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vous, ne point de prouffit, et avec ce, des choses dessusdictes et plusieurs autres qui touchent vostre honneur n'oseroient faire mencion selon ce qu'ilz désirent.

« Le second point est la justice de ce royaume, qui devant tous autres royaumes souloit tenir l'exécucion souveraine de droite justice, laquelle chose est le principal fondement de vostre royaume. Et du temps passé, vos officiers estoient fais par bonne et vraie élection et des plus notables, qui grandement gardoient vos drois, et à tous, grans, moiens et petis égualement justice se faisoit. Maintenant est il le contraire. Car vos officiers sont fais par dons et par promesses et par prières. Par quoy vos droiz sont grandement diminuez; si en est le peuple trop fort grevé.

<< Le tiers point est de vostre domaine, qui est très mal gouverné, et tant que plusieurs maisons, chasteaulx et édifices vont à ruyne. Semblablement vos bois, vos moulins, vos rivières, viviers et revenues de vos franches festes, et généralement tout vostre domaine, pour la grant diminucion se perd, se péry et va à néant.

« Le quart point est de l'Église, des nobles et du peuple. Premièrement, que ceulx de l'Église sont moult opprimez et trop grans dommages ilz seuffrent, tant de juges comme de hommes d'armes et plusieurs autres qui leurs biens et leurs vivres prennent et ravissent, et leurs maisons et leurs biens raençonnent, et pour ceste cause à peine ont ilz de quoy vivre, ne faire le service divin. Les nobles, souventesfois sont mandez soubz l'ombre de vostre guerre, dont nuls deniers ne reçoivent, et pour acheter chevaulx, ar

meures et ce qui à guerre appartiennent, il advient souvent qu'ilz vendent leurs choses.

<< Tant qu'est de vostre peuple, il est certainement tout cler que tous ou à peu près tendent à perdicion pour les dommages qu'ilz reçoivent de vos baillis et prévostz et par espécial des fermiers ou autres officiers, et avec les gens de guerre, lesquelz sans cause ont esté tenus et encores sont. Pour quoy on doit doubter que Dieu ne se courrouce contre vous, se autrement par vous n'y est pourveu. Et ce est tout notoire, comment vos ennemis, du temps de Phelippe et Jehan, tous deux roys de France, vos nobles prédécesseurs, les grans dommages qu'ilz firent en vostre royaume. Et comment le roy Richard d'Angleterre, à vous alyé, privèrent de son royaume, et sa femme, vostre fille, contre sa voulenté et la vostre longuement ilz retindrent, et pour l'amour d'elle, moult de vos subgetz, tant nobles comme marchans, sur la mer prindrent et noyèrent, et les trèves ilz rompirent, et vostre royaume par feu et par pilleries ilz ont gasté en moult de lieux. C'est assavoir en Picardie, en Flandres, en Normandie, en Bretaigne et en Acquitaine, où ilz ont fait dommages irréparables. Néantmoins, très noble Sire, la guerre que vous avez entreprinse contre vos ennemis, ne disons point que la laissiez, car s'il estoit ainsi, très grant défaulte pourroit estre imputée à vostre conseil, pour la dissencion qui est entre vos ennemis1 et aussi la guerre qu'ilz ont d'une

1. En effet, à cette époque Henri IV avait à se défendre à la fois contre les révoltes des partisans de Richard II à l'intérieur, le soulèvement des Galles à l'ouest, et les incursions des Écossais dans les comtés du nord.

part contre les Escossoiz, et se ilz estoient pacifiez plus grant dommage pourroient faire en vostre royaume que devant.

«En après il semble et est vérité que grant chose avez à faire à maintenir vostre guerre, tant en vostre demaine, comme ès aydes qui vous sont faictes. De rechef, deux grandes tailles sont nouvellement taillées en vostre royaume sur tiltre de la guerre, et ce non obstant riens n'en est despendu pour vosdictes guerres. Pour quoy est à doubter qu'il n'en viengne moult grans maulx, considéré la murmuracion du clergié, des nobles et du peuple. Car se tous ensemble se esmouvoient, que jà n'aviengne, ce seroit chose plus périlleuse qu'onques mais ne fut jusques à heure présente. Et chascun de vostre royaume qui féablement à vous est, subject, doit avoir grant douleur quant il voit périr tant d'argent de vostre royaume. Et pour tant, très noble Sire, que nous, comme devant est dit, sommes à vous tant obligez, et afin que nous ne encourons l'indignacion de nostre dame la Royne et des autres de vostre sang royal et des autres hommes féables de vostre royaume, sans ce que nous quérons quelconque injurier, ne autre gouvernement', mais seulement tant pour nous féablement acquiter devers vous, très humblement vous supplions que vous vueillez mectre remède aux convencions dessusdictes et appeller les hommes nommez suspecs en ceste matière et qu'ilz n'ayent point de doubtance de à vous

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1. Ne autre gouvernement. Lis. : ne avoir gouvernement.

