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collaborateur de Dreux du Radier, Lebeuf et Jamet, pour l'Essai historique, critique, philologique, moral, littéraire et galant sur les Lanternes (Dôle, 1755, in-12); enfin il a traité avec beaucoup de talent, la partie médicale du Journal aconomique de 1753 à 1765; il étoit membre des Académies royales d'Amiens et de la Rochelle, de la Société littéraire de Châlonssur-Marne, du Collége de médecine de Nancy, etc.

Dr J. F. P.

Chaillot, mai 1849.

LES BIBLIOPHILES EN TEMPS DE RÉVOLUTION.

La révolution de février n'a pas seulement ébranlé le monde politique. Les arts et la littérature ont eu leur bonne part de la secousse, les esprits d'élite ont été impitoyablement atteints dans leurs jouissances les plus pures et les plus exquises; et sous ce rapport les bibliophiles se trouvent peut-être plus maltraités que d'autres. La nouvelle république françoise a pu du moins essayer de faire vivre ou de consoler les artistes; elle a même mis tout d'abord une louable ardeur à se faire chanter sur tous les tons, peindre, sculpter, ciseler, graver sous toutes les formes, même les moins séduisantes. L'avénement même de la république cramoisie offriroit encore aux arts d'agréables perspectives; nous aurions en quelque groupe des socialistes, renouvelé des lutteurs de l'antiquité; nous aurions en tableaux ou en bas-reliefs M. P. Leroux à un banquet, un sergent quelconque à la tribune, etc.

Mais les pauvres bibliophiles sont bien autrement à plaindre. Quelle compensation peuvent-ils attendre du nouvel ordre de

choses, pour leurs existences bouleversées, pour le trouble profond porté dans la partie la plus intime et la meilleure de leur vie? Sera-ce le plaisir d'enrichir leurs tablettes de la collection des fameux bulletins et des publications socialistes? Ils sont trop profondément dépravés ou abrutis par la civilisation et l'étude, pour ne pas rejeter avec dégoût ces belles choses, les malheureux !

Cette nouvelle situation politique, si prodigue de douceurs pour toutes les classes de la société, n'a valu jusqu'ici qu'amertume et dégoûts à nos bibliophiles. Dans les premiers mois surtout qui ont suivi la révolution de février, la crainte assez fondée d'une invasion complète de la barbarie, a contraint plusieurs de nos confrères aux plus douloureux sacrifices. Ils ont dû céder à la cruelle appréhension de voir démonétiser soudain, par la force brutale des événemens, ces trésors réunis à grands frais et conservés longtemps avec tant d'amour. Qu'auroient valu ces perles jetées devant les commissaires extraordinaires, si nous avions dû jouir plus longtemps des douceurs du régime démocratique et social?

C'est ainsi que plus d'une collection précieuse a été morcelée au profit surtout de nos voisins d'outre-mer. Pour suffire aux patriotiques exigences des quarante-cinq centimes, plus d'un amateur a dû se hâter en gémissant de dégarnir ses plus précieuses tablettes: se hâter, de peur que de nouvelles catastrophes ne vinssent enlever à ces livres chéris la valeur qui leur restoit encore; de peur qu'un peu plus tard ces richesses ne fussent plus une bonne fortune pour personne!

Grâce à Dieu, ces tristes prévisions ne se réalisent pas. L'amour des livres, pareil aux autres passions, a des racines trop profondes dans le cœur de ses adeptes pour être emporté par le souffle révolutionnaire. Il se nourrit des privations même et des sacrifices que lui impose le malheur des temps, loin de se flétrir, il reverdit sous l'orage. Ces agitations fiévreuses et stériles de notre époque, loin d'arracher nos bibliophiles à leurs études, à leurs goûts austères et paisibles,

prêtent à ces goûts, à ces études, un attrait tout nouveau. Rebutés des tristes réalités du présent, les esprits d'élite en éprouvent une jouissance vive à s'égarer loin, bien loin dans ce passé, dont leurs yeux savent percer les mystérieuses profondeurs et retrouver les richesses inconnues, heureux d'échapper pour quelques instans à la faveur de cette obscurité tutélaire des âges écoulés, au spectacle des incendies qui éclairent de toutes parts notre horizon!

Qu'on n'aille pas toutefois, pour cette affection raisonnée du présent, nous taxer d'égoïsme et d'indifférence aux destinées. de notre pays! Croyez-le bien, nul ne suit d'un œil plus inquiet et plus clairvoyant que nous les progrès du vandalisme des niveleurs, nul ne craint plus que nous la décadence de notre belle patrie, et ne fera de plus énergiques efforts pour la soustraire au sort dont la menacent les prétendus apôtres du progrès. Loin de désespérer du salut de la France et de la société, nous puisons même dans nos études de prédilection des motifs spéciaux de confiance et d'espoir. Ainsi ne voyonsnous pas, au xvi et au xvII° siècles, après les saturnales révolutionnaires de la Ligue et de la Fronde, les principes d'ordre prévaloir enfin dans ces luttes acharnées, et donner à la France de longues années de prospérité et de gloire. Ces temps malheureux n'ont-ils pas eu leurs démagogues, leurs pamphlets incendiaires? Ne chantoit-on pas du temps de la Ligue :

Reprenons nos danses,

Allons, c'est assez.....
Allons, Jean du Mayne,

Les rois sont passez.

