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leur, en reconnoiffant qu'elle étoit privée du jour ? Que je fuis malheureux, s'écriat'il, en refermant la caiffe, & la pouffant fous un lit ! Je ne trouve ce qui peut me plaire que pour être privé de l'efpérance de le pofféder. Il devint rêveur & mélancolique, cent fois le jour il revenoit dans fa chambre, & toujours feul, pour admirer & contempler un objet privé de la vie, mais dont il étoit fi éperdu qu'il auroit donné tout fon Royaume pour lui faire retrouver la lumiere. Il fe levoit plufieurs fois dans la nuit, il allumoit cent flambeaux, & la confidéroit avec transport. Un amour auffi malheureux le rendit fi maigre, & altéra fi fort fa fanté, que la Cour & tous les Sujets voyoient avec la plus vive douleur qu'il alloit mourir. La Reine, la mere, en étoit inconfolable, & l'ignorance du motif de fa douleur caufoit une impatience générale, car on ne - pouvoit l'attribuer qu'à une chofe qu'il tenoit renfermée avec le plus grand fecret. Ce jeune Roi étoit un jour chez la Reine, fa mere, avec fa nourrice, & la Dame qui l'avoit élevé, celle-ci dans l'efpérance de le diffiper, lui fit un conte, mais les contes n'ont pas toujours l'effet qu'on leur deftine; celui-ci, tout beau qu'il étoit, ..loin d'amufer le Roi, l'endormit fi fort

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que

la nourrice mit la main dans fa poche prit la clef de fa chambre, & courut pour découvrir le fujet qui réduifoit ce Roi dans un état fi pitoyable; elle n'apperçut de fingulier dans cette chainbre que la. caiffe d'argent, elle la tira de deffous le lit,, elle l'ouvrit, & fut frappée d'étonnement,. à la vue de la beauté & de la richeffe des. habits, dont les monftres avoient paré leur font en lui rendant les derniers devoirs, car la caifle étoit remplie dans tous les vuides que le corps pouvoit laiffer, des plus belles perles, & des plus magnifiques diamans. La nourrice, plus curieufe encore qu'étonnée, releva ce beau corps, & le regardant avec indignation, fe pourroit il, s'écria-t'elle, que mon cher Roi, mòn cher enfant fût amoureux d'une morte, pendant qu'un fi grand nombre de beautés. vivantes font empreffées à lui plaire? Enfuite tranfportée par la colére: tiens, dit elle, voilà ce que je te donne, elle accompagna ces paroles d'un coup de poing terrible fur la nuque du col, qui fit fortir le maltic qu'elle avoit dans la gorge & la belle dit en ouvrant les yeux : Dieu, o que je dormois avec douceur ! Il est conftant que la protection feule du Soleil n'auroit pû li conferver la vie dans toutes ces circonstances; il falloit qu'elle fûg

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fa fille pour réfifter à de fi grands obftacles. Cependant la nourrice effrayée fortit promptement de la chambre du Roi, ferma la porte, & vint remettre la clef dans fa poche, car le conte avoit fi bien opéré que le Prince dormoit encore. La nourrice rendit compte tout bas à la Reine de ce qu'elle avoit vû; fa frayeur lui fervit -de preuve & de témoin; elle avoit à peine achevé de l'inftruire que le Roi s'éveilla & fon premier foin fut de courir à fa chambre. La frayeur, l'inquiétude, & tous les fentimens de douleur le faifirent à la vue de la caiffe vuide & ouverte au milieu de la chambre; il s'écria tendrement, qu'êtes-vous devenue, la plus belle des belles? Par quel enchantement vous ai-je perdue? Non, jej ne furvivrai point à ce malheur. La belle, qui s'étoit retirée dans un coin de la chambre, lorsqu'elle avoit entendu venir le Prince, parut à fes yeux, & lui dit; on vient de me tirer du fommeil le plus doux ; apprenez-moi comment je me trouve ici, ce n'eft point ma de meure; où font les douze Dragons Com ment vous ont-ils permis l'entrée de ce Palais? Vous êtes donc arrivé par le grandpuits? Ce Prince étoit fi tranfporté de voir briller la vie & le mouvement dans tour ce qu'il adoroit, qu'il lui autoit laiffé, faire

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un plus grand nombre de questions fans l'interrompre; mais enfin il lui montra la -caille d'argent, & lui conta par quel bonheur pelle étoit venue à fa poffeffion: la douleur où fa mort l'avoit plongé, la vie qu'il avoit menée, l'adoration qu'il avoit rendue à fes charmes, étoient autant d'aveux de l'amour le plus rendre. Ces deux jeunes perfonnes devinrent plus hardies par l'examen de leurs fentimens, elles fe trouverent ce qu'elles étoient, c'est-à-dire charmantes, elles s'en affûrerent, & se firent mille proteftations, d'autant que les aveux réciproques de leur naiffance & de leur fituation, n'apportoient aucun obstascle à la fatisfaction de leurs defirs, & que leur union étoit des plus convenables. Le Roi fir prier fa mere de paffer dans fon appartement, il lui fit remarquer cent fois les beautés de la plus belle des belles, il lui conta ce qu'il venoit d'apprendre, lui peignit fes fentimens, & l'affara qu'il vouloir époufer fur le champ la fille du Soleil, affurant qu'il ne pourroit jamais faire une auffi grande alliance.

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La Reine, quoiqu'étonnée de tout ce qu'elle apprenoit à la fois, ne pouvant défaprouver ce mariage, les nôces furent célébrées le foir même, & tout le Royaume paffa de la plus grande douleur à la

plus grande joye. Peu de tems après la nouvelle Reine devint groffe: tant d'événemens heureux pour ce Royaume fe répandirent dans l'Univers, & l'hiftoire de la fille du Soleil occupoit tous les efprits; elle parvint aux oreilles de fa mere dont la rage & la jaloufie redoublérent en apprenant que la beauté de fa fille l'avoit conduite au Trône où la fienne n'avoit pu la faire parvenir. Cependant elle étoit encore belle, mais elle prévoyoit la diminution de fes charmes, tandis tandis que ceux de fa fille étoient à peine dans tout leur éclat. Après avoir bien pènsé aux moyens de fatisfaire une vengeance que d'auffi cruelles réflexions rendoient à fon mauvais cœur plus néceffaire que jamais, elle forma un projet, & pour le rendre complet, elle obtint du Magicien qui dui avoit donné le funefte maftic, une épingle enchantée & partit déguifée de façon à ne pouvoir être reconnue ; elle avoit eu foin de prendre avec elle plufieurs faux certificats de Sages Femmes, qui l'annonçoient comme la plus habile de l'Univers, à laquelle plufieurs Reines s'étoient confiées avec fuccès. Elle arriva donc dans la Cour de fa fille; tout y redoubla sa rage & fon défefpoir, car rette Princeffe étoit louée, & louée plus qu'aucune Reine

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