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nul remède. » Et quant le duc d'Orléans oy celle parole il bouta sa torche toute alumée ou visaige de icellui, en disant : « Hé! Ribault de quoy vous meslez vous? » Et ainsi le Roy ne souffry pas qu'ilz feussent acouplez pour la parole du preudomme qui le garda d'estre ars. Mais Dieu scet quelles persécucions le duc d'Orléans fist faire audit familler. Et le bastard de Foix, qui en fut vestu et ars, disoit bien que tous ceulx qui en seroient vestus se mectoient en grant danger de mort, et pour y cuider remède ordonna deux de ses varletz qui feussent à l'uis, à tous deux draps moullez en eaue, à fin que se le feu se boutoit en l'un d'eulx, qu'ilz le couvrissent de ces draps. Mais lesdiz varletz ne furent point si pretz de secourir à leur seigneur et maistre comme il l'avoit ordonné. Si convint qu'il mourust à grant douleur de son corps, et le conte de Joigné et messire Charles de Poitiers et plusieurs autres, dont ce fut grant pitié, parce que le duc d'Orléans se fist varlet de porter la torche et bouta le feu ou vestement de l'un d'eulx, cuidant ardre le Roy, mais par la grace de Dieu et l'aide de très excellentes dames de Berry, de Bourgongne et autres dames et damoiselles qui là estoient, il eschapa'.

Après je vous vueil déclairer que ledit criminel duc d'Orléans a commis crime de lèse majesté en deux manières dudit premier degré. C'estassavoir qu'il a fait aliances aux ennemis du Roy et du royaume. Et pour déclairer comment, la vérité est celle. Pour ce que le Roy nostresire et le roy Richard d'Angleterre

1. Ce fatal événement arriva le 29 janvier 1393, à une fête que la reine donnait dans l'hôtel de la reine Blanche, au faubourg Saint-Marceau.

furent ensemble en amitié confermez par le traictié du mariage dudit roy Richard et de l'ainsnée fille de France, le roy Richard, comment que ce feust, volt parler au Roy nostre sire pour le grant bien de sa santé, et se assemblèrent ensemble, et lors lui dist que les enfermetez et grandes maladies de son corps qu'il avoit tant souffertes lui estoient venues par le moien et pourchas desdiz ducs d'Orléans et de Milan, et non sans cause; que le hérault qui portoit ses armes ne se osoit plus veoir devant le Roy. Et si tost que les choses dessusdictes vindrent à la congnoissance dudit duc d'Orléans, il conçeut hayne mortelle contre ledit roy Richard. Si enquist qui estoit le plus grant adversaire qu'il eust en tout le monde, et trouva que c'estoit le roy Henry de Lenclastre. Si fist tant qu'il eut aliances avecques lui: l'une pour destruire le roy Richard, et l'autre pour renforcer et rendre puissance à parvenir à sa dampnable entencion. Et furent d'accord les dessusdiz de labourer et machiner de toute leur puissance et par toutes les manières et voies possibles à eulx, à la mort et destruction des deux roys, pour obtenir les deux couronnes de France et d'Angleterre, celle de France pour Loys d'Orléans, et celle d'Angleterre pour Henry de Lenclastre. Henry est venu à son entente, mais Loys non, la Dieu-mercy! Et qu'il soit vray desdictes aliances? icellui duc d'Orléans a tousjours favorisé, conforté et aidé ledit Henri de Lencastre et les autres Anglois de la bande dudit Henry, de tout son povoir. Et expressement manda à iceulx Anglois ennemis du Roy et de ce royame, qui estoient ou chastel de Bordes, qu'ilz se tenissent bien et qu'ilz ne rendeissent point leur chastel aux François, et qu'il em

pescheroit le siège et qu'il leur bailleroit bon secours et remède toutes foiz qu'il en seroit neccessité. Et oultre empescha plusieurs voyages entreprins contre le roy Henry. Et ainsi fut-il tirant et desloial à son prince et souverain seigneur et à la chose publique de ce royaume; et commist crime de lèse majesté en la deuxiesme manière dudit premier degré. A la confirmacion de ce fait muet une chose que je vous diray. Il est vérité que ou temps qu'on détenoit le roy Richard que le roy Henry tendoit à faire mourir, aucuns et plusieurs seigneurs d'Angleterre lui disoient qu'il y avoit trop grant péril pour la doubte des François. Ausquelz il respondi que de ce ne devoit faire aucune doubte, car il avoit ung si puissant ami en France auquel il estoit alié, c'estassavoir ledit duc d'Orléans, frère du roy de France, lequel ne souffreroit point, pour quelque chose que on actemptast encontre le roy Richard, que aucun assault en feust fait à l'encontre des Anglois. Et pour les en faire plus certains, fist lire les lectres desdictes aliances. Ainsi appert que le criminel duc d'Orléans a commis crime de lèsemajesté en plusieurs manières et espèces dudit premier degré. Ainsi fine le premier article de madicte mineur. Nonobstant qu'il y ait plusieurs autres crimes horribles en plusieurs manières et diverses espèces de crime de lèse-majesté en ce premier degré, commis et perpétrez par icellui criminel duc d'Orléans, lesquelz mondit seigneur le duc de Bourgongne a réservez à dire en temps et en lieu, toutes foiz que mestier sera.

