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audit Pierre de La Lune, ce n'est point vérité. Car adonc monseigneur d'Orléans procura et obtint certaines aliances entre ledit Pierre, adonc nommé Bénédict, et le roy de France, molt espéciales et notables, par lesquelles icellui Bénédict promectoit au Roy de lui donner aide et garder l'estat de lui et de sa liguée, comme il appert par les bulles sur ce faictes. Il est donques moult à esmerveiller comment ung sage homme ose proposer ce qui tant évidemment est contraire à vérité. Quant à ce que partie adverse dit qu'il soustint ledit Pierre de La Lune, à ce j'ay respondu cy-dessus. Et avec ce, mondit seigneur d'Orléans trouva lui mesmes que lesdiz contendans de la papalité ne vouloient convenir prestement par procureurs à faire cession, et ce despleut plus à Pierre de La Lune. Appert donques évidemment que monseigneur d'Orléans est innocent au regard des cas proposez contre lui. O sire Roy! il te plaise donques conserver par justice son innocence, selon ce qui est escript ou XIII chapitre de Job: Justicia custodit innocentis viam. C'est à dire, justice garde la voie de l'innocent. Et est quant à la tierce accusacion de partie adverse.

La quarte accusacion de partie adverse si est, que par l'espace de trois ans, mondit seigneur, par aucunes inductions fraudulentes, et par espoentemens qu'il fist à la Royne d'aucunes choses, il cuida, elle et ses enfans, mectre hors de ce royaume et mener à Luxembourg, afin qu'il peust ce royaume mieulx gouverner à sa voulenté. Quant à ceste accusacion faulse et perverse, monseigneur d'Orléans, en toutes choses, servit et honnoura la Royne, donnant aide à garder et

soustenir l'estat du Roy et de ladicte Royne. Et de ce ne convient-il plus parler. Car, par la grâce de Dieu, elle estant présente, scet bien la vérité, laquelle, quant il lui plaira le pourra dire plus pleinement. Toutesfoiz je ne sçay se de ce elle s'est complainte à partie adverse, ou aucun autre. Je croy que le contraire du propos de partie adverse sera trouvé véritable, et que telles choses sont trouvées pour la diffamation du défunct.

La quinte accusacion dudit proposant de partie adverse est que monseigneur d'Orléans commist crime de lèse-majesté ou tiers degré. C'estassavoir en la personne de monseigneur le Daulphin, que Dieux absoille! et dit que monseigneur d'Orléans machina que il mengast la pomme envenimée, laquelle il envoya par ung enfant, à qui le toly la nourrice d'un des enfans de monseigneur d'Orléans et la donna audit filz de mondit seigneur d'Orléans, qui la menga et de cé mourut, selon le dict dudit proposant. Laquelle chose est faulse et controuvée. Mais est vérité que l'un des filz de monseigneur d'Orléans mourut jà pièca, du cours de ventre dont plusieurs mouroient à ce temps. Et sur ce, soient oys les phisiciens, c'estassavoir maistre Guillaume le Boucher et maistre Jehan de Beaumont, qui visitèrent icellui filz, et ilz en dirent la vérité, c'estassavoir que point il ne mourut par intoxication. Et considérez, messeigneurs, que ce n'est point chose créable. Car jamais aucune nourrice des filz monseigneur d'Orléans n'eust osé donner à l'enfant pomme ou poire, sans le commandement de madame d'Orléans. Et aussi, quant ladicte nourrice aloit par les jardins, à tout l'enfant, elle n'estoit point seulement

acompaignée de trois ou de quatre notables femmes, lesquelles n'eussent point souffert icelle donner à l'enfant pomme, ne autre chose semblable. O très noble et très amé duc d'Aquitaine! tandis que tu es jeune, aprens à aymer justice, comme fist Salomon. Advise les maulx qui pevent advenir se justice n'est gardée. Car se tu ne le fais, par ce n'auras aymé tes frères. Ilz seront en péril de mort, se ainsi estoit fait comme partie adverse a commencé. Soit considéré le dict du prophète, qui dit : Justicie Domini recte, letificantes corda. C'est à dire, les justices de Nostre Seigneur sont droicturières, esjouissans les cuers.

