feta armis pueri circum innuptæque puellæ

Sacra canunt, funemque manu contingere gaudent. Illa subit, mediæque minans illabitur urbi.

O patria! o divum domus Ilium! et inclyta bello
Moenia Dardanidum! quater ipso in limine portæ
Substitit, atque utero sonitum quater arma dedere.
Instamus tamen immemores, cacique furore,

Et monstrum infelix sacrata sistimus arce.
Tunc etiam fatis aperit Cassandra futuris
Ora, dei jussu non umquam credita Teucris.
Nos delubra deum miseri, quibus ultimus esset
Ille dies, festa velamus fronde per urbem.

Vertitur interea coelum, et ruit oceano nox,
Involvens umbra magna terramque, polumque,
Myrmidonumque dolos: fusi per moenia Teucri
Conticuere; sopor fessós complectitur artus.

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Et, portant une armée entre ses flancs obscurs,

La fatale machine escalade les murs.

Nos vierges, nos enfans, chantent des hymnes saintes; Heureux qui du cordage a reçu les empreintes!

Il entre, il entre enfin le colosse odieux.

O Troie, ô ma patrie, ô demeure des Dieux!
Ville de Dardanus si guerrière et si forte!
Quatre fois en passant sur le seuil de la porte,
Le cheval monstrueux s'arrête, et quatre fois
Un bruit d'armes sortit de ses sombres parois:
C'est en vain; le délire a fasciné notre ame;
Le désastreux colosse est placé dans Pergame.
Cassandre prophétise à grands cris, mais toujours
Apollon à sa voix rendit les Troyens sourds;
Et nous pour qui déjà le dernier jour s'apprête,
Nous parons les autels de guirlandes de fête.

Cependant le ciel tourne, et s'élançant des eaux,

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La nuit ensevelit dans ses vastes réseaux

Et la terre et le pôle et la fraude ennemie.
Aucun bruit ne sort plus de Pergame endormie,
Et les Troyens lassés, sous leurs paisibles toits

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