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qui pensoient autrement auroient fort mal pris leur temps pour le faire connaître. De la façon que le gros de l'Académie étoit prévenu encore en faveur de la nouvelle union, toute réclamation, quelque bien fondée qu'elle eût pu être, et qui eût paru susceptible d'en altérer la première douceur, eût été regardée et repoussée comme un attentat; cette considération bridoit à chaque pas le courage des zélateurs académiques, trop sages pour se compromettre à contre-temps, et les retint surtout en cette occasion. Les chefs de cabale de la jurande triomphèrent au fond du cœur de ce silence, bien résolus de ne point négliger le nouvel incident en temps et lieu, et de le faire valoir comme un droit acquis contradictoirement.

Une autre tentative, qu'ils firent vers ce même temps pour entamer et troubler le bon ordre de l'administration commune, fut de détourner les deniers provenant de la réception d'un des leurs et d'en disposer en secret et sans l'aveu ni la participation des deux trésoriers de la jonction. Ceuxci dénoncèrent cette entreprise dans une assemblée générale. Les promoteurs et les auteurs de la chose, qui s'étoient bien attendus à cette démarche, convinrent du fait sans biaiser, mais alléguérent un emploi indispensable de la somme, détournée pour l'acquittement de quelques dettes particulières et pressantes de leur corps. La man

suétude académique, toujours prédominante, au lieu de faire ordonner le rapport de ces deniers à la bourse commune, se contenta de faire faire un arrêté portant que chacune des deux compagnies donneroit une déclaration exacte de ses dettes exi

• stantes; au moyen de quoi l'affaire pour lors n'alla pas plus loin.

Ce n'étoit pas tout à fait le compte de ceux qui l'avoient suscitée. Elle n'avoit été hasardée de leur part que pour en engager une autre qui leur tenoit à cœur bien plus capitalement. C'étoit de se ressaisir du maniement et de la dispensation des deniers de leur communauté, qu'ils se repentoient sans cesse d'avoir abandonné avec tant de facilité à ceux qu'ils regardoient comme leurs adversaires. Par là ils se voyoient privés d'un des ressorts les plus puissants pour parvenir, suivant leurs anciens errements, à mettre la confusion dans les affaires et à s'en rendre les maîtres. Sans user d'aucun détour, ils prirent donc le parti de demander déterminément que du moins l'une des deux places de trésorier de la bourse commune fût remplie à toujours par un membre de leur compagnie. Ils appuyèrent sur cette demande avec une vivacité extraordinaire, et firent entendre partout qu'ils vouloient l'emporter absolument, et ne pouvoient persister dans la nouvelle union qu'à ce prix.

Au fond, elle étoit régulière, cette demande, et il n'y avoit que la connoissance certaine des insidieuses intentions de ses auteurs qui pouvoit justifier la conduite de l'Académie à leur égard, et la résolution secrète où elle étoit persévéramment de l'éluder le plus longtemps qu'il lui seroit possible. Pour remplir ce projet et calmer un peu cependant l'ardeur des partisans de la demande, l'on promit d'y avoir égard à la première

mutation.

La cabale, qui ne s'accommodoit pas de cette défaite, se retourna aussitôt et dressa ses batteries pour tâcher de l'accélérer, cette mutation. Ses émissaires s'efforçoient de persuader partout qu'il y avoit un complot formel entre les deux trésoriers en charge de se perpétuer dans le maniement, par l'attrait surtout d'en éloigner les maîtres. Elle savoit parfaitement le contraire, et les démarches, tant de fois réitérées de la part de ces officiers pour être dégagés de ce soin, ne pouvoient laisser aucun doute à ce sujet. Mais ces démarches mêmes, elle n'eut point de scrupule de les qualifier de raffinement de politique et d'orgueil, employé par ces officiers dans la vue de se faire prier de continuer leur gestion, et de s'y maintenir ainsi et plus sûrement et plus honorablement. Elle ne faisoit tout ce manége que dans l'espérance de piquer d'honneur ces deux hom

mes de bien, de blesser leur juste délicatesse, et de les forcer, en quelque sorte, à quitter avec éclat. Alors elle prétendoit bien ne pas manquer

son coup.

Elle eut beau faire, elle ne put, pour cette fois, remplir qu'une très petite partie de son projet. Tous ses efforts aboutirent à mettre les tréso riers dans la disposition où elle les vouloit pour pouvoir aller en avant. Ils ne purent tenir contre l'indignité des imputations dont ils se voyoient chargés, et crurent que ce n'étoit qu'en quittant qu'ils s'en pouvoient disculper envers le public. Frappés de cette idée, ils vinrent en pleine assemblée générale demander leur démission. Il y avoit trop de précipitation et d'émotion dans cette démarche pour que l'on n'en eût pas démêlé le motif, quand même on n'en eût pas été prévenu. Nos chefs les plus transcendants, toujours occupés du bien général et attentifs à tout, avoient vu approcher cet incident et y avoient préparé tous les bien intentionnés. Ils laissèrent d'abord exhaler aux trésoriers cette première chaleur, qui soulageoit leur déplaisir; ensuite ils surent si bien les consoler, les calmer, les ramener et les convaincre, avec toute l'assemblée, du besoin essentiel que l'on avoit encore de leurs services, qu'ils furent contraints, par une espèce de vœu général, de consentir à les continuer, du moins encore

pour quelque temps. Et tel fut le pouvoir de leur réputation et de leur mérite que ce vœu fut formé non seulement par tout ce qu'il y avoit là d'académiciens, mais par tous les plus sages et les plus vertueux d'entre les membres de la maîtrise, qui ne firent nulle difficulté en cette occasion de se ranger du côté opposé à celui des promoteurs de toutes les grandes entreprises de leur communauté. Pouvoient-ils marquer d'une manière plus forte le jugement qu'ils portoient, et que tout le monde devoit porter, de l'esprit dont étoient animés ces derniers?

Cela n'empêcha pas cependant que, peu de jours après, ils ne se laissassent aller à ce même esprit. Il est vrai que les autres, pour se les rattacher, eurent l'adresse, dans un nouveau projet de dissension qu'ils tenoient tout prêt pour le substituer au précédent, de les intéresser d'une manière si directe et si générale, qu'il eût été bien difficile à aucun d'eux de ne s'y livrer pas; car, se voyant éconduits, du moins pour un temps, sur leur prétention à la trésorerie, ils en formèrent aussitôt une autre, toute des plus contraires à l'honneur de l'Académie. La voici : ils demandérent avec apparat que ceux qui seroient désormais agréés ou reçus en qualité d'académiciens fussent tenus de leur payer les mêmes ou semblables droits que ceux que payoient les aspirants à la maîtrise.

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