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Et quant à la première manière, ledit criminel duc d'Orléans machina à faire manger à monseigneur le Daulphin, derrenier trespassé, une pomme empoisonnée et venimeuse, laquelle fut baillée à ung enfant et lui fut chargé qu'il la portast et donnast audit monseigneur le Daulphin et non à autre, comment qu'il feust. Si advint qu'en la portant il passa par les jar

dins de Saint Pol et là encontra la nourrice de l'un des enfans du duc d'Orléans, laquelle nourrice tenoit icellui filz entre ses bras. Et pour ce que que ladicte pomme sembloit à ladicte nourrice belle et bonne, elle dist à l'enfant qui la portoit qu'il lui baillast pour la donner à son filz. Lequel respondi que non feroit et qu'il ne la bailleroit fors à monseigneur le Daulphin, et pour ce qu'il ne lui volt bailler de son gré, elle lui osta par force et la bailla à manger à son filz, dont il chey en maladie et mourut assez tost après. Si fais cy une question. Cest innocent est mort par la pomme empoisonnée, doit estre puny l'enfant qui le portoit, ou la nourrice qui lui bailla? Je respons que nennil, ne l'un, ne l'autre n'y ont coulpe. Mais la coulpe et la trahison en doit estre attribuée à ceulx qui la pomme empoisonnèrent et la firent porter.

La deuxiesme manière est par fallace et décepcion, c'estassavoir par donner faulx à entendre. Et combien que ceste manière appare par le cas dessus déclairé de la Royne et de ses enfans qu'il voulut mener à Luxembourg, toutesfoiz je vueil encores déclairer par ung autre cas. C'estassavoir qu'il est vérité que ledit criminel duc d'Orléans persévérant tousjours en sa mauvaise et dampnable entencion a esté et envoié plusieurs foiz par devers le pape tendant à fin de

priver et débouter le Roy de son royaume et de sa dignité royale. Et pour parvenir à sa dampnable entencion controuva faulsement, malicieusement et contre-vérité plusieurs cas et crimes contre la personne du Roy, redondans à sa noble généracion et lignée. Lesquelz il donna à entendre au Pape, en requérant qu'il voulsist déclairer le Roy et sa postérité inhabile à tenir telle dignité comme le royaume de France, et qu'il voulsist absouldre ledit criminel et les autres faulx du royaume qui à lui vouloient adhèrer, du serement de fidélité en quoy ilz estoient abstrains et obligez envers le Roy. Et qu'il voulsist déclairer le plus prouchain de sa postérité devoir venir et succéder à la couronne et seigneurie du royaume de France. Et pour mieulx conduire son fait et plus tost incliner le Pape à sa faulse, injuste et inique requeste, a tousjours favorisé le fait dudit Pape et soustenu en plusieurs et diverses manières. Pour quoy. il appert, de la voye de cession et restitucion sur le fait des pécunes et de l'épistre de Thoulouse. Ainsi appert le tiers chapitre de madicte mineur déclairé. Nonobstant qu'il fist plusieurs autres crimes très grans et très horribles de lèse-majesté ou tiers degré, lesquelz mondit seigneur, de Bourgongne a réservez pretz à déclairer en temps et en lieu toutesfoiz que besoing

sera.

Après je viengs à déclairer le quart et derrenier article de madicte mineur. C'estassavoir que ledit criminel feu duc d'Orléans a commis crime de lèse-majesté ou quart degré. Lequel degré est quant ladicte offense est directement contre le bien publique du royaume. Et combien que ce appert assez par le cas

dessus déclairé des aliances qu'il avoit faictes avec les ennemis de ce royaume qu'il soit expressément ennemy de la chose publique, je vueil déclairer lui avoir commis crime en autres manières. La première, en ce qu'il a tenu les gens d'armes sur les champs en ce royaume par l'espace de quatorze ou quinze ans, qui ne faisoient autre chose que menger et exiller le povre peuple, piller, rober, raençonner, occire, tuer et prendre femmes à force; et mectoit capitaines ès fortresses, pons et passages de ce royaume, pour parvenir à sa faulse et dampnable entencion, c'estassavoir usurper la seigneurie du royaume. La seconde manière est en ce qu'il a fait mectre sus tailles et emprunts intollérables sur le peuple, en feignant que c'estoit pour soustenir la guerre contre les ennemis du royaume, et en donnant d'icelles pécunes aux ennemis, adversaires et malvueillans du Roy et du royaume et en a fait ses aliez en entencion de affeblir le Roy et soy rendre plus fort et plus puissant pour obtenir sa dampnable entreprise de parvenir à la couronne et seigneurie du royaume. Ainsi appert que j'ay déclairé et remonstré comment ledit criminel duc d'Orléans a commis crime de lèse-majesté ou quart degré, non pas tant seulement ou quart degré, mais ou tiers, second et premier en plusieurs cas et manières d'espèces diverses a commis et perpétré pour parvenir à sa dampnable et mauvaise entencion, c'estassavoir à la très noble couronne et seigneurie de France et le oster et soustraire au Roy nostresire et à sa généracion. Lesquelz autres crimes mondit seigneur de Bourgongne a réservez à déclairer et dire en temps et en lieu, quant mestier sera.