Après, je viengs au second article de madicte mineur, ouquel je vueil monstrer comment le criminel duc d'Orléans a commis crime de lèse-majesté, non

point seulement ou premier degré, lequel degré est de faire offense à l'encontre du Roy et de son espouse. Car il est vérité que quatre ans a ou environ, que le Roy estoit encheu en sa maladie, ledit criminel duc d'Orléans qui ne cessoit de machiner par quelle manière il peust venir à sa dampnable intencion, pensant que s'il povoit tenir la Royne et ses enfans hors de ce royaume il vendroit de léger à son entencion, dist et fist scavoir à la Royne faulsement et contre vérité, que le Roy estoit merveilleusement meu et indigné à l'encontre d'elle, et pour ce il lui conseilloit que si cher qu'elle avoit elle et ses enfans, que, elle et sesdiz enfans, meist hors de la voye du Roy et en tel lieu qu'ilz feussent hors de sa puissance, tendant de les mener en la duchié de Luxembourg' à fin que quant il les eust là tenus il en eust mieulx fait sa voulenté, et promectoit à ladicte Royne qu'il la tiendroit en ladicte duchié de Luxembourg bien et seurement, et sesdiz enfans aussi. En disant oultre, que se après la santé du Roy il veoit et appercevoit que le Roy ne feust plus meu contre elle, et qu'elle peust seurement retourner par devers le Roy, à quoy il promectoit de l'induire de tout son povoir, il l'iroit querre, elle et ses enfans, la ramenroit audit Roy. Et ou cas que le Roy demourroit en son propos et ymaginacion contre elle, il la tenroit audit pays de Luxembourg selon son estat, qui que le voulsist veoir, feust le Roy, ne autre. Et afin de coulourer sadicte mauvaistié et entencion, faisoit entendant à ladicte Royne qu'il convenoit que la chose feust faicte cautement, subtillement et tellement que

1. Voy. la note 3 de la page 35.

et

ou chemin, elle, ne sesdiz enfans, ne peussent avoir empeschement aucun. Et pour ce faire et exécuter, avoit advisé que la Royne feindroit que elle et sesdiz enfans alassent à Saint-Fiacre en Brie, en pélèrinage, et d'ilec à Nostre-Dame de Liesse, et que de là il la conduiroit ou pays de Luxembourg, et que là lui bailleroit et feroit bailler l'estat d'elle et de ses enfans honnorablement comme il appartient, en actendant que la voulenté du Roy feust muée envers elle et ses dessusdiz enfans. Et de ce faire oppressa fort ladicte Royne et par plusieurs foiz, en récitant en effect les paroles telles que je les ay couchées, tendant à fin d'avoir ladicte Royne et sesdiz enfans pour en faire sa voulenté. Dont ilz furent en grant péril, et eussent esté encores plus, se n'eussent esté aucuns bienvueillans du Roy, de ladicte Royne et de sesdiz enfans, ausquelz ladicte Royne se conseilla, lesquelz lui dirent que c'estoit une décepcion et très grant péril. Pour laquelle chose ladicte Royne, bien advisée, mua son propos, apparcevant la faulse et dampnable intencion du dit feu criminel duc d'Orléans, et se détermina à demourer pardeçà et non aler audit voiage. Ainsi appert le deuxiesme article de madicte mineur, ouquel je monstre que ledit criminel duc d'Orléans a commis crime de lèse-majesté ou second degré.

Après je viens déclairer le troisiesme article de madicte mineur, c'estassavoir que ledit criminel duc d'Orléans a commis crime de lèse-majesté ou tiers degré. Et combien que ce appert assez par l'article devant déclairé, toutesfois je monstre qu'il a commis crime de lèse-majesté. Le premier, par venins, poisons et intoxicacions, le second, par fallaces et décepcions.

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