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que ces compositions ornoient la partie supérieure du mur dans lequel étoient pratiquées ces deux ouvertures. L'exemple du Parthenon d'Athènes vient d'ailleurs à l'appui de cette disposition, puisqu'on sait qu'une frise continue décore, sur les quatre côtés, le mur extérieur du naos; et si cet ornement ne fut appliqué, suivant le témoignage de Pausanias, qu'aux deux façades principales du temple de Jupiter Olympien (1), cela s'explique très-bien par le choix même des sujets qui, se trouvant limité dans le nombre des travaux d'Hercule, ne comportoit qu'une suite de six groupes, en autant de bas-reliefs, sur chacune de ces façades. J'observerai enfin qu'Athènes elle-même nous offre, dans l'un des chefs-d'œuvre de l'architecture antique, dans le temple de Thésée, une analogie décisive, puisqu'on sait que le mur extérieur du pronaos est décoré de basreliefs semblables aux nôtres pour la dimension, pour la forme et pour la saillie. Si à ces raisons, qui nous semblent péremptoires, appuyées qu'elles sont sur le texte de Pausanias et sur l'autorité des monumens, nous ajoutons que, d'après le témoignage de M. Blouet, nos fragmens de sculpture ont été trouvés dans l'enceinte même du temple (2), ce qui paroît indiquer qu'ils y avoient été employés à l'intérieur, probablement sous le portique, et si nous observons que l'état de conservation d'une partie de ces sculptures ne permet pas de croire qu'elles aient été exposées durant des siècles à l'action de l'air extérieur, il devra rester à-peu-près certain qu'elles occupoient, en effet, au-dessus des deux portes du naos et de l'opisthodome, la place que leur assigne Pausanias.

Cet état de conservation est sur-tout sensible, dans un bas-relief dont je me suis réservé de parler en dernier lieu, et qui constitue en effet de toute manière un morceau à part et, suivant moi, du premier ordre; c'est une figure de Femme, vêtue et assise sur un rocher, où elle s'appuie de la main gauche, tandis que de la main droite, ployée au-dessous de sa poitrine, elle tenoit un rameau, probablement d'olivier; et, suivant toute apparence, ce rameau, qu'elle présentoit à un personnage debout près d'elle, qui ne pouvoit être qu'Hercule, étoit rapporté en bronze (3). D'après

(1) C'est ainsi qu'au temple de Thésée, à Athènes, les métopes seules de la façade principale, et les quatre qui suivent immédiatement sur les deux faces latérales, étoient ornées de bas-reliefs; toutes les autres métopes, tant à la façade postérieure que sur les deux côtés, étant restées lisses. — (2) C'est ce qui résulte d'ailleurs du plan même de la fouille, soigneusement dressé par M. Ravoisier, jeune et habile architecte, qui eut principalement la direction de cette fouille, et qui m'a communiqué ce plan, sur lequel est indiquée la place où chaque fragment a été trouvé. (3) La cavité qui traverse cette main de part en part, n'étoit propre en effet qu'à recevoir une tige métallique, soit d'olivier, soit de tout autre arbre symbolique. Du reste, l'absence

l'attitude et le mouvement de cette figure, mais sur-tout d'après l'égide qui lui couvre toute la partie gauche du corps, en descendant de l'épaule droite, on ne peut méconnoître en elle Minerve, la divinité protectrice d'Hercule, qui l'assista dans tous ses travaux; et il est à présumer que le motif de cette figure, le geste qu'elle fait de la main droite, et la branche qu'elle tenoit de cette main, avoient rapport à la tradition antique, célé brée par Pindare (1), qui attribuoit à Hercule l'introduction dans la Grèce de l'olivier sauvage, et en vertu de laquelle on se servit d'une branche de cet arbre pour les premières couronnes olympiques (2). A ce titre, il est facile de voir, sans qu'il soit nécessaire d'insister sur ce point, combien la présence de Minerve, avec la branche d'olivier, qui étoit l'attribut distinctif de cette déesse et qui avoit aussi à Olympie un intérêt particulier, s'associoit naturellement à l'image des travaux d'Hercule, en y ajoutant un trait d'histoire local et populaire.

Il nous reste à rendre compte des particularités qui distinguent nos sculptures d'Olympie, par rapport au mérite de l'art. C'est un point qui devroit sans doute être l'objet d'une discussion approfondie, et qui ne sauroit conséquemment être traité ici avec les développemens nécessaires; nous nous bornerons donc en ce moment à quelques considérations générales.

