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furent tous deux mis et monstrez moult longuement à tous ceulx qui les vouloient veoir. Et avoit escript esdictes mitres : « Ceulx cy sont desloiaulx à l'Eglise et au Roy. » Et après ce, furent amenez au Louvre sur ledit tumbereau comme dessus '. Et lendemain s'assembla ledit conseil au palais où estoit présent, ou lieu du Roy, le chancelier de France. Ouquel lieu, maistre Ulfin Talevende, natif de Normendie, docteur en saincte théologie, très renommé, proposa de par l'Université de Paris et print son theume de la centiesme pseaulme: Fiat pax in virtute tua, en adréçant ses paroles à la personne du Roy et aux autres seigneurs de son sang là estans présens, de par ladicte Université, en les exortant qu'ilz voulsissent entendre par toutes manières qu'il seroit possible, de faire cesser ce périlleux scisme et à leur povoir procurer la paix et union de saincte Eglise universelle, remonstrant de rechef la mauvaistié dudit Pierre de La Lune par très clères raisons, disant qu'il estoit scismatique et hérétique obstinéement, qui ne devoit point estre nommé pape Benoist, ne cardinal, ne par aucun nom de dignité, et que nul ne devoit obéir à lui, sur peine deue aux favorables à hérésie. Et racompta moult de foiz aucuns cas des papes de Romme convenables à son propos, et la conclusion du derrenier concile, laquelle fut, que se ledit Pierre de La Lune et son adversaire ne faisoient paix et union en l'Eglise dedens l'Ascension, comme ilz avoient promis, tout le royaume de

1. Cette scène se passa le 20 août (1408). Chr. de Ch. VI, t. IV, p. 58.

2. Le Religieux de Saint-Denis qui ne le nomme pas par son dit qu'il était de l'ordre des Trinitaires ou Mathurins.

nom,

France généralement et ceulx du Daulphiné, se soubztrairoient de leur obédience. Car ainsi l'avoient conclud lesdiz prélas qui au concile avoient esté, comme il apparoit par lectres seellées de leurs sceaux que ceulx de ladicte Université avoient pardevers eulx. Et pour ce, que ladicte obédience est soubztraicte de par le Roy jusques à ce que ung vray, seul et ferme et pasteur de l'Eglise universelle soit esleu et déclairé. Et si fut pareillement déclairé par ledit proposant comment on se devoit avoir en dispensacions pour les consciences, et ès collacions des bénéfices et autres choses, tant oudit royaume comme ou Daulphine, devant ladicte neutralité. Et aussi quelles choses on devoit conclurre sur les besongnes dessusdictes [que nul], de quelque estat qu'il feust, ne feist obédience aux deux papes dessusdiz après le jour qui estoit déclairé, et sur peine d'encourre en l'indignacion du Roy. Et après fut requis par icellui, que les lectres dont devant est faicte mencion feussent deschirées publiquement, et pareillement une autres qui autrefoiz avoit esté apportées à Thoulouse. Si en fust ainsi fait. Et avec ce, fut commandé à tous les prélas et autres gens d'église, que chascun endroit soy, ès mectes de ses bénéfices, fist publier hault et cler et par plusieurs jours ladicte neutralité universelle. Et avec ce, leur furent baillez par escript, de par ladicte Université, tous les poins et articles touchans ceste matière, et comment ilz se avoient à gouverner. Après lesquelles besongnes traictées et remonstrances faictes comme dit est, chascun se départi '. Et lendemain, les deux

1. Le 5 novembre, comme il a été dit plus haut. Le Religieux

Arragonnois dessus nommez furent ramenez et de rechef eschafaudez et menez parmi Paris, comme autrefoiz avoient esté.

En ces jours la Royne de France, qui avoit séjourné à Meleun par certains jours, vint à Paris et amena son filz le Daulphin, lequel estoit monté sur ung blanc cheval que conduisoient quatre hommes de pié, et aloit après le charriot de ladicte Royne, et derrière ledit Dauphin suivoient les ducs de Bretaigne et de Bourbon, les contes de Mortaigne, de Clermont et de Vendosme et très-grant nombre de grans seigneurs, tant de gens d'église, comme de séculiers, chevaliers et escuiers. A laquelle venue fut faicte grande léesse des Parisiens, et fut crié Noël en plusieurs lieux. Et ainsi s'en alèrent loger, icelle Royne, le Daulphin, son filz, et Loys de Bavière, son frère, ou chastel du Louvre.

