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Plus loin sont les autels de Junon Lacinie,

L'écueil de Scylacée et l'âpre Caulonie.

Puis vers la Trinacrie où l'Etna sort des flots,
Nous entendons la mer poussant ses longs sanglots,
Le cri sourd de l'écueil où l'écume se traîne,
Et la vague en fureur qui tourmente l'arène.
Et mon père : « Voilà Charybde et les rochers
« Dont la voix d'Hélénus effraya les nochers;
Fuyez, ô mes amis, courbez-vous sur les rames! >>
A ces mots, Palinure, en refoulant les lames,
Tourne la proue à gauche; et de leur forte main,
Nos rameurs, grâce au vent, nous ouvrent un chemin.
Nous montons jusqu'au ciel sur les humides voûtes,
Nous tombons aux enfers par les vagues dissoutes.
Trois fois la mer rugit à travers les brisans,
Trois fois la blanche écume et ses jets reluisans
Descendent en rosée en tombant des étoiles.
Les vents et le soleil abandonnent nos voiles;
Incertains de la route, après de longs efforts,
Des Cyclopes voisins nous atteignons les bords.
Leur port vaste jouit d'un calme monotone;
Mais l'Etna le domine avec sa voix qui tonne;

Attollitque globos flammarum, et sidera lambit:
Interdum scopulos avulsaque viscera montis
Erigit eructans, liquefactaque saxa sub auras
Cum gemitu glomerat, fundoque exæstuat imo.
Fama est Enceladi semiustum fulmine corpus
Urgeri mole hâc, ingentemque insuper Ætnam
Impositam ruptis flammam exspirare caminis;
Et, fessum quoties mutet latus, intremere omnem
Murmure Trinacriam, et coelum subtexere fumo.

Noctem illam tecti silvis immania monstra
Perferimus; nec, quæ sonitum det causa, videmus:
Nam neque erant astrorum ignes, nec lucidus æthra
Siderea polus; obscuro sed nubila cœlo;

Et lunam in nimbo nox intempesta tenebat.
Postera jamque dies primo surgebat Eoo,
Humentemque Aurora polo dimoverat umbram;

Tantôt vous le voyez, exhalant dans les airs

La cendre, la vapeur, le soufre et les éclairs,

Léchant le front des cieux de sa langue de braise; Tantôt, il hurle au fond de la sourde fournaise,

Puis lance par

bouillons et vomit de ses flancs

Ses entrailles, ses blocs fondus et ruisselans.
On dit qu'à cette place, au centre de la terre,
Encelade, à demi brûlé par le tonnerre,

Est couché haletant; que ses vastes poumons Soufflent la flamme ardente et crevassent les monts;

Et

que toutes les fois que sur son lit de soufre

Le Titan fatigué tourne son flanc qui souffre,

La Sicile chancelle en son vaste contour,

Et de noires vapeurs obscurcissent le jour.

Cette nuit nous errons sous un bois solitaire,
Et ces bruits effrayans sont pour nous un mystère;
Car dans les cieux éteints aucun astre ne luit,
Et la lune se perd dans cette opaque nuit.
Dès que l'aube première a coloré la nue',

Tout à coup sort des bois une forme inconnue

D'homme livide, osseux, ombre des traits humains;

Quum subito e silvis, macie confecta suprema,
Ignoti nova forma viri, miserandaque cultu,
Procedit, supplexque manus ad littora tendit.
Respicimus: dira illuvies, immissaque barba,
Consertum tegumen spinis; at cetera Graius,
Ut quondam patriis ad Trojam missus in armis.
Isque ubi Dardanios habitus et Troia vidit
Arma procul, paulum adspectu conterritus hæsit,
Continuitque gradum; mox sese ad littora præceps
Cum fletu precibusque tulit: Per sidera testor,
Per superos, atque hoc cœli spirabile lumen,
Tollite me, Teucri; quascumque abducite terras,

Hoc sat erit. Scio me Danais e classibus unum,
Et bello Iliacos fateor petiisse Penates.

Pro quo,

si sceleris tanta est injuria nostri,

Spargite me in fluctus, vastoque immergite ponto.
Si pereo, hominum manibus periisse juvabit.

Dixerat; et, genua amplexus, genibusque volutans,
Hærebat. Qui sit, fari, quo sanguine cretus,
Hortamur; quæ deinde agitet fortuna, fateri.
Ipse pater dextram Anchises, haud multa moratus,
Dat juveni; atque animum præsenti pignore firmat.

Il marche en étendant de suppliantes mains;
Son visage est hagard, sa barbe hérissée,
Sa robe en noirs lambeaux et d'épines percée;
Le reste annonce un Grec, un de ceux qu'autrefois
Sous les murs de Pergame entraînèrent cent rois.
A l'aspect des Troyens, à l'aspect de leurs armes,
Il s'arrête interdit; puis, les yeux tout en larmes,
Il court vers le rivage : « O Troyens! par les Dieux!
« Par·les astres, par l'air et la clarté des cieux!

<< Tirez-moi de cette île; oh! faites que j'en sorte; «< Puis, menez-moi partout où vous voudrez, n'importe. <«< Je suis Grec, je le sais, je sais qu'avec les miens << Je vins porter la guerre aux Pénates troyens;

« S'il n'est point à vos yeux de pardon pour ce crime,

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Plongez-moi dans les flots au sein du vaste abîme:

<< Mourir des mains de l'homme est un sort qui m'est doux.»

Le malheureux rampait en serrant nos genoux;

On l'exhorte à parler; quel est son nom, sa race,
Quel destin lui valut ce comble de disgrâce.
Mon père même, ému d'horreur et de pitié,
Tend la main au jeune homme en gage d'amitié

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