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Cette ordonnance ne se trouve que dans le Recueil de Rebuffe (1); elle n'est pas dans les Recueils spéciaux des règlemens de l'imprimerie et de la librairie. Chevillier cependant en rapporte un seul article (p. 357). Je l'ai indiqué dans mon Résumé historique de l'introduction de l'imprimerie à Paris, d'après les Mémoires du clergé. Le texte officiel est rapporté dans les registres du Parlement, qui sont déposés aux archives nationales (Criminel, 94).

Nous devons dire maintenant quelques mots de l'édition en caractères gothiques qui en a été publiée par Jacques Nyverd et Jehan André (Paris, sans date, mais évidemment de 1542, in-12).

Jean André étoit un libraire de Paris, connu par le zèle qu'il déployoit pour la religion catholique. « Il étoit, dit La Caille, comme l'émissaire du président Lizet pour lui découvrir les nouveaux calvinistes et les faire tomber entre ses mains, comme il fit à l'endroit de Pierre Capot, libraire de Genève, qui venoit de temps en temps à Paris, où il fut arresté en 1546, en débitant des livres contre la religion catholique.

L'ordonnance du 1er juillet 1542 étoit pour Jean André une belle occasion qu'il se garda bien de laisser échapper. A peine fut-elle rendue qu'il dressa une requête au Parlement à l'effet d'être autorisé à l'imprimer et à la vendre seul pendant un an. Il obtint cette autorisation par arrêt du 4 juillet, et il s'associa pour la publier à son confrère l'imprimeur Jacques Nyverd. De plus, ces deux libraires-jurés de l'Université furent chargés de son exécution. Ce fut en cette qualité qu'ils se présentèrent tous deux chez François Estienne, au clos Bruneau, pour y faire visite. Mais celui-ci refusa de les recevoir; de là plainte des libraires-jurés au Parlement, qui, par arrêt du 30 octobre 1542, ordonna au libraire récalcitrant de « représenter, exhiber et mettre entre les mains desdits demandeurs, tous et chascuns

(1) Ordonnances et édits royaux de François Rebuffe, édition de 1565. Lyon, à la Salamandre (2 tomes in-fol. ), t. II, p. 330.

des livres qui seront par eux demandés pour être visités, suivant ladite ordonnance, et cela sous peine de prison. >> Force fut donc à François Estienne d'obéir à justice.

Robert, frère de François Estienne, fut aussi en butte aux persécutions de Jean André; celui-ci le signala aux docteurs de Sorbonne comme devant être surveillé pour qu'il ne pût s'enfuir à Genève, ce qu'il parvint pourtant à faire en 1550. Il est vrai que les mauvaises langues du temps prétendoient que l'honnête André avoit un intérêt tout mondain à empêcher cette fugue. Un anonyme, qui pourroit bien n'être autre que Théodore de Bèze, alla jusqu'à dire que c'étoit dans l'espoir qu'il marieroit ses filles avec quelque portion du bien de Robert après l'avoir fait condamner sans doute. « Defunctus Andreas qui sperabat maritare filias suas de bono ipsius (Roberti) ut erat zelotissimus catholicæ fidei, bene etiam clamabat quod fugeret (1).

On voit par ce court récit, que la plaquette de vingt-quatre pages petit in-8°, en caractères gothiques, devenue extrêmement rare, se rattache essentiellement à l'histoire de l'imprimerie. L'exemplaire qui nous a fourni ces observations a été acheté par M. Leroux de Lincy à la vente de M. Bignon.

A. TAILLANDIer.

(1) Epistola magistri Passavantii, ad Petrum Lizetum, dans les Epistolæ obscurorum virorum. Voyez, sur ce curieux ouvrage, Barbier, Dictionnaire des Anonymes, t. III, p. 583, no 20359; Bibliographie univ., article Lizet, et Renouard, Annales de l'imprimerie des Estienne.

REVUE DES VENTES.

Des préoccupations de tout genre, qu'il est facile de comprendre en se rappelant les graves circonstances que nous venons de traverser, ont jeté quelque perturbation dans la publication régulière du Bulletin du Bibliophile, et ont empêché l'éditeur de tenir ses lecteurs au courant des ventes qui ont eu lieu à Paris depuis le mois de mars dernier. Aujourd'hui que l'orage est apaisé, que la tranquillité renoît et que la bibliophilie, qui fuit devant la tempête et ne s'épanouit que lorsque le temps est calme, enfin revient à nous, besogneuse, et disposée à réparer les pertes que son inaction lui a causées, nous nous empressons de satisfaire l'impatiente curiosité des bibliophiles, en leur faisant connoître les livres recherchés qui ont subi les chances des enchères, ainsi que les prix auxquels ils ont été adjugés.

