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riche & fécond, où les tréfors font cachés fous les fleurs, où l'on ne fçauroit faire un pas, qu'on ne foit tenté de le parcou rir tout entier; ceux qui y moiffonnent les premiers, n'ôtent rien à ceux qui y viennent après eux ; que dis-je ? Ils ajoutent encore à l'abondance, & d'âge en âge ce champ devient toujours plus vafte & plus fertile.

C'est à vous d'en procurer l'agrandiffement, vous que diftinguent la naiffance& les dignités; aimez les Sçavans, animez les par votre accueil, dont ils font encore plus jaloux que de vos bienfaits. Si la fociété vous eft chere, c'est à ce foin qu'elle connoîtra votre amour pour elle; les fages Miniftres, les grands Capitaines,. ne leur font pas plus néceffaires que les protecteurs des Lettres.

Les premiers mettent l'ordre & la difcipline dans un Etat, ils y attirent même l'abondance; les feconds le défendent des. entreprises ennemies; c'eft dans leur cou rage & dans leur expérience que réside La fûreté publique; mais les autres, en faifant fleurir les Lettres, affurent à la fociété cette politeffe des mœurs, ce commerce; agréable des efprits, cette riche moiffon, de lamieres & de connoiffances, qui affaiLonne, pour ainfi dire, l'abondance & la

fureté même. Les uns ne pourvoyent qu'aux befoins du corps ; les autres pour voyent à ceux de l'efprit ; & quel bonheur plus digne de l'homme que celui qui le regarde du côté de l'intelligence?:

Difons plus tous les avantages de la fociété tiennent aux Lettres par des liens très-forts, quoiqu'auffi très-délicats ; c'est à elles de perfectionner les talen's naturels, qui demeureroient toujours dans des bornes bien étroites, fi les exemples ne leur aidoient à s'étendre & à fe développer.; c'eft à elles de faciliter le progrès des: Sciences & des Arts, ou nous ne ferions tout au plus que renouveller les effais des Inventeurs, fi nous n'étions inftruits de ce qu'on y a découvert avant nous. Il fau droit commencer par pofer les premiers fondemens, au lieu que nous n'avons qu'à continuer l'édifice, & qu'ajoutant quelque chofe à ce qui eft déja connu, il no nous faut pas plus de pénétration pour enfanter des prodiges, qu'il n'en a fallu d'abord pour les plus groffieres découver

LS.

Ne fommes-nous pas même redevables, aux Lettres des fages politiques qui nous gouvernent, & des Héros qui nous défen dent ? N'ont-ils pas augmenté leurs lumieres par l'étude? & l'exemple de ceux que

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l'Histoire a célébrés, n'a-t'il pas fervicom me d'aiguillon à leur vertu ?

Peignons donc d'un feul trait, tout ce que le Protecteur des Lettres fait pour la fociété. Il femble ne lui former que des Philofophes, des Hiftoriens, des Poëtes & des Orateurs; il lui prépare par-là de grands Rois, des Miniftres éclairés, de redoutables Capitaines, d'équitables Magiftrats; il répand enfin fur toutes les conditions la lumiere & l'émulation, qui perfectionne tout.

Quel prix recevra-t'il d'un fi grand! bienfait ? L'eftime: c'est ce que les hommes ont de plus cher, & le prix dont ils payent ce qui eft au-deffus de toute autre récom pense.

Comment le Protecteur des Lettres: pourroit-il ne pas recevoir de fon fiécle tous les honneurs qu'il mérite ? Les Sça vans font intéreffés à publier fes louanges,. & ce font les Sçavans qui donnent le ton aux autres ; les hommages qu'ils rendent à fa vertu, lui en gagnent de nouveaux par tout où ils fe répandent; & de ce concours d'éloges dictés par la reconnoiffance, il fe forme bientôt un applaudiffement gé néral.

Mais c'eft trop peu pour lui de l'eftimede fon fiécle; qu'il compte encore fur celle

de l'avenir. Toute chimérique qu'eft cette forte d'immortalité pour ceux qui ne vivent plus, on ne peut , on ne peut nier du moins qua ce ne foit un bien réel pour ceux qui l'ef pérent. Nous avons beau faire les Philofophes, nous ne fçaurions nous rendre indifferens fur la réputation que nons laifa ferons après nous, & puifque la raifon ne fçauroit étouffer cet instinct, elle doit s'y accommoder, & fe foumettre en cela aux vûes de la Nature, qui ne nous l'a pas donné fans deffein. Nous propofons done: aux Grands qui protégent les Lettres, l'efpérance d'un nom durable, comme un bonheur digne de les flatter.

Qu'ils voyent ce que l'Antiquité nous, atranfmis de véneration & d'amour pour ce favori d'Augufte, à qui nous devons peut-être les Virgiles, les Ovides & les; Horaces.

Son nom, qui eft aujourd'hui l'éloge de ceux qui l'imitent, n'eft pas moins illuftre par la feule protection des Lettres, que les noms des Héros le font par la conquête des Empires.

Mais pourquoi chercher fi loin des exemples, quand nous en avons de domeftiques? Ce génie fupérieur, qui fous. le dernier de nos Rois a porté fi haut la gloire de la France & celle des Lettres,

ne reçoit-il pas encore tous les jours de part des Sçavans, des tributs d'eftime & de reconnoiffance? La fuire des fiécles ne fera qu'ajouter à fa renommée : heureuses les Nations où l'éclat de fa gloire fera.naître des imitateurs de fes vertus.!

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Les jeux, les ris, en foulé ont quitté ce rivage i.

La trifte Flore a marché fur leurs pas, Et ces bords, où nos yeux découvroient mill appas,

N'offrent plus qu'un défert fauvage,.

Où l'ennui fait fubir un fâcheux esclavage
A ceux que leur malheur arrête en ces climats..
L'herbe en nos prés paroît mourante;

Les bergers ne font plus réfonner leurs hautbois.
On n'entend plus d'oifeau qui chante;

Tout garde le filence; écho n'a plus de voix,
D'où vient un revers fi funefte?

Qui caufe ces malheurs ? Eglé n'eft plus ici :
Les plaifirs l'ont fuivie; hélas ! il ne nous refte:
Que les chagrins & le fouci.

Rarfon abfence on voit dépérir toutes choses...

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