Pareille au phénix, la France sortit plus vivace de ces grands embrasemens; les écrits des ligueurs et plus tard les mazarinades qui servoient d'aliment aux émotions d'une foule avide d'agitations et de scandales, tombèrent enfin dans l'oubli, et passant à l'état de curiosités bibliographiques, ont trouvé sur nos tablettes un dernier asyle. Qui sait si la même destinée

n'est pas réservée à MM. nos socialistes, s'ils ne travaillent pas, sans s'en douter, pour les bibliophiles futurs qui feront à leur tour collection des mazarinades du XIXe sièle contre la

famille et la propriété ?

Gardons-nous donc de laisser éteindre le feu sacré, o bibliophiles! Que la triste contagion de l'indifférence et du découragement respecte du moins notre modeste phalange. Rappelons-nous que nous sommes les anneaux d'une chaîne qui ne finira sans doute qu'avec la civilisation elle-même; qu'à vrai dire nous réprésentons presque seuls la postérité pour tant de nobles esprits ignorés du vulgaire, et que notre souvenir fidèle défend contre un injuste oubli. Enfin, soyons fiers de ces études, de ces recherches quelquefois futiles en apparence, mais qui souvent éclairent pour nous l'avenir par le passé, et nous apprennent à ne pas désespérer de la France!

A. ERNOUF, BIBLIOPHILE.

LE VIEILLARD ET SES ENFANS.

FABLE.

Dans l'ouvrage intitulé: Fables inédites des XII, xiii* et XIV siècles, et Fables de La Fontaine rapprochées de celles de tous les auteurs qui avaient, avant lui, traité les mêmes sujets, par Robert, la XVIII fable du IVe livre de La Fontaine, le Vieillard et ses enfans, est suivie d'une liste nombreuse d'écrivains grecs, latins, françois, espagnols, allemands, hollandois et orientaux qui ont cherché à prouver la vérité de cette maxime, l'union fait la force, soit par des allégories, soit par des apologues; après quoi, Robert a inséré textuellement la fable d'Ysopet-Aviennet « des iiij toriaux que le lion deceut pour ce qui les fist dessembler et la fable d'Ysopet II, d'une beste qui

s'apeloit Laniste ». La morale de ces deux fables est la même que celle du Vieillard et ses enfans; mais l'action en diffère entièrement.

Un ancien écrivain françois a cependant échappé aux minutieuses investigations de l'estimable auteur des Fables inédites des XII, XIIIe et XIVe siècles. J'ai pensé que les amateurs de bibliographie trouveroient peut-être quelque plaisir à rapprocher de notre inimitable fabuliste l'extrait d'un livre écrit dans le XIVe siècle.

Jehan de Mandeville, chevalier, natif de Saint-Alein en Angleterre, traversa la mer l'an 1322, le jour de la Saint-Michel et parcourut, à ce qu'il dit, une foule de pays divers. En 1367, retenu par la goutte, il commença à écrire le récit de ses voyages, récit bizarre, fantastique, qui fut néanmoins assez recherché par ses contemporains, pour mériter les honneurs de l'impression, presque aussitôt après l'invention de l'imprimerie. Cet ouvrage eut plusieurs éditions: celle que j'ai vue est datée du 26 mars 1487.

C'est au folio 95 vo que l'on trouve l'histoire suivante. Je me garderai bien de traiter cette histoire de récit fabuleux; car Mandeville avoit la prétention de n'écrire que des aventures véritables dont il affirme très-souvent avoir été le témoin. Fait beau mentir à qui vient de loin : Mandeville a usé et abusé de cette maxime populaire. Voici donc ce qu'il raconte.

.....

Et quant le grant Can eut gaignée la terre de Katay et 'mis tout le pais denuiron en sa subiection, fut malade et sentoit bien que il debuoit morir. Si dict a ses douze filz que chascun luy aportast vne de ses fleches et ilz le firent tantost et les fit toutes douze lier de trois liens ensemble et puis dict a son premier filz qui les brisast, mais il ne les sceut briser. Si les fict bailler au second et puis au tiers iusques a tous ses filz quel ny eust celluy qui les sceut briser, et il les fist deslier densemble et puis les fit rompre lune apres lautre et dict a ses filz ainsi est-il de vous, car tant comme vous seres lie ensemble trois liens damour de loyaulte et de concorde nul ne vous pourra

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