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pouvoir retenir, il fut bientôt contraint à se mettre en règle à cet égard.

Un incident n'étoit pas sitôt terminé qu'on en voyoit naître une légion d'autres. Véritable hydre, la cabale alloit toujours en les multipliant. L'on ne finiroit point si l'on entreprenoit de coter toutes les brigues, les trames, les noirceurs dont l'Académie ressentoit journellement les effets. Ces effets s'opéroient tantôt par des coups fourrés, tantôt plus à découvert, mais toujours au détriment de la bonne cause, celle de l'union et du bien général.

Entre autres, la grande pluralité des suffrages, que ces hommes intrigants s'étoient remis à pratiquer et à s'assurer dans les assemblées, y produisit une confusion et des désordres extraordinaires. Déjà tout recommençoit à s'y décider au gré de leur caprice, sans principes, sans nulle règle et souvent contre toute sorte de raison. Cela alla même si loin que tel, qui n'aspiroit qu'à la simple maîtrise et se trouvoit barré dans sa poursuite par quelque défaut de formalité, étoit, dès que cette cohue se l'étoit mis en tête, élevé tout

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coup au rang d'académicien. Témoin le choix que l'on fit alors du sieur Le Moine, et ce que, peu de temps après, l'on vit arriver à plusieurs autres, au grand scandale de tous ceux chez qui l'honneur académique continuoit d'être en quelque recommandation.

Cet ascendant, que l'on vit ainsi prendre aux esprits brouillons sur la multitude, porta plusieurs des plus considérables d'entre nos académiciens à s'absenter des assemblées. Ils déclarèrent ouverte

ment que c'étoit pour n'être pas témoins de notre absolue dégradation, qu'ils regardoient comme inévitable et sans remède. Tout, en effet, sembloit nous menacer d'un prochain bouleversement. La dépression de l'honneur académique influoit sur toutes nos opérations et sur tous nos mouvements. Nos exercices publics ne pouvoient manquer d'en ressentir le contre-coup. Ils se traînoient comme ils pouvoient entre notre zèle et notre découragement; et sans cesse en proie à ce même esprit de trouble et de confusion qui nous désoloit, ils étoient à la veille de tomber d'une chute commune et de se voir anéantis avec notre heureuse constitution

Pour retarder ce double désastre autant qu'il seroit possible, le secrétaire nous suggéra un moyen auxiliaire, qui, dans la perplexité où nous nous trouvions, fut reçu avec applaudissement : c'étoit d'occuper les assemblées d'une manière qui fût au-dessus de la portée du commun des suppôts de la maîtrise, et qui, en fortifiant l'étude de nos arts, pût aussi servir de soutien à nos exercices publics. En un mot, c'étoit d'établir des conférences réglées sur toutes les parties de la peinture et de la sculpture, où les principes qui les constituent

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seroient expliqués avec méthode et clarté, et avec cette supériorité de lumière que l'Académie étoit seule en état de répandre sur ce plan d'instruction. M Testelin observa que le peu de goût, que la plupart de ceux de la communauté se trouveroient pour ces conférences, ne manqueroit pas de ralentir ce grand empressement avec lequel ils accouroient aux assemblées, et les débarrasseroit ainsi peu peu de cette troupe turbulente et importune. Il ajouta que ce qui pourroit même hâter cet effet seroit la juste distinction que ces conférences feroient faire au public éclairé d'un membre académique d'avec un suppôt de la jurande; distinction qui mettroit ceux-ci dans leur véritable place comme malgré eux, et dont l'idée deviendroit en peu de temps insupportable à leur orgueil et les forceroit à quitter la partie. Il représenta enfin que, quoi qu'il en arrivât de ce moyen, il resteroit à l'Académie la satisfaction de s'être conduite d'une manière digne d'elle, et d'avoir ouvert une voie de plus pour travailler au progrès des beaux-arts, l'objet de ses plus tendres soins.

L'exercice des conférences fut donc résolu tout d'une voix. M. Testelin étoit trop habile pour ne pas tourner la chose de façon à la faire agréer à ceux de la maîtrise comme aux nôtres, la proposant, ainsi qu'il fit, comme de son propre mouve

ment, à l'assemblée générale; il y fut même réglé, au cas que les assemblées ordinaires, suivant que cela se rencontroit quelquefois, se trouvassent trop remplies par les affaires d'administration, qu'alors on en tiendroit une par extraordinaire le dernier samedi de chaque mois. Ce jour-là fut depuis affecté spécialement à ces conférences, sans qu'il fût besoin pour ce d'une nouvelle délibé

ration.

moins

Ce que le secrétaire avoit prévu ne manqua pas d'arriver, mais malheureusement n'arriva qu'en partie. Ceux de la maîtrise ne tardèrent pas de s'ennuyer et de se lasser de ces conférences, et, en conséquence, de s'en éloigner. Néanmoins les jurés et leurs adhérents n'en furent pas âpres à machiner et à mettre tout en combustion,et les assemblées d'administration furent plus bruyantes et plus orageuses que jamais. L'Académie ne vit donc d'autre ressource que de se retrancher presque uniquement dans celles d'instruction. Elle y mettoit toute sa complaisance et toute sa gloire, et n'oublia rien pour les rendre d'une utilité réelle et vraiment transcendante. Elle veilla avec le même zèle sur les succès et le maintien de l'école. Les enseignements les plus ouverts et les plus affectueux y étoient soutenus par une discipline des plus exactes, et, quand il le falloit, des plus sé

vères.

Deux exemples faits à propos vers ce temps en font la preuve, et firent sur les esprits toute l'impression que l'on avoit désiré qu'ils produisissent. L'un regarda un jeune dessinateur qui, en plein exercice, osa faire à un autre une sorte d'appel. L'Académie le bannit de l'école et pour toujours. L'autre tomba sur un gentilhomme qui y étudioit pareillement. Il s'étoit assez oublié pour avoir, en l'absence de l'ancien en mois, tiré l'épée contre le modèle, furieux que celui-ci l'avoit repris sur certaines indécences qu'il venoit de commettre. L'Académie lui décerna la même peine. Le magistrat informé du fait la jugea trop légère, et y ajouta celle de la prison où ce gentilhomme délinquant fut détenu l'espace de plus de trois mois. Cette intervention de la justice dans un châtiment purement domestique fut assaisonnée des témoignages les plus flatteurs de sa singulière considération pour l'Académie. Ses exercices lui parurent d'une utilité si marquée, qu'elle se fit un véritable devoir d'en assurer la tranquillité par la terreur de son nom.

Ce ne fut pas la seule marque que l'Académie reçut dès lors de l'estime où elle étoit chez nos magistrats. Dans la plupart des procès ayant rapport à la profession, où ils trouvoient des difficultés dont l'éclaircissement sembloit être réservé aux yeux de l'art, ils ne manquoient guère de ren

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