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tains énoncés que l'on crut ne pouvoir rendre trop clairs et trop exacts.

Tout ayant ainsi été vu et revu avec la plus grande maturité par sept ou huit des meilleurs esprits de l'Académie, des plus droits et des mieux intentionnés, les articles furent mis au net au nombre de vingt-et-un, et délivrés à M. Ratabon. Il voulut se donner lui-même la peine de les rédiger en forme de statuts, auxquels il imagina sagement d'ôter tout air d'innovation en les produisant comme une simple addition aux anciens, et que d'ailleurs il vouloit libeller comme y étant faite de l'exprès commandement du roi, clause dont il étoit bien assuré de se procurer l'agrément. Cette tournure prévint ou sauva depuis bien des oppositions et des embarras, qui, sans elle, n'eussent pas manqué de traverser cet arrangement, et l'eussent peut-être fait échouer tout à fait. Et, pour ajouter encore à ce caractère d'autorité si respectable, M. Ratabon, après avoir obtenu sur le tout un bon de M. le cardinal premier ministre, dressa aussi un brevet du roi, lequel, en rappelant les statuts nouveaux et anciens, accordoit à l'Académie plusieurs grâces considérables, telles qu'un logement convenable au collège royal; qu'un fonds annuel de mille livres pour l'entretien de l'école; que la faculté exclusive de tenir cette école et de faire les autres exercices publics; l'exemption de toute

tutelle et curatelle, le droit de committimus, la dispense en faveur des académiciens de toutes lettres de maîtrise, etc. Enfin, M. Ratabon n'oublia rien pour donner à notre compagnie les preuves les plus marquées de sa bienveillance et de son crédit.

que

Tant de dispositions n'avoient pu être faites en si peu de temps sans occasionner plusieurs mouvements extraordinaires, et ces mouvements n'avoient pu être si cachés qu'il ne fût à craindre les parties intéressées n'en prissent quelque ombrage. Les choses d'ailleurs approchoient de ce point de conclusion où il étoit temps de rompre le silence qu'on s'étoit imposé. L'on résolut d'y procéder avec la même précaution que celle dont M. Ratabon avoit donné l'idée pour ce qui concernoit la forme des nouveaux règlements, et dans le même esprit. Ainsi l'on insinua tout simplement dans les assemblées communes l'affection dont M. Ratabon se montroit prévenu pour la compagnie, et les avantages qu'il étoit dans l'intention de lui procurer. L'on spécifia quelques uns de ces avantages, comme, par exemple, le logement, la pension annuelle, etc., et l'on laissa entrevoir de grandes espérances pour plusieurs autres. L'on s'appliqua ensuite à réunir tous les académiciens dans les mêmes vues que celles qui faisoient agir leurs illustres chefs, celles de l'hon

neur et du bien général des arts. Cette réunion fut d'autant moins difficile que chacun d'eux en particulier y rencontroit l'objet de ses plus tendres vœux. Tout étant ainsi disposé de ce côté, l'on ne songea plus qu'à se procurer les suffrages nécessaires pour la validation des titres qui devoient fonder le nouvel arrangement.

Ceux de M. le chancelier, par toutes sortes de raisons, devoient être recherchés avant tout. [] étoit le protecteur et en quelque sorte le créateur de l'Académie; car, l'on doit s'en souvenir, la forme primitive de cet établissement étoit son ouvrage. De plus, les arts avoient en lui un père éclairé et tendre, toujours prêt à les secourir au besoin. M. Le Brun, constamment honoré de ses bonnes grâces, avait eu soin de lui rendre compte de tout. Il eut encore celui de ménager auprès de son illustre Mécène une audience favorable pour la députation qui devoit avoir l'honneur de lui présenter le règlement projeté. M. le chancelier s'étoit montré du sentiment qu'une réformation, comme celle dont il s'agissoit, ne pouvoit guère être accordée qu'au corps académique tout entier. Pour le satisfaire sur ce point, on eut attention de convoquer ce corps à l'hôtel Séguier un peu avant l'heure marquée pour l'audience de la députation. Ce fut là que M. Ratabon, en attendant M. le chancelier, parla pour la première fois à l'Aca

démie assemblée. Il lui fit la lecture du projet, expliqua les motifs qui avoient déterminé à telle ou telle disposition, et lui fit connaître les avantages qu'elle ne pouvoit manquer d'en recueillir. Il lut ensuite le brevet qu'il avoit assurance, disoit-il, d'obtenir des bontés du roi. L'effet que produisit cette démarche est facile à concevoir et inutile à détailler ici. M. Le Brun, enfermé avec M. le chancelier, en avoit à peu près évalué la durée. Enfin l'on ouvrit. M. Ratabon se présenta à la tête de la compagnie, et fit à M. le chancelier un compliment convenable, court et parfaitement bien tourné.

M. le chancelier y répondit avec cette bonté et cette affabilité qui lui étoient comme naturelles, mais qu'il sembloit redoubler toutes les fois qu'elles se répandoient sur quelque objet qui pouvoit intéresser M. Le Brun. La compagnie fut saisie d'une respectueuse admiration de voir le tendre intérêt avec lequel cet illustre protecteur voulut bien descendre dans l'examen de tous les articles du projet. Il y en eut peu sur lesquels il ne fît quelque remarque essentielle et transcendante. Les avis pleins de cordialité qu'il donna ou à M. Ratabon, ou aux officiers de l'Académie qui se trouvèrent le plus près de sa personne, voient rien de cette morgue impérieuse si fort en usage chez aucuns ; c'étoient ceux d'un ami con

n'a

sulté par son ami intime et son égal. M. Ratabon ne se rappeloit jamais cette audience sans attendrissement.

En relisant avec un renouvellement d'attention tous les articles du projet, M. le chancelier s'arrêta sur celui qui portoit que l'un des recteurs, professeurs ou conseillers, seroit choisi pour être le garde des sceaux de l'Académie sur quoi il demanda par quelle raison l'on n'avoit pas donné à cet officier la qualité de chancelier: «< Comme >> c'est moi, ajouta-t-il agréablement, qui serois » le premier en droit de contester cette confra» ternité, je veux bien au contraire la permettre, » et je trouverai très bon que l'Académie ait un » chancelier. » Ce grand homme s'expliqua avec la même bonté sur l'article qui autorisoit l'Académie à se choisir un protecteur. Il la conseilla de se prévaloir de cette permission pour se mettre sous la protection de M. le cardinal Mazarin. Par là elle se mettroit plus à portée des augmentations de grâces qu'elle ne cesseroit de mériter, et dont elle avoit encore besoin. L'autorité et la faveur de ce nom seroient peut-être requis même pour faciliter les prochaines expéditions du sceau, et comme les sceaux étoient en ce temps en la garde de M. Molé, M. le chancelier eut encore la politesse de témoigner à la compagnie le regret qu'il avoit de ne pouvoir en cette rencontre la gratifier selon toute

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