Oh! donne-moi ta main et que ma main la tienne! << Permets-moi d'échanger ma voix avec la tienne! >>
Cependant vers Carthage ils pressaient leur chemin ; Mais de peur qu'un regard, qu'une indiscrète main, Qu'un discours importun ne trouble leur voyage, La déesse autour d'eux épaissit un nuage, Enveloppe leur corps d'un vaporeux contour; Puis, elle prend son vol vers ce calme séjour Où les fleurs de Paphos mêlent leurs doux arômes A l'encens de Saba qui fume sous ses dômes.
Ils marchaient donc, suivant le sentier conducteur; Tout à coup, au moment d'atteindre une hauteur, Carthage avec ses tours au héros se présente: Il contemple étonné cette masse imposante Qui s'élève où rampaient d'humbles chaumes épars; Il admire long-temps ces portes, ces remparts, Ce mouvement, ce bruit sur les routes pavées, Ces roches de granit par cent bras soulevées; Tout s'agite : les uns se pressent de bâtir La haute citadelle et les longs murs de Tyr;
D'autres de leurs foyers tracent déjà l'enceinte;
Rupibus excidunt, scenis decora alta futuris. Qualis apes æstate nova per æstate nova per florea rura Exercet sub sole labor, quum gentis adultos Educunt fetus; aut quum liquentia mella
Stipant, et dulci distendunt nectare cellas;
Aut onera accipiunt venientum; aut, agmine facto, Ignavum fucos pecus a præsepibus arcent.
Fervet opus, redolentque thymo fragrantia mella.
O fortunati, quorum jam monia surgunt! Æneas ait; et fastigia suspicit urbis.
Infert se sæptus nebula, mirabile dictu,
Per medios, miscetque viris; neque cernitur ulli.
Lucus in urbe fuit media, lætissimus umbræ Quo primum jactati undis et turbine Poeni
Ici, l'on dresse un temple à la Justice sainte;
Plus loin on creuse un port; ceux-là dans le ciment Des théâtres publics posent le fondement,
Et taillent dans le roc l'immense architecture Qui servira de frise à la scène future.
Telles, parmi les fleurs qu'épanouit le ciel, Des abeilles sans nombre, élaborant le miel, Enseignent leur science à leurs jeunes émules, Ou d'un nectar doré tapissent leurs cellules, Ou changent en rayons ces liquides trésors, Ou viennent recevoir les fardeaux du dehors, Ou, devant leur palais se serrant en cohortes, Aux frelons paresseux en défendent les portes: Tout est chaud d'industrie, et l'atelier commun Du thym de la colline exhale le parfum.
C'est ainsi qu'au héros Carthage se révèle :
<< Heureux les fondateurs d'une ville nouvelle! »
Dit-il; et conservant son voile aérien, Invisible, il se mêle au peuple tyrien.
Un bois sacré s'élève au centre de Carthage, Asile où ses enfans, préservés du naufrage,
Effodere loco signum, quod regia Juno
Monstrarat, caput acris equi; sic nam fore bello Egregiam et facilem victu per sæcula gentem. Hic templum Junoni ingens Sidonia Dido Condebat, donis opulentum et numine divæ : Ærea cui gradibus surgebant limina, nexæque Ære trabes, foribus cardo stridebat ahenis.
Hoc primum in luco nova res oblata timorem
Leniit hic primum Æneas sperare salutem
Ausus, et afflictis melius confideré rebus.
Namque, sub ingenti lustrat dum singula templo, Reginam opperiens, dum, quæ fortuna sit urbi, Artificumque manus inter se, operumque laborem, Miratur, videt Iliacas ex ordine pugnas,
Bellaque jam fama totum vulgata per orbem; Atridas, Priamumque, et sævum ambobus Achillem. Constitit; et lacrymans, Quis jam locus, inquit, Achate, Quæ regio in terris nostri non plena laboris ? En Priamus: sunt hic etiam sua præmia laudi,
Sunt lacrymæ rerum, et mentem mortalia tangunt.
Par les soins de Junon, trouvèrent en creusant La tête d'un coursier, symbolique présent, D'abondance et de gloire emblème prophétique. C'était là que Didon, sur un large portique Édifiait un temple à la reine des Dieux,
Riche de sa statue et de dons radieux;
L'airain y reluisait au seuil, aux voûtes fortes, Et sur des gonds d'airain criait l'airain des portes.
Énée est arrivé sous ces vastes abris,
Et cette vue endort ses souvenirs aigris, Et l'espoir du bonheur rend son ame sereine ; Là, tandis qu'il admire, en attendant la reine, Et ce vaste édifice, et la ville et ses tours, Et de tant de travaux le merveilleux concours, O surprise! il s'arrête; il voit sur les murailles Le long siége de Troie et ses grandes batailles, Agamemnon, Priam, et superbe auprès d'eux, Achille qui coûta des larmes à tous deux.
<< Oh! dit-il en pleurant, quelle ingrate mémoire,
« Quel lieu sous le soleil n'est plein de notre histoire?
«< Ami! voilà Priam! Nos gloires, nos douleurs
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