ページの画像
PDF
ePub

"

Amys lecteurs, je treuue grandement estrange, que tant de gens se meslent de lire et d'escrire et nul ou bien peu s'apperçoiue comme il fault bien lire et bien escrire. » Toute la préface roule sur ce thème, puis il ajoute : « Mais doctement, librement, sententieusement et brièuement comprendre en un liure l'honneur d'un prince et le profit d'une république, c'est un labeur difficile et une œuure de mémoire.... lesquels propos ne pensez jà que je mette en auant pour mespriser personne et me vanter quant à la langue d'auoir bien escrit (combien qu'assez vous deuez vous esmerueiller que un Florentin qui n'a ordinairement hanté la France, soit encore hardi que d'escrire en françois), mais bien me vanterai d'auoir diligemment obserue, subtilement inuenté, librement et brièvement discouru et purement et simplement escrit sans passion, haine, envic, etc. »

Voici encore un fragment qui pourra servir à faire connoître le caractère de l'auteur: « Lequel secret auec d'autres (je parle de la guerre seulement) je retiendrai en moi jusques à tant que la vertu, non faueur ny fortune, m'ait présenté à un nouuel Auguste; la fin louable de laquelle espérance quand jamais ne viendroit, si est-ce que je ne lairray de mourir content (quand ce seroit demain) d'auoir tousjours vesqu par mi la noblesse d'un si bault courage; et d'auoir plus prisé la vertu avenir (prenez que ce a esté mon dommage) que la semblance ou figure présente des personnes car ce n'est pas assez de porter mine et visage d'un homme (comme nous en voyons plusieurs) si l'on n'a le cueur et l'entendement de mesme; à l'entour desquels employant mon seruice, j'aymerois autant de servir une beste..... Concluant qu'il y a plus d'acquest, de plaisir et louenge à viure pauurement en liberté par my les amys hommes que de dommage, deshonneur et despit à supporter richement l'ignorance et indiscrétion de quelque veau. Par quoy il ne se fault point esbahir (comme d'aucuns font) si j'ayme à estre solitaire, car (comme disoit Scipion l'Africain) l'homme n'est jamais seul, quand il est accompagné de ses nobles pensées.

[ocr errors]

Ces diverses citations, ainsi que les suivantes, prouvent aussi

que Gabriel Siméoni écrivoit en françois avec autant d'élégance que les auteurs contemporains.

Proëme, p. Ire : « Exposer élégamment de bouche (comme font avocats, orateurs ou harangueurs et autres beaux parleurs semblables) une matière jà préméditée,est certes chose louable quant à la mémoire et aggreable à ceux qui se délectent d'ouir passer et voler par l'air une troupe de belles paroles.

[ocr errors]

Liv. Ier, fol. 5 vo: « Certes il ne fault pas doubter que celuy est du tout abandonné de la grâce de Dieu, lequel ayant une fois (et mesme plus par fortune que pour ses mérites) des biens et des honneurs de ce monde à suffisance, ne se contente, en cherche davantage, en prent partout, ne tient conte des hommes et ne fait bien à personne, oubliant la mort qui nous emporte tous nuds. » Maintenant que nous connoissons l'auteur et son style, parlons de son œuvre.

Le Ier livre de César renouvellé a été imprimé à Paris, par Benoist Prevost, dont le nom est inscrit sur le dernier feuillet. Le privilége avoit été accordé à Vincent Sertenas, libraire en l'université de Paris, le 23 novembre 1557, « et la première impression a esté acheuée d'imprimer le 2 décembre 1557. » « Cette note et l'extrait du privilége se trouvent sur le verso du premier feuillet; mais le titre porte la date de 1558 et l'indication «<pour Jean Longis, tenant sa boutique au Palais. » Ici se présentent deux difficultés à résoudre. Et d'abord, comment le privilége accordé à Vincent Sertenas, qui ne fait mention d'aucune cession en faveur de Longis, pouvoit-il servir à ce dernier libraire? Il faut bien supposer que Sertenas avoit cédé ses droits à Longis et que l'insertion de l'extrait du privilége avoit seulement pour but de. prouver que l'impression du livre avoit été autorisée. Passons donc par-dessus cette irrégularité; mais il n'est pas aussi facile de faire concorder la date de 1558 qui se trouve sur le titre, avec l'indication précise du jour où fut achevée la première impression, le 2 décembre 1557. Ces deux dates sont inscrites sur le même feuillet, l'une au recto, l'autre au verso. Y a-t-il eu deux édi

tions et celle-ci est-elle la seconde? A-t-on voulu prévenir par . cette note placée immédiatement après l'extrait du privilége qu'une édition avoit été publiée au mois de décembre pour Sertenas et que Longis avoit fait réimprimer ce livre en 1558? Ou bien, a-t-on donné à cet ouvrage imprimé en 1557, la date de 1558, parce qu'il n'avoit pu être mis en circulation, par le libraire, avant le commencement de l'année ? Je laisse à de plus habiles bibliographes le soin de décider cette question.

