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la migraine n'est pas un mal dangereux. La migraine! vous croyez bonnement que c'est la migraine qui le retient dans sa chambre, et qui le rend inaccessible à tous ses amis? Il est dans son lit,... et très-assonpi, à ce que m'a dit son valet. de-chambre. Oui, assoupi!... Quoi! vous ne soupçonnez pas la vérité? Non, je vous assure; mais je ne suis pas du tout soupçonneux.

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Vous avez de la candeur, je le sais, mais vous avez aussi de la finesse et du tact; d'ailleurs, il ne s'agit ici que de deviner une chose belle, grande, et même héroïque, on peut le dire. - Et quel rapport cela peut-il avoir avec la migraine de Fon-. rose? Je vais vous révéler un grand secret; mais votre intérêt, celui du malheureux Fonrose m'y oblige. Promettez-moi une discrétion à toute épreuve, et, sur toute chose, de ne jamais dire à Fonrose que je vous ai dévoilé ce mystère. Je vous en donne ma parole.-J'y compte.-Eh bien!

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Apprenez donc que Fonrose est votre rival. -Mon rival!....-Oui, mon cher vicomte, il adore Louise; il se flattait de l'obtenir de sa mère, mais en découvrant votre passion, et en voyant qu'elle avait du penchant pour vous, il s'est sacrifié sans hésiter. Je vous proteste, madame, que j'étais à mille lieues d'imaginer cela; je ne l'aurais pas souffert. -A présent que vos yeux sont ouverts, vous vous rappellerez bien des choses qui ne vous laisseront aucun doute sur les sentimens de l'infortuné Fonrose. En effet il m'a toujours parlé de mademoiselle de Forlis avec un enthousiasme.... Qui n'aurait pas dù vous paraitre naturel . . .,. L'amour seul peut s'exprimer ainsi. Cela est vrai. Il l'aime éperdument. Il s'en meurt. — Je l'ai toujours regardé comme un parfait honnête homme, et ce trait-la met le comble....-Vous ne le laisserez point périr, ce rare et fidèle ami!....

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Mon dieu, madame, que faut-il faire pour lui rendre la santé tout de suite? Ecoutez: je dois vous dire encore que M. votre père arrive aprèsdemain, et qu'il est irrévocablement décidé à vous unir à la personne qu'il a choisie. J'ai su cela par le plus grand hasard du monde, mais avec certitude. Voulez-vous donc vous brouiller avec votre père, et causer la mort de votre ami? - Non, non, madame; je renonce à mademoiselle de Forlis.Ce noble sacrifice est digne de vous. Voici comment vous devez vous conduire. Ne dites pas un seul mot à Fonrose; il est convenu que vous parlerez demain à madame de Forlis, pour lui demander la main de sa fille, et au lieu de cela vous lui direz qu'une lettre de votre père vous apprend qu'il a pris des engagemens pour vous marier sous peu de jours, et que vous venez prendre congé d'elle; ensuite vous partirez courageusement sans voir Fonrose ou mademoiselle de Forlis. Oui, madame; je ferai de point en point tout ce que vous me prescrivez.

Cette générosité ne coûtoit guère à Verdac; néanmoins, quoiqu'il fut aussi peu susceptible d'une vive amitié que d'amour, il eût été capable de faire en ce moment un véritable sacrifice à Fonrose. Il avait une ame très-commune, mais il devait à une excellente éducation, de bonnes opinions et des principes honnêtes; et c'en est assez pour se conduire noblement dans la jeunesse, quand des passions violentes ne combattent point ces premières impressions. Verdac sentait peu, mais il pensait bien; il n'avait ni assez d'expérience, ni assez d'esprit pour distinguer les nuances; il confondait facilement l'héroïsme avec le simple devoir, et ne jugeant jamais que d'après ceux qui possédaient sa confiance, il aurait fait niaisement une action su→ blime, sans en connaître la grandeur et sans en

tirer vanité, si la personne qui le menait la lui eût prescrite. La comtesse Adrienne craignant d'être surprise tête à tête avec Verdac, le laissa dans le jardin et rentra dans la maison. Le vicomte réfléchit mûrement à ce qu'on venait de lui dire, et il prit la résolution de servir efficacement son ami avant de partir, sans dire que la comtesse Adrienne lui eût parlé. Il avait naturellement un peu de commérage dans le caractère; il se faisait un grand plaisir de causer à un autre la surprise qu'il venoit d'éprouver lui-même : d'ailleurs, il n'étoit pas fàché de se faire valoir un peu sur le sacrifice de son amour et sur l'abandon de ses prétentions. Le soir même, il demanda mystérieusement à madame de Forlis une entrevue particulière; elle lui donna rendez-vous pour le jour suivant à neuf heures du

matin.

