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est aisé à concevoir que des moyens aussi foibles, aussi bornés, n'avoient pu s'étendre bien loin; car, encore que le premier avoit été de quelque objet dans la formation de l'Académie par le grand nombre de lettres de provision qui avoit, pour ainsi parler, été expédié tout à la fois, le produit de ces lettres, joint à la libéralité mentionnée, avoit à peine suffi aux frais d'aménagement, à l'achat des meubles et des ustensiles, et à tout ce qu'il avoit fallu pour nous établir dans notre premier et ensuite dans notre second logement. Après cela cette ressource, par là même qu'elle avoit si bien rendu tout d'abord, étoit devenue presque à rien. Nulle autre cependant pour subvenir aux dépenses courantes qu'exigeoit notre école académique pour l'entretien des modèles, du luminaire, etc., et qui étoient également indispensables et pressantes.

Ces dépenses pendant un certain temps avoient été soutenues par M. de Charmois, qui les avoit avancées de ses deniers; devenu mécontent de l'Académie parce qu'elle avoit osé ne point approuver ses façons d'agir, il avoit, sans s'expliquer, cessé de prêter ce secours; alors l'on s'étoit tourné du côté d'un petit moyen subsidiaire, fondé à la vérité en justice, mais tout-à-fait contraire à l'éclat et à l'attrait qu'il importoit tant, par toutes sortes de raisons, de conserver aux études académiques. Ç'avoit été d'imposer sur chacun de ceux

qui, sans être académicien ou fils d'académicien, viendroient dessiner d'après le modèle, une taxe de dix sols par semaine.

Il s'en étoit beaucoup fallu que cette taxe eûtrendu assez pour remplir pleinement l'objet de sa destination. Le compte que rendoit, chaque mois, de son produit, l'ancien sortant d'exercice, l'avoit toujours mis en déficit contre la dépense du même mois. Ç'avoit été tantôt plus, tantôt moins, selon qu'avoit été plus ou moins considérable le concours des étudiants sujets à cette contribution; mais il n'y avoit eu aucun compte de rendu sans qu'il s'y fût trouvé un pareil vide, et le solde du compte pour réparer ce vide avoit été à chaque fois tiré de la bourse des académiciens présents..

Bientôt les assemblées, devenues onéreuses par ces boursillements, étoient devenues moins fréquentées; tout le poids de ce supplément avoit en conséquence porté sur le petit nombre de ceux des nôtres qui avoient eu la générosité de ne les point abandonner. La raison et l'équité avoient voulu que l'on mît des bornes à leur zèle, et que l'on prît des arrangements qui, fondés sur un principe d'égalité, fussent susceptibles de quelque sorte de stabilité, c'est-à-dire qu'il avoit fallu en venir à fixer un fonds annuel et à répartir ce fonds sur tous les académiciens indistinctement: il servit à soutenir notre école chancelante à travers deux années

assez critiques, et jusqu'au temps où nous allons reprendre le fil de notre histoire.

Quelque modique que se trouvât, par rapport à chaque académicien en particulier, la quote-part de ce fonds annuel, elle étoit, vers la fin de ce terme, devenue à plusieurs un grand sujet de refroidissement et de dégoût. Ce beau zèle qui, à l'avénement de l'Académie, avoit paru embraser tous les cœurs, ne se conservoit plus guère que dans ceux qui, véritablement épris de leur art, ne connaissoient d'autres intérêts que celui de son indépendance et de sa gloire. Par malheur ces derniers ne se trouvoient pas en assez grand nombre dans la compagnie pour y donner le ton et y faire prendre le dessus à ces nobles sentiments dont ils étoient animés. C'en étoit trop, au gré du commun de nos académiciens, de prodiguer à un objet d'utilité générale, et tout-à-fait étranger à l'égard de plusieurs, et temps, et soins, et lumières, et d'avoir encore à acheter cette corvée, ils n'hésitoient pas à la qualifier ainsi, à beaux deniers comptants; il étoit difficile que ces murmures sans cesse répétés n'entrainâssent à la longue ceux qui entre ces deux partis en formoient un mitoyen et s'étoient tenus jusque là dans une sorte d'état de neutralité et d'indétermination; aussi défilèrent-ils presque tous, pour suivre le gros des mécontents, et cessèrent-ils de se trouver et aux assemblées et aux exercices

publics. Pour les calmer et retenir ceux qui nous restoient encore, l'on abolit la taxe annuelle, laquelle ne subsista en tout que pendant trois ans.

L'exemple de cette espèce de désertion fut contagieux pour la jeunesse, que nous regardions comme la partie la plus précieuse de notre école. Nous eûmes le déplaisir de la voir s'en retirer par troupes entières de là une diminution notable dans le produit de la rétribution qu'elle fournissoit, qui de semaine en semaine alloit en se fortifiant, et surcroît proportionné de besoins supplémentaires et d'embarras. Mais de là aussi nouvelle occasion pour les plus affectionnés d'entre nos anciens de signaler leur courage et leur générosité. Ils s'en saisirent d'une manière digne d'eux, et il est certain que, sans l'honnête abondance du secours qu'ils s'empressèrent de donner en cette occurrence, c'eût été fait alors de ce bel établissement.

Les jurés de la maîtrise et leurs adhérents l'avoient toujours eu trop en hainé, cet établissement, pour être les derniers à s'apercevoir de cette espèce de délaissement général dont il paroissoit menacé, et pour ne pas songer tout aussitôt à tourner à leur profit cette espèce de revers qu'ils eurent la joie de nous voir essuyer. Cette même haine, jointe à leur intérêt particulier, sembloit les porter assez fortement vers cet objet, sans

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qu'ils eussent besoin d'aiguillon pour les y pous-
ser encore davantage. Ils en trouvèrent un ce-
pendant dans les instigations et dans les promes-
ses d'une personne considérable dans la peinture,
qui, en cette occasion, voulut bien se respecter
assez peu pour n'écouter que la voix de son dé-
pit. Ce point de notre histoire est assez curieux
pour mériter d'être expliqué ici un peu plus en
détail.

pas

que

Le personnage en question conservoit un vieux
ressentiment contre le corps académique de ce
que, lors de la formation de ce corps, on ne lui
en avoit point déféré les premiers honneurs. Il ne
pouvoit lui pardonner l'énorme manquement où
il présuma qu'en cela nous étions tombés à son
égard. Je ne voudrois dire
de notre part
il eût été traité avec une impartialité bien pure et
bien parfaite, et comme je me suis proposé d'être
vrai en tout, je crois devoir convenir que dans
la compagnie l'on étoit assez peu prévenu en sa
faveur. De son côté, il ne s'étoit jamais trop ap-
pliqué à s'en concilier l'estime ou l'affection, et
avoit toujours montré pour ses confrères plus de
dédain que d'empressement. On l'accusoit d'être
fort envieux, fort subtil à décrier tout talent su-
périeur, et d'avoir su infatuer le courtisan ignare
de la qualité de juge-né des beaux arts, pour s'en
faire préconiser le coryphée, et l'on prétendoit

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