Depuis le mois de mars, cinq ventes ont eu lieu. Chacune d'elles, de physionomie différente, a offert aux amateurs son contingent de volumes rares dont la valeur étoit souvent rehaussée par les conditions du papier, des marges et de la reliure.

Le cabinet elzevirien de M. de Montaran a été livré aux enchères le 12 mars 1849. Le catalogue de cette riche collection étoit précédé d'une notice biographique, puis d'un avantpropos rédigé par un écrivain dont l'élégante facilité est bien connue dans le monde bibliographique. Aussi notre plume se refuse-t-elle à décrire de nouveau l'ensemble de cette bibliothèque. Nous ne pouvons que transcrire textuellement l'avantpropos que nous venons d'indiquer.

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« Si parmi les passions qu'une âme honnête peut avouer sans regret, il en est une dont les jouissances restent fidèles à l'homme jusqu'à son dernier jour, c'est, sans nul doute, celle des livres. Se prêtant à tous les goûts, se pliant à toutes les fortunes, l'amour des livres est luxe pour la richesse, plaisir pour la médiocrité, consolation pour la douleur; pour tous, douce et noble jouissance.

« Aux hommes du monde, aux esprits qui ne cherchent pás exclusivement dans les livres l'éclaircissement de doutes historiques, l'étude d'une branche de la science ou de l'art, ce qui offre le plus d'attraits, c'est le plaisir de la collection, plaisir toujours renaissant, toujours illimité comme le désir lui-même, et il faut que ce charme ait une bien magique puissance, puisqu'il fait taire jusqu'à la crainte de l'avenir, jusqu'au besoin du moment. En doutez-vous? entrez dans une salle de vente le jour où la bibliothèque de quelque amateur de goût et de renom se livre aux enchères, et vous verrez comme aux bons temps se couvrir d'or les livres curieux, rares, ou de conservation irréprochable.

« Le caprice et la mode ont bien parfois, il faut l'avouer, une certaine influence sur les livres; mais les prédilections des amateurs sont plus souvent encore fondées sur des motifs réels. La collection elzevirienne, par exemple, pourquoi a-t-elle résisté aux fluctuations du caprice, à la satiété du temps? C'est que d'un format commode, d'un caractère aussi purement gravé que purement dessiné, d'un tirage parfait, elle joint la grâce à la correction; c'est qu'elle comprend les chefs-d'œuvre de la littérature latine et quelques-uns des premiers classiques de notre langue; que les ouvrages anecdotiques, satiriques et facétieux y sont nombreux; et qu'enfin par leur petit format, les volumes de cette collection permettent un luxe de reliure exquis, sans exiger de folles dépenses.

«En dehors de ces mérites bien réels, n'y auroit-il pas une autre explication du goût soutenu du public pour cette précieuse collection? Ne seroit-ce pas, je demande grâce pour

l'expression, l'élasticité même de la collection, qui permet à chaque collecteur de la restreindre ou de l'étendre à son gré? et compterons-nous pour rien le plaisir de faire une découverte dans les régions elzeviriennes, ou de s'imaginer en faire, ce qui est tout un pour la satisfaction bibliographique ? C'est ainsi que cette collection, aujourd'hui, n'a pas de limites pour quelques bibliophiles, tandis que d'autres la resserrent facilement sur quelques rayons. C'est que ceux-ci, généalogistes sévères, veulent que leurs hôtes leur exhibent leurs actes de naissance bien authentiques, tandis que les premiers se contentent facilement d'un air de famille, et consentent plus d'une fois à s'interdire une trop sévère recherche de la paternité. Ont-ils toujours tort? Demandons-le aux enchères, qui, si fréquemment, prononcent des arrêts d'adoption.

« On n'aime pas les livres sans en aimer l'histoire : aussi voyons-nous les collecteurs, ceux surtout qui choisissent un champ limité, devenir souvent, sans s'en douter, de bibliophiles, bibliographes. Toujours est-il qu'ils acquièrent généralement, dans la connoissance de leur spécialité, une supériorité contre laquelle aucun libraire ne sauroit lutter. La raison en est simple: ils ont beaucoup de loisirs à concentrer sur un seul point d'études, tandis que le libraire éparpille sa vie sur mille objets divers.

<< Comme tous les collecteurs, M. de Montaran avoit vu et comparé beaucoup d'exemplaires des mêmes livres; il avoit fait sur les Elzevirs de curieuses observations; malheureusement elles sont perdues pour nous on n'en a rien retrouvé dans ses papiers. Sort assez commun des travaux des amateurs, et qui restera à déplorer tant qu'une société de bibliographie. sérieuse ne sera pas formée par les amis des livres, non pour la réimpression de curiosités d'un mérite plus ou moins contestable, mais dans l'intérêt de la science bibliographique, qui auroit au moins un centre commun où tous les travaux graves se donneroient rendez-vous, un organe spécial qui propageroit les découvertes, et feroit prendre enfin à la biblio

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