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« Tu te raidis en vain sous l'effort des autans;

« Laisse courir la voile où le hasard la pousse.

« Pour mes vaisseaux et moi quelle terre est plus douce «Que celle où règne Aceste, un Troyen, notre ami, « Et qui sous un tombeau garde Anchise endormi? >> Alors, s'abandonnant à l'orage indocile, La flotte sans effort cingle vers la Sicile, Franchit les vastes mers d'un élan soutenu, Et vient mouiller enfin sur un sable connu.

Du haut d'une colline Aceste plein de joie
Reconnaît ses amis et les vaisseaux de Troie ;
Ceint de la peau d'une ourse, armé de javelots,
Il vole au devant d'eux sur la rive des flots.

Issu d'une Troyenne et du fleuve Crinise
Avec ses alliés le vieux roi fraternise,
Accueille leur retour par des soins complaisans
Et prodigue à leurs maux ses rustiques présens.

Le lendemain, sitôt que fuit l'ombre étoilée,
Debout sur le rivage, à la foule assemblée
Le héros parle ainsi : « Troyens, enfans des Dieux!

Dardanidæ magni, genus alto a sanguine divum,

Annuus exactis completur mensibus orbis,

Ex quo reliquias divinique ossa parentis
Condidimus terra, mæstasque sacravimus aras.

Jamque dies, ni fallor, adest, quem semper acerbum,
Semper honoratum (sic di voluistis) habebo.

Hunc ego Gætulis agerem si syrtibus exsul,
Argolicove mari deprensus, et urbe Mycena;
Annua vota tamen solemnesque ordine pompas
Exsequerer, strueremque suis altaria donis.
Nunc ultro ad cineres ipsius et ossa parentis,
Haud equidem sine mente, reor, sine numine divum,
Adsumus, et portus delati intramus amicos.

Ergo agite, et lætum cuncti celebremur honorem :
Poscamus ventos, atque hæc me sacra quot annis
Urbe velit posita templis sibi ferre dicatis.
Bina boum vobis Troja generatus Acestes

Dat numero capita in naves : adhibete Penates
Et patrios epulis, et quos colit hospes Acestes.
Præterea, si nona diem mortalibus almum
Aurora extulerit, radiisque retexerit orbem,
Prima cita Teucris ponam certamina classis :

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« L'année a parcouru son cercle radieux

Depuis qu'aux lois du sort notre douleur soumise

« Honora d'un tombeau l'ombre sainte d'Anchise.

a Oui, ce jour désastreux (Dieux, vous l'avez voulu !) « Ce vénérable jour le voilà révolu.

« Dussé-je être exilé, proscrit, chargé de chaînes, « Sur de brûlans déserts, dans Argos ou Mycènes,

« Quand reviendrait ce jour, j'irais sur les autels « Présenter mon offrande aux mânes paternels.

Aujourd'hui que les Dieux nous font encor descendre

Auprès de cette tombe où repose sa cendre,

<< Puisque ces murs amis daignent nous recevoir,

« Hâtons-nous d'accomplir un funèbre devoir, << Demandons

pour la route un vent qui nous seconde,

«< Et, si jamais pour nous une ville se fonde,
<< Dans ses temples sacrés puisse-t-il tous les ans
Accepter en tribut nos vœux et nos présens.

« A chacun des vaisseaux, seul espoir qui nous reste,
<< Deux bœufs sont destinés par le Troyen Aceste ;
« Veuillez dans ce festin honorer avec moi

<< Et les Dieux paternels et ceux de ce bon roi.

<< Pour moi, dès le lever de la neuvième aurore

Quique pedum cursu valet, et qui viribus audax,
Aut jaculo incedit melior levibusque sagittis,

Seu crudo fidit pugnam committere cestu;

Cuncti adsint; meritæque exspectent præmia palmæ. Ore favete omnes, et tempora cingite ramis.

Sic fatus, velat materna tempora myrto;
Hoc Helymus facit, hoc ævi maturus Acestes,
Hoc puer Ascanius; sequitur quos cetera pubes
Ille e concilio multis cum millibus ibat

Ad tumulum, magna medius comitante caterva.

Hic duo rite mero libans carchesia baccho

Fundit humi, duo lacte novo, duo sanguine sacro;

Purpureosque jacit flores, ac talia fatur :

Salve, sancte parens, iterum : salvete,
: recepti

Nequidquam cineres, animæque umbræque paterna.

Non licuit fines Italos, fataliaque arva,

« Si de rayons sereins la plaine se colore,

J'ordonnerai des jeux : et d'abord nos vaisseaux << Lutteront de vitesse à courir sur les eaux.

« Puis, à d'autres combats j'ouvrirai la barrière : « Vous, dont le pied rapide effleure la poussière, « Vous qui lancez dans l'air les roseaux du carquois, « Vous enfin qui du ceste osez braver le poids, « Venez; pour les vainqueurs des palmes seront prêtes. Aujourd'hui, recueillis pour de lugubres fêtes,

« Silence! et, que chacun ceigne un feuillage vert. »

Du myrte maternel soudain il s'est couvert;
Hélyme, le vieux roi, le jeune fils d'Énée,

Tous se montrent aussi la tête couronnée,

Et le peuple à pas lents quittant le bord des flots,
Vers la tombe d'Anchise escorte le héros.

Là, tandis qu'à l'entour la foule se resserre,

Selon l'usage antique il répand sur la terre

Deux coupes d'un vin pur, deux de lait, deux de sang, Sème des fleurs de pourpre et dit en gémissant :

« O mon père, salut ! ô cendre que j'honore

<< Salut! c'est donc en vain que je vous trouve encore?

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