Tout à coup, à ses yeux se reproduit encor L'image de Mercure, avec ses cheveux d'or, Avec son teint, sa voix, sa divine jeunesse : Que fais-tu? lui dit-il, ô fils d'une déesse! « Insensé ! quel moment choisis-tu pour dormir? «Des dangers que tu cours peux-tu ne pas frémir? «N'entends-tu pas du vent souffler la douce haleine? « Didon trame en son cœur mille projets de haine; « A ses derniers transports tremble de t'exposer; « Résolue à la mort elle peut tout oser. «< Eh quoi! tu ne fuis pas quand tu le peux encore ! « Si demain sur ces bords tu vois lever l'aurore, << Tout un peuple ennemi viendra, la torche en main, « Sur ses vaisseaux armés te couper le chemin; « Pars donc, pars sans délai, fuis le fer et la flamme: « Imprudent qui se fie à l'esprit d'une femme! >> Il s'envole à ces mots; et le héros soumis S'élance et court hâter ses Troyens endormis : Debout, Troyens, debout! vite, aux rames, aux voiles ! « Un dieu qui m'est venu du séjour des étoiles, « Pour la seconde fois m'a pressé de partir : «Qui que tu sois, Dieu saint qui daignes m'avertir! Dextra feras. Dixit: vaginaquc eripit ensem Fulmineum, strictoque ferit retinacula ferro. Adnixi torquent spumas, et cærula verrunt. Et jam prima novo spargebat lumine terras Ferte citi flammas, date vela, impellite remos. Quid loquor? aut ubi sum? quæ mentem insania mutat? Infelix Dido! nunc te facta impia tangunt. « Nous cédons avec joie à ta voix souveraine, « Rends-nous le ciel propice et la route sereine. » Les vaisseaux couvrent l'onde, et sous les matelots La rame fend l'écume et tord l'azur des flots. L'aurore s'élançant de sa couche divine, « O Jupiter! dit-elle, il fuirait ce rivage, <«< Il fuirait, le parjure, en riant de Carthage, Et Carthage en fureur, mes sujets, mes soldats, « Sur leurs mille vaisseaux ne le poursuivraient pas! « Oh ! courez, courez vite, armez vos mains de flammes, Tum decuit, quum sceptra dabas. En dextra fidesque! Accipite hæc, meritumque malis advertite numen, <«< Livrez la voile aux vents, précipitez vos rames.... « Où suis-je? qu'ai-je dit? quel aveugle transport! « Te voilà, malheureuse, à recueillir ton sort; « Tu rougis maintenant d'avoir connu le traître; «Que ne rougissais-tu quand tu le fis ton maître! « Voilà donc ce héros dont les pieuses mains « Transportèrent, dit-on, par de sanglans chemins, <«< Et son vieux père Anchise et les dieux de Pergame! «Que n'ai-je avec son peuple exterminé l'infame, " Submergé les lambeaux de son corps palpitant; « Ou, perçant en secret ce fils qu'il aime tant, « J'aurais, j'aurais, du moins, vengeant sa perfidie, « Promené dans son camp la torche et l'incendie, « Et l'on eût vu tomber, dans un carnage affreux, Lui, son fils, ses Troyens, et moi-même sur eux. « Soleil dont l'œil ardent perce tout sur la terre, |