Et lendemain vint audit lieu de Paris la duchesse d'Orléans, douagère, et sa belle fille Ysabel, ainsnée fille du roy de France, acompaignée de plusieurs gens notables, chevaliers et autres, tous vestus de deuil. A l'encontre desquelles yssirent tous les princes dessusdiz, lesquels les conduirent et amenèrent devers la Royne et le duc d'Acquitaine pour leur faire requeste qu'ilz peussent avoir justice et raison de la piteuse mort du duc d'Orléans defunct, et aussi faire respondre et proposer à l'encontre de ce que le duc Jehan de Bour

de Saint-Denis donne tout au long les décisions de ce concile. Voy. Chr. de Ch. VI, t. IV, p. 30.

1. Le Religieux de Saint-Denis dit : le dernier dimanche de ce mois (août), par conséquent le 26 août.

2. Le 27 août 1408.

gongne avoit fait proclamer et divulguer contre ledit duc, publiquement naguères, comme dessus est déclairé, son seigneur et mary. Laquelle requeste finablement elle obtint.

CHAPITRE XLIV.

Comment la duchesse d'Orléans et son filz firent proposer à l'encontre du duc Jehan de Bourgongne pour la mort du duc d'Orléans deffunct.

Huit jours après ou environ, le duc d'Orléans acompaigné de trois cens hommes d'armes, vint à Paris. A l'encontre duquel vinrent le duc de Berry et les autres grans seigneurs de son lignage. Lequel duc d'Orléans, entrant par la porte Saint Anthoine, ala jusques au Louvre devers la Royne et son fils le duc d'Acquitaine, son cousin germain, ausquelz il recommanda sa besongne et sa personne, moult honnorablement comme il appartenoit. Et puis prestement, lui partant de là, s'en ala veoir la duchesse sa mère, et sa femme. Et après les choses dessusdictes, ledit duc d'Orléans, lesdictes duchesses sa mère et sa femme, point ne cessoient de faire requestes au Roy et à son conseil, afin qu'il leur feist justice du duc Jehan de Bourgongne et de ses complices. Lesquelles requestes, par ledit Roy leur furent accordées de faire, et eurent audience de faire proposer tout ce qui leur plairoit à l'encontre dudit duc de Bourgongne'. Et adonc le duc d'Acquitaine, représentant la personne du Roy, avec

1. D'après le Religieux de Saint-Denis, l'audience fut fixée au 11 septembre.

sa mère, par le commandement du Roy, estant en habit royal, en la grant sale du chastel du Louvre, présens les ducs de Berry, de Bretaigne et de Bourbon, les contes d'Alençon, de Clermont, d'Eu, de Mortaigne et de Vendosme, et plusieurs autres seigneurs de conseil, et aussi plusieurs chevaliers, le Recteur de l'Université de Paris et très-grant multitude d'autres gens, ladicte duchesse douagère, acompaignée de son filz le duc d'Orléans, de maistre Pierre Lorfèvre son chancelier, de maistre Guillaume Cousinot, advocat en parlement, et de plusieurs autres ses gens et familiers, fist lors par l'abbé de Saint-Fiacre, de l'ordre de Saint-Benoist, lire devant tous ceulx qui là estoient les choses contenues en ung livre escript en françois, à lui baillé en sa main, confermé par le dict des prophètes et des sains du viel et nouvel testament, des philozophes et ystoires, publiquement, entendiblement en hault, mot après autre. Duquel livre la teneur s'ensuit:

Toy, très chrestien prince, très noble et souverain seigneur et chef de justice', à toy sont mes paroles adrécées, car à toy compète monstrer justice à tous les subgetz du royaume de France, auxquelz, non mie tant seulement les pays et régions voisines, mais aussi les estranges nacions ou gens, prennent exemple et tiennent la droite sentence de ta justice. A laquelle partie de toy et de ton renommé conseil, comme à la fontaine de raison et de vérité, je veuil adrécer mes paroles en la personne de ma très noble dame, madame la duchesse d'Orléans et de messeigneurs ses

"

1. « Roy très chrestien, prince très noble, souverain seigneur et quief de justice, etc. » (Var. du ms. Suppl. fr. 93.)

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