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ment'. Aussi apparut, par ce qu'il convoita merveilleusement que sa fille feust royne de France, et pour y cuider parvenir fist tant qu'il traicta le mariage d'elle et dudit feu duc d'Orléans, pour lors duc de Touraine, seul frère du Roy, considérant que le Roy n'avoit encores nulz enfans, et qu'il n'y avoit qu'une bouche à clorre, et ainsi n'y falloit que bouconne' bien assise pour parvenir à son entente. Et qu'il apparut qu'il eust celle voulenté? commune renommée est que quant sa fille se partit de luy pour venir en France, il lui dist : « Adieu belle fille! je ne vous vueil jamais veoir tant que vous soiez royne de France. » Et pour parvenir à ce, les dessusdiz ducs d'Orléans et de Milan, par diverses voies ont depuis continuellement machiné en la mort du Roy et de sa généracion. Desquelles choses fut moyen ung faulx ypocrite nommé Phelippe de Maisières, chevalier; qui estoit le propre ministre de trahison. Car il fut chancelier du Roy et le trahit faulsement et mauvaisement, et puis s'en vint demourer avec le dessusdit messire Barnabo, et, lui demourant avecques lui, aida ledit duc de Milan à trahir et destruire ledit messire Barnabo, son seigneur et maistre. Et advisèrent entre eulx deux aucunes instructions que [cellui] apporta audit duc d'Orléans. Et pour faire la chose plus subtillement et plus couvertement, icellui

1. Le 18 décembre 1385, Jean Galéas Visconti avait fait empoisonner Bernabo Visconti, son oncle, qu'il tenait prisonnier au château de Trezzo.

2. Bouconne, boucon, poison.

3. Philippe de Maisières, chancelier du royaume de Jérusalem. Il fut gouverneur du Dauphin, depuis Charles VI, se retira aux Célestins de Paris en 1380, et y mourut en 1405.

Phelippe de Maisières s'en vint à Paris et se rendi aux Célestins par ypocrisie. Et ainsi comme le duc de Milan feignoit faire icelle saincte vie pour plus aisieément décevoir ledit messire Barnabo, il fist faire audit duc d'Orléans saincte vie pour décevoir et destruire le Roy. Et alloit tous les jours icellui duc d'Orléans aux Célestins, et là oioit cinq ou six messes, par très grant dévocion ce sembloit; mais ce n'estoit que faulse уроcrisie et scéléracion. Car, soubz tiltre de ce, ilz faisoient en ung oratoire leurs collacions, conjuracions et délibéracions de parvenir à leur faulse, mauvaise et dampnable intencion. Et non obstant que icellui duc d'Orléans se monstrast ainsi dévost, par jour, néantmoins il menoit très dissolue vie de nuit. Car presque toutes les nuiz il s'enyvroit, jouoit aux dez, et couchoit avecques femmes dissolues. Et finablement, la dissolucion qu'il avoit menée par nuit secrètement par aucun temps, il l'amplia tellement et tant la continua, de jour et de nuit, qu'elle fut toute notoire et publique.

Or avons nous deux choses. La première que feu le criminel duc d'Orléans fut acteur des dessusdictes invocacions de dyables, supersticions, charmes, exoracions, sortilèges et maléfices. La seconde que les sortilèges et maléfices dessusdiz sortirent leur effect en la personne du Roy nostresire. Desquelles choses s'ensuit expressement que ledit duc d'Orléans fut criminel du crime de lèze majesté divine et humaine; divine, pour ce que lesdiz maléfices, ydolatries et corrupcion de la foy catholique estoient en lui comme il appert par ce que j'ay déclairé en une des véritez de madicte majeur, qui parle de ceste matière; item, de lèze ma

jesté humaine ou premier degré et en la première espèce, parce que en faisant lesdiz maléfices, il machinoit directement à la mort et destruccion de son Roy et souverain seigneur par lesdiz charmes, sortilèges et machinacions.