La sixiesme accusacion et finale, comme dit le proposant de partie adverse, est que monseigneur d'Orléans commist le crime de lèse-majesté ou quart degré en destruisant le Roy de ses pécunes, et le peuple, en tenant gens d'armes sur les champs et sur le pays, et en faisant tailles intolérables. Messeigneurs, c'est bien merveilles comment partie adverse a ce imposé à mondit seigneur d'Orléans. Car il est notoire à chascun que pour les choses advenir en ce royaume aucunes tailles furent faictes, mais ce ne fut point au prouffit de monseigneur d'Orléans, comme elles aient esté exposées par grande délibéracion du Roy et de tous les seigneurs de son sang et du conseil royal, mais pour le fait de partie adverse ou royaume de Hongrie ', et pour sa raençon furent faictes grandes tailles par tout le royaume et grant somme d'argent cueillie et transportée en Turquie et en autres lieux hors dudit

1. Il s'agit de la bataille de Nicopoli, donnée le 28 septembre 1396, où Jean sans Peur, qui n'était alors que comte de Nevers se vit prisonnier de Bajazet, et mis à une rançon énorme.

royaume. Laquelle chose fu grant dommage irréparable.

Et quant est à ce que partie adverse veult dire que monseigneur d'Orléans print en la tour du Palais quatre mille frans, je dy que c'est faulse chose. Car, se aucunes pécunes estoient en la tour du Palais, elles furent distribuées et exposées selon l'ordonnance du Roy, et ce peut estre sçeu par la garde d'icelle tour et par les comptes des receveurs à ce ordonnez.

Partie adverse argue aussi et dit que mondit seigneur print encores ou chastel de Meleun la somme de cent mille frans. Et pour à ce respondre, il est notoire comment la Royne et monseigneur d'Orléans alèrent à Meleun pour eulx esbatre et comment partie adverse vint à Paris irraisonnablement, à tout grant compaignie de hommes d'armes, et par sa puissance fist retourner monseigneur d'Acquitaine alant après la Royne, sa mère1. Conséquemment il se fortifia de hommes d'armes soubz intencion d'aler à Meleun contre la Royne et monseigneur d'Orléans. Adonc fut-il nécessaire à la Royne de mander gens de guerre pour la seureté et garde d'elle. Et fut advisé qu'il seroit bon de prendre ledit trésor pour paier lesdictes gens d'armes; ne monseigneur d'Orléans n'en appliqua onques riens à son prouffit. Et quant le Roy eut de ce congnoissance, il fut bien content. Et ainsi il appert que lesdictes pécunes furent despendues tant seulement à l'occasion du fait dampnable de partie adverse, et non d'autruy.

1. Voy. plus haut, p. 108.

Tant qu'aux hommes d'armes qu'on dit monseigneur d'Orléans avoir tenus sur le pays, il est vérité que aucuns hommes d'armes estans sur le pays disoient eulx estre à monseigneur d'Orléans afin que aucun ne leur osast nul mal faire, et si n'avoient ne lectres, ne mandement de lui, mais lui desplaisoit des maulx qu'ilz faisoient aucunes fois. Dont de ce, quant il en fut parlé au conseil du Roy, lui mesme procura lectres du Roy envoiées à tous baillis et officiers du royaume, qu'ils appellassent tous les nobles et gens du pays pour contraindre lesdiz malfaicteurs de yssir du royaume, en punissant iceulx de leurs mauvaises œuvres. Et par ce il appert que sans cause on a donné charge à mondit seigneur d'Orléans desdictes gens d'armes.

O tu! partie adverse, considère les dommages très grans et irréparables qui ont esté en plusieurs lieux en ce royaume par les hommes d'armes lesquelz tu as tenus et fait venir, entre lesquelz estoient estrangers, sans estre paiez, gastans et destruisant tous lieux en ce royaume où ils passoient. Et chascun doit avoir compassion des cas advenus, si piteux que nul n'en porroit assez pleurer.

O tu roy de France! prince très excellent, pleure donques ton seul frère germain que tu as perdu, l'une des précieusez pierres de la couronne, duquel toy mesmes devroies faire ou procurer la justice. O toy! Royne très noble, pleure, le prince qui tant te honnouroit, lequel tu vois mourir si piteusement. O tu, mon très redoubté seigneur, monseigneur d'Acquitaine, pleure! qui as perdu le plus beau membre de tout ton sang, de conseil et de seigneurie, pour quoy

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