En ne perdant pas de vue que ces bas-reliefs étoient faits pour être placés à une assez grande hauteur, soit sous les portiques, commme j'incline à le croire, soit sur la frise extérieure, comme on l'a d'abord supposé (3), et en observant qu'à raison de cette destination, on n'a pas dû chercher à mettre, dans de pareilles sculptures, cette élégance et ce fini d'exécution qu'auroient comportés des ouvrages d'une plus grande importance placés plus près de l'œil, on ne pourra s'empêcher d'y admirer le savoir qui brille jusque dans les moindres fragmens, la justesse et la vivacité du mouvement, la noblesse et la vérité des formes, une sobriété de détails qui produit l'élévation du style, mais non pas aux dépens du naturel, la franchise du travail, jointe à une vérité d'imitation qui, dans l'état de dégradation où nous apparoissent ces bas-reliefs, produit presque l'illusion de la réalité; en sorte que des membres épars, des mains, des bras et des

de cet attribut rapporté est presque la seule chose qu'on ait à regretter dans ce-bas-relief, avec quelques fractures faciles à réparer, au bras droit, et malheureusement encore, avec la mutilation du nez, qui n'eut lieu, après la découverte et même après le dessin achevé de cette figure, que par la faute d'un des ouvriers grecs employés à la fouille.

(1) Pindar. Olymp. III, 24, sq. (2) Pausan. v, 7, 4: xay for vixnoarta.... καὶ νικήσαντα.... xλáda o reparwy KOTINOY. (3) C'étoit l'idée de M. Blouet, κλάδῳ στεφανώσαι

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jambes séparés du tronc, semblent pour ainsi dire moulés sur nature, que des marbres brisés par morceaux font presque l'effet d'une chair qui palpite. Ces qualités sont particulièrement sensibles dans le groupe d'Hercule et du taureau, dans la figure du lion couché, dans le fragment du groupe de Géryon, et sur-tout dans la Minerve, morceau capital, où la grâce et la simplicité du style, d'accord avec une vérité d'imitation portée au plus haut degré, produisent une des figures les plus originales, d'une pure école grecque, qui soient sans doute venues jusqu'à nous.

Le caractère de tête, dans les deux seules figures que nous ayons recouvrées, l'Hercule et la Minerve, n'est pas moins neuf ni moins remarquable. Celui qui se retrouve dans les cinq têtes d'Hercule, toutes plus ou moins endommagées, tel qu'il nous apparoît dans une de ces têtés qui n'a presque souffert aucune atteinte, n'offre aucun des traits de ce modèle, tant soit peu conventionnel, qu'on croyoit exclusivement propre aux effigies d'Hercule. C'est un type tout nouveau, qui se distingue sur-tout par la vérité, et qui nous représente sans doute une de ces belles têtes grecques, prises dans une nature choisie plutôt que dans un idéal systématique (1). La même observation s'applique plus particulièrement encore à la tête de la Minerve: il suffiroit de la seule apparition de cette tête, d'un caractère si pur, d'une expression si naïve, qu'on croiroit modelée d'après quelque charmante vierge de l'Élide, pour réduire à leur juste valeur ces théories arbitraires, qui voudroient que f'art grec n'ait eu qu'une seule nature ou qu'une seule physionomie pour chaque personnage, et que celui de Minerve, en particulier, ait affecté constamment une certaine austérité de formes, une certaine sévérité d'expression. Ici tout est naïf, simple, aimable et vrai. La déesse a maintenant la tête nue; mais quoique cette particularité ne soit pas tout-à-fait sans exemple (2), il est plus probable qu'elle avoit

(1) Seroit-ce trop hasarder que de supposer que cette tête d'Hercule, d'un caractère si différent de celui qui fut adopté plus tard comme type idéal des effigies de ce héros, et d'une physionomie si sensiblement individuelle, étoit imitée de l'ancien portrait d'Hercule, attribué à Dédale, et conservé à Pise en Élide? voy. Apollodore, II, 6, §. 3.-(2) Une belle médaille d'Héraclée de Lucanie, médaille encore inédite, et dont je ne connois même que deux exemplaires, l'un dans la collection de M. le duc de Luynes, l'autre dans celle de M. Dupré, offre, d'un côté, la tête de Minerve, nue, et couronnée d'un rameau d'olivier sauvage xxada novou, tournée à droite, et placée sur l'égide, qui remplit presque tout le champ de la médaille; au revers, Hercule assis sur un rocher, avec ses armes près de lui, et tenant son scyphus de la main droite, tel qu'on le voit figuré sur de belles médailles de Crotone, d'après une excellente statue de Lysippe.