Après je vueil monstrer qu'il a commis crime de lèze majesté en la deuxiesme espèce et en la première manière dudit premier degré. Car, lui voyant que par lesdiz maléfices n'avoit point du tout obtenu sa dampnable intencion, c'estassavoir la mort du Roy, se converti à le faire empoisonner par chose venimeuse. Pour laquelle chose faire, il marchanda avecques plusieurs et par espécial à deux, à l'un desquelz il promist quatre mille frans et à l'autre cinquante mille frans, dont les trente mille seroient baillez prestement. Mais, comme bons et loiaulx, les refusèrent, et les autres ne les refusèrent point. Et le marché fait et les paiemens ordonnez, ilz ne sortirent point d'effect, mais furent empeschez par la grace de Dieu, et par aucuns bien vueillans du Roy qui apperceurent les choses dessusdictes. Et pour monstrer plus évidemment qu'il fut acteur desdiz sortilèges, charmes et maléfices, et aussi des empoisonnemens, car aucuns des malfaicteurs et des plus principaulx après le duc, furent mis en prison en plusieurs lieux et en divers temps, et fut fait le procès contre eulx et ordonné d'aucuns de quelle mort ilz mourroient, dont, il, par sa force et puissance délivra les ungs et les envoya en son pays. Et lors empescha l'exécucion de justice, à fin que sa desloiaulté ne feust descouverte.

Item, est vérité que, environ dix huit ou dix neuf le Roy et icellui duc, eulx acompaignez de peu

ans a,

de

gens, alèrent ou chastel de Neaufle, soupèrent avec la royne Blanche et couchèrent oudit chastel. Et lendemain, ladicte royne leur donna à disner. Et le criminel duc d'Orléans, par cautelle et malice feigny de soy aler au bois jusques à ce qu'il feust heure oportune de faire et acomplir sa mauvaise entencion, en actendant jusques à ce que le plat du Roy feust drécié. Et lors, en passant par devant le dressouer où ledit plat du Roy estoit pour servir, saluant le queux, disant Dieu gart! gecta dessus le plat pouldre blanche. Et après que ledit fut assis devant le Roy, la Royne bien informée et moult courroucée dudit fait, fist incontinent oster ledit plat de devant lui, et fut porté devant l'aumosnier de ladicte royne qui estoit à table, auquel fut dit qu'il n'en mengast point. Lequel, parce qu'il toucha à ladicte viande et mist dans la corbeille de l'aumosne sans en menger, et puis menga du pain qu'il tint en ses mains sans les laver, chey pasmé, et le convint porter en bras comme mort, et lui cheurent sa barbe, ses cheveux et ses ongles; les nerfz lui retrahirent; chey en langueur, et finablement en mourut. Et toute la viande fut enfouye en terre afin que personne n'en mengast. Et après vespres oyes, ledit jour, ladicte royne, en issant de l'église devant le Roy, dist audit duc d'Orléans, qui venoit de dehors d'esbatre du bois, après ce qu'il eut salué le Roy et ladicte royne, la Royne lui dist: « Estes vous là bon varlet? faictes vous bien le marmiteux ? » Regardant le Roy et lui disant : « Que vous en semble beau filz? Hé! qu'il est bien taillé de laisser les pois ardoir. » Et en oultre dist audit duc d'Orléans : « Par saint Jehan! vous ne ferez jà bien. » Ainsi appert que le criminel duc d'Or

léans commist plusieurs crimes de leze majesté en la seconde espèce de la première du premier degré.

pre

Après je viengs à déclairer comment le criminel duc d'Orléans a commis crime de lèse majesté en la tierce et dernière espèce de la première manière dudit mier degré. Car il est vérité que par sa subtilité, fraude et mauvais malice, pour ce qu'il n'estoit point venu à toutes ses ententes par les choses dessusdictes, se pourpensa de faire certains jeux et esbatemens de personnages, dont le Roy en estoit l'un. Et furent les personnages en manière de hommes sauvages, lesquelz par tout le corps seroient vestus de vestemens de toile couvers et fourrés de toile de lin, et ceintures estoffées de souffre et d'autres choses où le feu se prent aisément, habiles à enflamber et embraser et très mauvais à estaindre. Et devoient ces hommes sauvages venir danser en tel estat par manière de jeu et d'esbatement. Et combien que ledit feu duc d'Orléans eust acoustumé en tous esbatemens estre vestu de semblable habit du Roy et soy esbatre avecques lui, il se garda bien de s'en vestir, non obstant qu'il eust fait faire ung habit pour lui, mais il trouva une excusacion disant que son habit lui estoit trop estroit, mais il porteroit la torche devant les autres. Et qui pis est, vouloit que le Roy et les autres ainsi habituez feussent ensemble acouplez, à fin que le Roy ne lui eschapast qu'il ne feust ars, et c'estoit son entencion. Mais par la grace de Dieu ung aucun preudomme, serviteur et familler du Roy, lui dist: « Gardez que vous faictes. Car se vous estez acouplez les ungs aux autres, et d'aventure le feu se prengne en l'un de vous par une torche ou autrement, vous serez ars et destruis sans

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