Le lendemain, le vicomte, avant l'heure indiquée, était à la porte de madame de Forlis; on le fit entrer sur-le-champ, et il fut d'abord très-embarrasé de se trouver tête à tête avec une femme de quarante ans qui lui paraissait très-imposante; mais rassuré, en songeant aux belles choses qu'il allait révéler, il prit enfin la parole: Madame, ditil, je vais vous dire des choses très-surprenantes... Ce début fit sourire madame de Forlis. Je crois, répondit-elle, que je les devine à peu près..... Non, madame, cela est impossible... — Eh bien, qu'est-ce donc ? Vous croyez sans doute que M. de Fonrose a eu la migraine hier; point du tout, madame... Comment! je ne comprends pas...-M. de Fonrose n'avait point la migraine. -Après, monsieur, que voulez-vous dire? M. de Fonrose est dans un état très-dangereux; il se meurt...O ciel! interrompit mad. de Forlis, saisie d'effroi ; il faut envoyer à Paris chercher des secours. A ces mots, elle se levait pour se précipi

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ter sur son cordon de sonnette. Le vicomte l'arréta. Non, madame, dit-il; non, il n'a pas besoin de médecin; vous pouvez le guérir d'un mot.... Il est passionnément amoureux de mademoiselle Louise de Forlis... Ici, Verdac ne parut plus niais et ridicule aux yeux de madame de Forlis, et elle l'écouta avec autant d'attention que d'intérêt. Quoi! dit-elle, de ma fille aînée? - Oui, madame, il: l'adore... - En êtes-vous bien sûr? Oui, madame, c'est un fait avéré. Et pourquoi ne se déclarait-il point?-Parce qu'il a découvert que j'ai les mêmes sentimens... - Et qu'il aura supposé que ma fille les partageait! Ah! que cela est touchant, et de part et d'autre !... En disant ces. paroles, madame de Forlis essuya ses yeux remplis de larmes, et tendant la main à Verdac: Mon cher vicomte, dit-elle, je suis vivement touchée de votre candeur et de votre générosité. Je ne fais que mon devoir, madame, reprit le vicomte animé par cet éloge; et je vous demande pour M. de Fonrose, la main de mademoiselle Louise de Forlis. C'étoit bien tout ce que madame de Forlis desirait; car elle ne comprenait pas comment sa fille pouvait préférer Verdac à Fonrose, quoique de cet instant elle estimât profondément le premier. Certaine de son empire sur l'esprit de Louise, elle voulait la prévenir avant de s'engager;' mais Verdac la pressa tellement d'envoyer chercher Fonrose sur-le-champ, qu'elle y consentit. En l'attendant, le vicomte se promenait dans la chambre en se frottant les mains; il jouissait d'avance de l'agréable surprise qu'il allait causer à son ami. Fonrose arrivé, le vicomte court à lui, et l'embrassant: Mon ami, lui dit-il, remerciez madame de Forlis; elle consent à votre union avec celle que vous aimez. A ces mots, le vicomte ne doute point que son secret n'ait été découvert ; il

croit qu'on lui offre la main de Juliette; et, transporté de joie, il tombe aux pieds de Mme de Forlis. Cette dernière, vivement attendrie, lui dit : C'est votre généreux rival qu'il faut remercier... Ces paroles furent un coup de foudre pour Fonrose; il entrevit une partie de la vérité, et il eut assez de présence d'esprit pour ne rien dire, et pour baisser la tête. sur les genoux de Mme de Forlis, afin de cacher la surprise et la consternation qui devaient se peindre sur son visage. Oui, mon ami, s'écria le vicomte, je vous cède mademoiselle Louise de Forlis; je vais partir :- mon père arrive aujourd'hui, je vais l'aller retrouver; et pour vous ôter tout sujet d'inquiétude, j'épouserai tout de suite la personne qu'il me destinait... Non, non, interrompit Fonrose en se relevant impétuensement; je n'abuserai point de tant de grandeur d'ame... J'ai cédé à un premier mouvement dont je n'ai pas été le maitre; mais la réflexion me rend à moi-même.... Mon cher Fonrose, reprit Verdac, mon parti est tout-à-fait pris; mes chevaux sont mis, je pars: dans l'instant..... Je ne le souffrirai pas, repartit Fonrose... Adieu, madame, dit Verdac, en faisant une profonde révérence à madame de Forlis qui, pendant ce dialogue héroïque, pleurait d'admiration; adieu. En prononçant ces paroles, il sortit précipitamment'; Fonrose le suivit, et quand ils furent sur l'escalier, Fonrose saisit Verdac par le bras, et l'entraîna malgré lui, en donnant ordre à un do mestique de renvoyer les chevaux de poste.

Verdac, conduit dans sa chambre par Fonrose, répéta qu'il persistoit dans son dessein. Il ne s'agit point ici, lui dit Fonrose, de votre amour et du mien; nous ne devons nous occuper que de Louise:› c'est vous qu'elle aime, et il ne vous est pas permis d'être généreux avec moi aux dépens de son bonheur; d'ailleurs, puis-je accepter le sacrifice que

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