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ments de la science selon leur importance et même de ne pas se laisser préoccuper par une spécialité qui les rend bientôt étrangers à l'ensemble: en effet, dans quelque partie que ce soit de cet art, le savoir et l'aptitude de la veille ne répondent pas de ceux du lendemain.

XI

Cependant les théoriciens ne sont pas inutiles; leur rôle, au contraire, nous paraît encore assez beau; ils sont précieux en sous-ordre et pour le conseil.

Je ne citerai pas Dumouriez, d'Arçon, Canclaux, généraux assez connus, et Grimoard, qui donna à la république naissante des avis presque tous adoptés et à aucun desquels notre longue guerre de la Révolution n'a opposé de démenti; car ces militaires joignaient l'expérience à une savante théorie.

Mais Carnot organisa la victoire dans quatorze armées; et, sur un théâtre moins élevé, tant d'autres rendirent alors par leur haute instruction d'importants services, chacun selon leur spécialité.

Les théoriciens amassent péniblement, et

presque toujours sans fruit pour eux, des matériaux, dont quelques-uns servent tôt ou tard aux praticiens pour faire de grandes actions.

Ceux-ci, en général, évitent les études méditatives qui éloignent trop de la réalité des hommes et des choses; ils ne peuvent et ne doivent pas user dans d'arides et pénibles recherches de précieuses facultés qui ne sont jamais trop complètes, trop jeunes, trop vigoureuses pour le champ de bataille.

XII

Je n'ai pas la prétention de vouloir coordonner entre elles les différentes branches de la science militaire, suivant leur degré d'importance; classement qui varie avec les circonstances et les préjugés. Je hasarderai néanmoins quelques observations basées sur ce que les hommes d'expérience ont écrit ou pensé à ce sujet, sur ce que j'ai pu observer moi-même.

La mode, qui étend à tout son empire, a successivement exagéré, aux dépens des autres parties de l'art, l'importance de chacune d'elles erreurs qui ont dû être nuisibles aux armées et aux États.

Les développements dans lesquels je vais en

trer donneront une idée du genre de détails militaires que je tiendrai le plus à ne pas négliger dans ces mémoires.

XIII

Les anciens se sont plus particulièrement occupés du moral des troupes, de leur administration et du service journalier. Lorsqu'un désastre militaire venait alarmer le sénat de Rome, cette grande assemblée ne demandait pas à la science seule le retour de la fortune: après avoir honoré le chef malheureux, quelles que fussent ses fautes, pourvu qu'il n'eût pas compromis l'honneur romain ni désespéré de la république, elle faisait choix d'un successeur chargé de rétablir l'ordre, la discipline et les anciennes traditions guerrières: toujours la victoire fut ainsi reconquise, par la sévérité, par des travaux et des campements pénibles.

Des militaires aux yeux desquels le soldat, surtout le français, n'est point un jeton sans valeur, mais qui le jugent au contraire susceptible de varier à l'infini, selon la manière dont on le dirige, paraissent aussi être convaincus que cette partie de la science, souvent trop négligée de nos jours, est la plus essen

tielle de toutes; aux autres éléments, ils n'accordent qu'un mérite de circonstance, eu égard aux chances que leur donne un état moral plus ou moins puissant. Cette opinion fut celle des plus grands capitaines de Turenne, qui éleva à un si haut degré la force morale de sa petite et admirable armée; de Napoléon, qui, la veille de chaque bataille, sut électriser le cœur de tous les soldats.

Avec cette qualité, et quoique médiocres dans les autres parties du métier, on a vu, à diverses époques, des chefs rendre d'importants services et se faire un nom honorable; tandis que des avantages et des défauts contraires, chez un général d'armée, finissent toujours par être funestes aux intérêts et à la gloire de l'État.

XIV

Au temps de Louis XIV, on soigna plus particulièrement l'établissement des armées sur le théátre de la

guerre.

Cet élément de succès, aujourd'hui trop contesté par le public et une partie des militaires, a donné lieu, sous les célèbres généraux du XVIIe siècle et du commencement du XVIIIe,

à cette savante guerre de places, de positions et de frontières où les revers des États, les souffrances des peuples, sont aussi circonscrits que possible; système auquel il faudra peut-être revenir, faute d'un ensemble militaire analogue à celui de la République ou de l'Empire.

Quant aux étrangers, presque toujours embarrassés de leurs masses, ils n'ont qu'accidentellement fait cette guerre; à l'égard de la Russie, les dernières campagnes contre les Turcs et les Polonais en sont une preuve convaincante.

XV

Sous Louis XV, on perfectionna le service journalier de campagne ; les interminables discussions sur la tactique occupèrent beaucoup les militaires cependant les généraux d'armée ne peuvent appliquer que dans leurs dispositions premières, ou avec de faibles réserves, au moment décisif des actions, cette partie de la science qui, plus exclusivement du ressort des officiers supérieurs, a pour quelques esprits moins d'importance qu'on ne pense, surtout lorsqu'elle enseigne à diriger, pour ainsi dire géométriquement et à la voix, un certain nombre de bataillons.

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