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Furieux, incertain d'où sont partis ces coups,
Volscens ne sait sur qui doit tomber son courroux:
«Eh bien, de ces deux morts tu porteras la peine. »
Soudain s'abandonnant au courroux qui l'entraîne,
Il fond sur Euryale. A cet aspect affreux,
Egaré, hors de lui, son ami malheureux
Ne peut plus supporter sa pénible contrainte ;
Il se montre, il s'écrie, enhardi par la crainte:

« Moi, c'est moi! sur moi seul il faut porter vos coups: » Cet enfant n'a rien fait, n'a rien pu contre vous;

» Arrêtez : me voici, voici votre victime;

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Épargnez l'innocence, et punissez le crime.

» Hélas! il aima trop un ami malheureux :

» Voilà tout son forfait ; j'en atteste les dieux. »
Durant ce vain discours, par la lance mortelle
Déjà frappé de mort Euryale chancelle;

Il tombe: un sang vermeil rougit ce corps charmant;
Il succombe, et son cou penché languissamment
Laisse sur son beau sein tomber sa jeune tête :
Tel languit un pavot courbé par la tempête;
Tel meurt avant le temps, sur la terre couché,
Un lis
que la charrue en passant a touché.
Nisus court, Nisus vole, aussi prompt que l'orage:
C'est Volscens que choisit,
, que demande sa rage.
On l'entoure, on s'oppose à ses transports fougueux:
Inutiles efforts! le glaive furieux

Tourne rapidement dans sa main foudroyante;
Volscens pousse un grand cri: dans sa bouche béante

Tum super exanimum sese projecit amicum Confossus, placidâque ibi demum morte quievit.

Fortunati ambo, si quid mea carmina possunt, Nulla dies umquam memori vos eximet ævo, Dum domus Æneæ Capitoli immobile saxum Accolet, imperiumque pater Romanus habebit.

Victores præda Rutuli spoliisque potiti Volscentem exanimum flentes in castra ferebant Nec minor in castris luctus, Rhamnete reperto Exsangui, et primis unâ tot cæde peremptis, Serranoque, Numâque; ingens concursus ad ipsa Corpora, seminecesque viros, tepidâque recentem Cæde locum, et pleno spumantes sanguine rivos. Agnoscunt spolia inter se, galeamque nitentem Messapi, et multo phaleras sudore receptas,

Et jam prima novo spargebat lumine terras Tithoni croceum linquens Aurora cubile;

Le fer étincelant plonge, et finit son sort.
Ainsi l'heureux Nisus donne et trouve la mort;
Percé presque à l'instant de la lance fatale,
Il se jette mourant sur son cher Euryale,

De son dernier regard cherche encor son ami,
Meurt, et d'un long sommeil s'endort auprès de lui.
Couple heureux! si mes vers vivent dans la mémoire,
Tant qu'à son roc divin enchaînant la victoire
L'immortel Capitole asservira les rois,
Tant que le sang d'Énée y prescrira des lois,
A ce touchant récit on trouvera des charmes,
Et le monde attendri vous donnera des larmes.

Le Rutule vainqueur, de dépouilles chargé,
Rapporte son butin et son chef égorgé,
Et baigne de ses pleurs un guerrier qu'il honore.
Mais le deuil dans le camp est plus affreux encore.
Rhamnès et Serranus, leurs membres palpitans,
Les lits de leur massacre encor tout dégouttans,
Ces longs ruisseaux de sang, et ce récent carnage,
D'une nuit désastreuse épouvantable image,
Enfin tant de héros à la fois moissonnés,
Attachent tristement leurs regards consternés.
Plus loin on se console, on revoit avec joie
Tout ce butin repris sur les héros de Troie ;
Ce casque, les harnois qu'arracha l'ennemi
A Rhamnès expirant, à Messape endormi.
Mais déjà, se jouant dans les airs qu'elle dore,
Des bras du vieux Tithon sortoit la jeune Aurore,

Jam sole infuso, jam rebus luce retectis,
Turnus in arma viros, armis circumdatus ipse,
Suscitat, æratasque acies in proelia cogit
Quisque suos, variisque acuunt rumoribus iras.
Quin ipsa arrectis, visu miserabile, in hastis
Præfigunt capita, et multo clamore sequuntur,
Euryali et Nisi.

Æneadæ duri murorum in parte sinistra
Opposuere aciem, nam dextera cingitur amni,
Ingentesque tenent fossas, et turribus altis
Stant mæsti: simul ora virûm præfixa movebant,
Nota nimis miseris, atroque fluentia tabo.
Interea pavidam volitans pennata per urbem
Nuntia fama ruit, matrisque adlabitur aures
Euryali at subitus miseræ calor ossa reliquit;
Excussi manibus radii; revolutaque pensa:
Evolat infelix, et femineo ululatu,

Scissa comam, muros amens atque agmina cursu
Prima petit; non illa virûm, non illa pericli
Telorumque memor; coelum dehinc questibus implet:
Hunc ego te, Euryale, adspicio? tune, illa senectæ
Sera meæ requies, potuisti linquere solam,
Crudelis? nec te, sub tanta pericula missum,

Et dans l'air répandant ses premières lueurs
Rendoit à l'univers la vie et les couleurs.
Turnus l'a devancée : en son ardeur extrême
Il arme ses soldats, il s'est armé lui-même ;
Chacun a pris son rang, de sa noble valeur
Chacun à ses guerriers a transmis la chaleur.
Au bout d'un fer sanglant à leurs yeux on étale
Les fronts décolorés de Nisus, d'Euryale:
Déplorable trophée, effroyables débris
Que leur barbare joie insulte par des cris.

yeux.

Les Troyens toutefois, ranimant leur vaillance, Sur la gauche du camp redoublent leur défense; Le fleuve ceint la droite: aux postes menacés Une foule nombreuse investit les fossés ; D'autres du haut des tours sur les piques sanglantes Contemplent à regret ces têtes dégouttantes Que voudroient vainement méconnoître leurs Cependant la déesse aux regards curieux, A la bouche indiscrète, à la course légère, D'Euryale immolé vient accabler la mère. Soudain, sans mouvement, sans chaleur et sans voix, Elle tombe : l'aiguille échappe de ses doigts, Et le lin déroulé fuit de sa main tremblante; Mais enfin ranimant sa force languissante, Se meurtrissant le sein, arrachant ses cheveux, Malheureuse, elle part avec des cris affreux, Fend les rangs des soldats, vole au haut des murailles: La pudeur, le danger, l'appareil des batailles,

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