Et en oultre appert, madicte mineur déclairée, laquelle joincte à madicte majeur, s'ensuit clèrement que mondit seigneur de Bourgongne ne veult et ne doit en riens estre blasmé, ne reprins, dudit cas advenu en la personne dudit criminel duc d'Orléans. Et que le Roy nostre sire ne doit pas tant seulement estre content, mais doit avoir mondit seigneur de Bourgongne et son fait pour agréable et le auctorizer en tant que mestier seroit. Et avec ce le doit guerdonner et rémunérer en trois choses. C'estassavoir, en amour, en honneur et en richesses, à l'exemple des rémunéracions qui furent faictes à monseigneur Saint Michel l'Ange et au vaillant homme Phinées. Desquelles rémunéracions j'ay fait mencion en madicte majeur en la probacion de ma tierce vérité. Et l'entens ainsi en mon gros et rude entendement, que le Roy nostresire lui doit, plus que devant, sa loyaulté et bonne renommée faire prononcer par tout le royaume, et dehors le royaume publier par lectres patentes, par manière d'épistre ou autrement. Icellui Dieu vueille que ainsi soit fait qui est benedictus in secula seculorum. Amen.

Après laquelle proposicion finée, icellui maistre Jehan Petit requist audit duc de Bourgongne qu'il le voulsist advoer. Lequel duc lui accorda, et l'advoa en la présence du Daulphin qui là représentoit la personne du Roy, et du roy de Cécile avecques tous les autres cy-dessus nommez. Et après dist icellui proposant que icellui duc de Bourgongne retenoit et réservoit encores aucunes autres choses plus grandes à dire au Roy quant lieu et temps seroit. Et tantost après se retraïrent tous les princes, chascun en son hostel. Et

le duc de Bourgongne, acompaigné de plusieurs hommes d'armes et gens de traict, s'en retourna en son hostel d'Artois. Si fut adonques fait grant murmure dedens la ville de Paris, tant des princes et nobles hommes, comme du clergié et de la communaulté, et y eut plusieurs et diverses opinions. Car ceulx qui tenoient le parti du duc d'Orléans disoient icelles accusacions estre faulses et décevables, et ceulx tenans le parti du duc de Bourgongne maintenoient le contraire 1.

Après ces choses', la royne de France, pleine de grande admiracion et crainte, le duc d'Acquitaine, son filz, et ses autres enfans se partirent de Paris, acompaignée de Loys, duc de Bavière, frère d'elle, et s'en alèrent faire leur résidence ou chastel de Meleun. Et tost après le roy Charles, qui grant espace de temps avoit esté malade, retourna en santé. Devers lequel, icellui duc3 se tira et trouva les manières qu'il fut racordé et reconsilié à lui, et impétra, et aussi les obtint, lectres scellées du seel du Roy et signées de sa main, par lesquelles lui estoit pardonné le cas na

1. Voici la réflexion par laquelle termine le Religieux de SaintDenis. Sur ce, l'assemblée se sépara. Je me souviens que plusieurs personnages recommandables et d'un éminent savoir, qui y avaient assisté, trouvèrent ce plaidoyer répréhensible en beaucoup de points. Je serais disposé à partager leur avis; mais je laisse aux vénérables docteurs en théologie le soin de décider s'il faut regarder comme erronées ou ridicules erronea vel ridiculosa les raisons alléguées par l'orateur.» (Chr. de Ch. V1, t. III, p. 765, traduction de M. Bellaguet.)

2. Trois jours après, suivant le Religieux de Saint-Denis. Triduo nondum exacto (Ibid., p. 766).

3. Le duc de Bourgogne,

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