Cette Ire partie se compose de 66 feuillets dont 54 seulement sont paginés sur le recto; les douze autres feuillets sont employés pour le titre, l'épître dédicatoire, la table des chapitres, le proëme de l'auteur et la table des matières.

Le César renouvellé est un cours d'Art militaire démontré par des exemples extraits des Commentaires de César sur la guerre des Gaules; mais Siméoni a trouvé le moyen d'insérer dans cet ouvrage un chapitre sur la ferme des octrois et des gabelles; un autre chapitre sur l'ancienne origine de la faculté de théologie et des parlemens qu'il fait descendre en ligne droite des Druides; une fable, le texte d'anciennes inscriptions et l'annonce de quelques-uns de ses ouvrages tels que le Colloque Royal et le III Livre de la Monarchie et antiquités de Rome, non cités par les bibliographes; la traduction en toscan de la Castramétation françoise par du Choul, bailli des montagnes, et de la religion ancienne des Romains, par le même auteur.

Il a fait graver sur bois, dans ce premier livre, le portrait de César, des médailles de Galba, de Lentulus et de Brutus, et un médaillon représentant les soldats de César traversant la Loire.

Le titre est orné d'une gravure sur bois assez compliquée, que l'on pourroit confondre avec les marques qu'adoptoient quelquefois les imprimeurs; mais ce n'est qu'un dessin allégorique inventé par l'imagination active de Gabriel Siméoni, auteur d'un volume de devises héroïques. Il porte une double légende, italienne et latine, le mot grec EYAOKIA qui se trouve répété dans l'épitre dédicatoire, au-dessous du nom de l'au

teur. Au surplus, Siméoni a signé cette œuvre : les deux lettres G. B. sont gravées sur l'écusson de gauche, tandis que sur l'écusson de droite et sur le plat d'une hache, on voit un croissant accompagné de trois étoiles, flatterie adressée au roi Henri II.

Nous croyons faire plaisir à nos lecteurs, en reproduisant ici cette curieuse gravure. En effet, il est plus rare de rencontrer sur le titre d'un livre une marque d'auteur, qu'une marque d'impri

[merged small][graphic][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed]

Le Ile livre du César renouvellé est tiré des Commentaires de César sur les guerres civiles des Romains. « Acheué d'imprimer le dernier jour de décembre 1569, par Jean Marcorelle. » Le titre porte à Lyon, chez Jean Saugrain, commis, 1570.

L'éditeur, Françoys de Saint-Thomas, licencié ès droits, à Lyon, nous apprend dans l'épître dédicatoire adressée à Man

delot, lieutenant général pour le roi au pays de Lyonnois et de Beaujolois, qu'il avoit conservé cet ouvrage pendant trois ans, sans oser le publier, attendu qu'il ignoroit si l'auteur ne l'avoit point déjà fait imprimer, et qu'il avoit trouvé les circonstances peu favorables pour la publication d'un livre sur l'Art militaire.

Dans l'avis au lecteur, il dit : « Quand l'opportunité s'est présentée de mettre ce second liure de Cæsar renouuellé en lumière, je n'ay eu moins de peine à le raconstrer, ordonner, vérifier sur les lieux y alleguez, et à le reuoir et limer, que si je l'eusse de nouueau colligé des liures de Jul. Cæsar, d'où il a esté tiré. Et le pourroye vrayement dire mien, n'estoit que je ne veux frustrer l'auteur de l'honneur que luy en appartient pour son inuention. Je l'ay fait accomoder à l'impression et forme du premier, afin de les pouvoir relier ensemble: attendu que l'vn et l'autre sont d'vn mesme subject. » De plus, le nom de Gabriel Siméoni est sur le second titre ainsi il est hors de doute que cet écrivain est l'auteur des deux parties du César renouvelé.

:

La confection de cet ouvrage est assez bizarre, Le Ier livre est imprimé à Paris, en 1557, et le le livre est imprimé à Lyon, douze ans plus tard. D'après l'avis au lecteur de François de Saint-Thomas nous savons que le II livre étoit écrit au moins en 1566; mais cette date ne peut être exacte. A cette époque, Siméoni résidoit à Turin et il avoit quitté Lyon vers 1560. Or, l'auteur dit, p. 4, « duquel j'ay fait mention en mon liure des obseruations antiques imprimées à Lyon par Jean de Tournes >> (en 1558). Puis on lit, p. 49 : « Il me pleut jadis inuenter une deuise, parmy tout plein d'autres, qui sont prestes à imprimer, en tuscan et françoys, entre les mains de Rouille, gentil libraire et marchand Lyonnoys. » Les devises et emblèmes furent imprimés dans les deux langues, en 1559. Il est donc certain que le second livre du César renouvelé fut composé de 1558 à 1559, c'est-à-dire peu de temps après la publication du Ier livre. Que devint ensuite le manuscrit? Comment, sept ans après, François de Saint-Thomas s'en trouvoit-il possesseur? Ce sont des ques

« 前へ次へ »