autrefois la tête couverte d'un casque rapporté en bronze, de même qu'elle tenoit à la main une tige métallique d'olivier, suivant ce système de sculpture polychrome qui obtint dans la Grèce antique tant d'heureuses applications, et dont, il y a quelques années encore, nous soupçonnions à peine l'existence. Mais une particularité qui me semble tout-à-fait nouvelle, et qui est commune à l'Hercule et à la Minerve, c'est la manière dont les cheveux sont indiqués par masses, sans aucune espèce de détails; système suivi uniformément jusque dans la barbe des têtes d'Hercule. Il est assez difficile de se rendre compte de cette absence complète de détails dans la barbe et dans les cheveux, à des figures traitées, du reste, avec tout le soin et terminées avec toute l'habileté que comportoit l'espèce de sculptures dont elles faisoient partie, si ce n'est en supposant que ces sculptures, placées, comme je le présume, sous des portiques, et à une hauteur qui ne recevoit pas directement le jour extérieur, avoient pu se passer de pareils détails, et, conséquemment, qu'il avoit pu entrer dans les intentions de l'artiste de se borner à une simple indication. On ne supposera pas, en effet, que la barbe et les cheveux de toutes les têtes soient restés à l'état d'ébauche, quand tout le reste des figures étoit terminé, faute de temps ou de ressources, ou par tout autre motif semblable, puisque nos bas-reliefs, qui sont de marbre pentélique, rapportés dans la matière du temple, qui étoit un tuf calcaire (1), ont dû être travaillés dans l'atelier, et non exécutés sur place. On ne sauroit non plus admettre que les détails, supprimés ici par le statuaire, aient dû être supplées à l'aide de la peinture, dans ce même système de sculpture coloriée, dont nous n'avons plus, après en avoir reconnu et contasté l'existence chez les anciens, qu'à nous défendre de pousser trop loin les applications; car c'est un défaut assez naturel et assez ordinaire à l'esprit humain, d'abuser d'une vérité long-temps contestée, et de gâter par l'exagération une idée heureuse et nouvelle. Sans entrer ici dans l'examen de ces applications, il paroît constant que nos sculptures d'Olympie n'en ont point offert d'exemple. On n'y retrouve nulle part de traces de couleur (2), si ce n'est

(1) C'est encore un point sur lequel le témoignage de Pausanias s'est trouvé confirmé par les matériaux mêmes de ce temple mis à découvert. Les expressions dont se sert notre auteur, in zweiov nápov, et que son dernier interprète, M. Siebelis, voudroit à toute force entendre d'une espèce de marbre propre à faire des statues aussi bien qu'à bâtir des temples; ces expressions, dis-je, désignent un tuf du pays; et c'est en effet d'une pierre de cette espèce qu'étoit construit le temple d'Olympie.—(2) Je dois pourtant avouer qu'il s'est conservé quelques foibles vestiges de couleur rouge dans la bouche de la Minerve. Maist après l'examen le plus attentif, répété à plusieurs reprises, je n'ai pu découvrir aucune autre trace de couleur en aucun autre endroit de ces bas-reliefs.

un ton général rougeâtre, dù sans doute à la préparation encaustique dont ces marbres furent enduits, et qui subsiste encore en quelques endroits. L'architecture du temple est restée de même étrangère à ce mélange de peinture, qui eut lieu quelquefois dans certains édifices et sous certaines conditions, non pas avec cette généralité et avec cette étendue qu'on paroit aujourd'hui disposé à lui accorder, après s'être montré long-temps obstiné à la repousser; et néanmoins la nature poreuse de la pierre dont est construit le temple d'Olympie, et qui nécessita l'emploi du stuc, sembloit se prêter plus qu'aucune autre matière à cette application de couleurs, dont le principe se trouvoit d'ailleurs si bien en rapport avec celui de l'art qui produisit le colosse de Phidias, placé dans l'intérieur du temple, et avec tout le système de sa décoration.

Quel que soit le vrai motif de la particularité que j'ai signalée, on ne pourra s'empêcher d'en être frappé sous un autre rapport, en ce qu'elle contraste tout-à-fait avec le système suivi dans une célèbre école grecque, dans celle d'Egine, où la barbe et les cheveux sont traités avec des détails si multipliés et avec un soin si minutieux. Le même contraste se retrouve, bien qu'à un moindre degré, dans le style du nu et des draperies, si l'on compare, sous ce point de vue, les productions des deux écoles. La manière dont sont exécutées nos sculptures d'Olympie, se recommande, en général, par un goût simple et large dans la draperie, et par une grande sobriété de détails dans le nu; et c'est, comme on le sait, dans des principes tout différens que sont traitées les sculptures éginétiques, qui se distinguent, entre toutes celles des diverses écoles de la Grèce, par une multiplicité et une régularité de plis, par une abondance et une finesse de détails, d'où résulte, en grande partie, le caractère singulièrement original de cette école. Il y auroit, dans l'examen de ces divers principes, dans l'appréciation de ces divers procédés, presque toute une théorie d'art à établir, pour laquelle les sculptures d'Olympie fourniroient des élémens nouveaux et authentiques. Il y auroit aussi plus d'une comparaison intéressante à faire, sous le rapport du système général d'imitation et du mérite relatif d'exécution, entre nos sculptures d'Olympie et celles que nous connoissons maintenant pour appartenir à d'autre écoles greques contemporaines, telles que celles du Parthenon d'Athènes, des temples d'Égine et de Phigalie. Mais de pareilles considérations, qui embrasseroient une partie considérable de T'histoire de l'art grec, ne sauroient être même indiquées dans ce rapport. Nous nous bornons à dire qu'à ce titre seul d'élémens nouveaux, d'élémens authentiques, de l'histoire de l'art, nos bas-reliefs d'Olympie acquièrent une importance peut-être supérieure à leur mérite réel. Nous ajouterons, pour dire ici notre pensée toute entière, que, bien que l'exécution de ces bas

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