2. Les hommes nommez suspecs en ceste matière. Il y a là un contre-sens. Il faudrait : les hommes renommez pour être experts en cette matière.

dire vérité et qu'ilz vous donnent bon conseil et en brief ce soit mis à exécucion et à effect. Et à ce faire nous offrons richesses, corps et amis, et à tous ceulx qui véritablement se vouldront acquiter1. Car vraiement nous ne pourrions veoir ne souffrir telz inconvéniens estre faiz contre vous et vostre majesté royale. Et n'est point nostre intencion de cesser, ne taire ceste péticion, jusques à ce que remède y sera mis. »>

Ainsi fina la supplicacion du duc Jehan de Bourgongne et de ses deux frères.

Ung autre jour que le Roy estoit en assez bonne prospérité de santé, les devantditz frères supplians, avec le duc de Berry, leur oncle, et autres princes, le chancelier de France et le premier président en parlement et grant nombre d'officiers royaulx, s'en alèrent à l'hostel de Saint-Pol. Ouquel lieu ilz trouvèrent le Roy, qui de sa chambre estoit descendu en ung jardin, et après que très humblement le eurent salué, les trois frères dessusdiz lui firent hommage des seigneuries qu'ilz tenoient de lui, c'estassavoir, le duc Jehan, de sa duché de Bourgongne et de ses contez de Flandres et d'Artois, Anthoine, duc de Lembourg, de sa conté de Rethel, et Phelippe, le mainsné, de sa conté de Nevers. Sy y avoit pour ce jour très grant nombre de nobles hommes, chevaliers et escuiers, qui là pareillement firent hommage au Roy de plusieurs seigneuries qu'ilz tenoient en divers pays de son royaume. Et après que iceulx trois frères eurent requis au Roy lectres et icelles obtenues, prindrent congié à

1. Cette phrase, qui est fort claire ici, est inintelligible dans l'édition de Vérard.

lui et se retrahirent en leurs hostelz. Et adonc, à ces mesmes jours, vint à Paris et ès villages à l'environ, au mandement dudit duc de Bourgongne et de ses deux frères, bien six mille combatans. Entre lesquelz estoient pour iceulx conduire, Jehan Sans-Pitié, évesque de Liége et le conte de Clèves. Et fut faicte celle assemblée pour résister au duc Loys d'Orléans, se aucunement vouloit faire entreprinse à l'encontre d'eulx. Car desjà estoient bien informez qu'il n'estoit point bien content de ce que on avoit ainsi fait retourner le duc d'Aquitaine, son nepveu, comme dessus est dit, et aussi de la proposicion qu'on avoit fait faire devant le Roy par les trois frères dessusdiz et le grant conseil, et que de ce estoient grandement en son indignacion, et par espécial ledit duc de Bourgongne. Et si, sentoit la proposicion dessusdicte estre faicte plus à sa charge principalement que de tous les autres princes du royaume. Et pour ce que ledit duc d'Orléans ne sçavoit à quelle fin icelles besongnes pourroient venir, ni comment on se vouloit gouverner envers lui, manda gens d'armes de toutes pars pour se fortifier. Entre lesquelz y vint Harpedane, à tous ses gens, qui estoient sur les frontières de Boulenois. Et d'autre part y vint le duc de Lorraine et le conte d'Alençon à tous très grant nombre de gens, qui se logèrent autour de Meleun et ou pays à l'environ bien quatorze cens bacinetz avec grant multitude d'autres gens. Et par ainsi furent les pays d'entour Paris et de la marche de l'Isle de France et de Brie, moult traveillez et oppressez par les gens d'armes de ces deux parties. Et portoient les gens du duc d'Orléans en leurs pennonceaulx en escript au bout de leurs lances:

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