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prohibition des exercices publics autres que ceux de l'Académie, sous peine de deux mille livres d'amende, et l'injonction faite aux brevetaires de se réunir au corps académique, avec une nouvelle clause révocatoire de leurs titres et brevets; enfin statuoient sur le sort des élèves académiques qui, après plusieurs années d'étude, seroient jugés être non admissibles au rang d'académicien, et ordonnoient que le temps des dites études leur vaudra l'apprentissage prescrit par les statuts des maîtres et l'admission à la maîtrise dans toutes les villes du royaume. M. Colbert discuta le tout, et article par article, avec M. du Metz, qui lui expliqua l'esprit, la nécessité, l'utilité du contenu en chacun. Le ministre les apostilla à mesure, et en fit ensuite son rapport au roi. Sa Majesté approuva le tout, signa l'un et l'autre de ces instruments de sa main et en ordonna l'expédition.

M. Mignard et ses adhérents ne se découragerent point d'avoir aussi complétement échoué auprès de M. Colbert. Ils tournèrent toutes leurs espérances du côté du parlement, se tenant bien assurés que, si une fois ils pouvoient parvenir à entamer l'Académie par les armes de la chicane, ils détruiroient de fond en comble ces ouvrages élevés avec tant de soin pour sa gloire et pour sa sûreté. Dans cet esprit, ils formèrent opposition, au greffe de cette cour, à la vérification, tant des

nouveaux statuts que des lettres patentes confirmatives, comme ayant été obtenues en contravention et au mépris de l'arrêt de cette même cour, du 7 juin 1652, portant enregistrement des lettres patentes du mois de février 1648, des premiers statuts de l'Académie, des articles de sa jonction avec la maîtrise, et de la transaction passée en conséquence; se réservant de fournir le surplus des moyens de leur opposition en temps et lieu.

Ils n'en demeurèrent pas là. Ils croisèrent cette démarche d'une nouvelle entreprise qui partoit du même fonds. Les défenses à tous autres qu'à ceux de l'Académie, de tenir école publique, avec l'exercice du modèle, n'avoient été prononcées formellement que par l'arrêt du 24 novembre 1662, rendu contre Bosse; mais cet arrêt étoit resté dans l'obscurité par les raisons expliquées ci-dessus. Ils crurent donc en pouvoir prétendre pleine et entière cause d'ignorance. La réjection toute récente de leurs mémoires et écrits sur le même fait ne les mettoit nommément dans le cas de ces défenses d'une manière implicite, lesquelles défenses, selon leurs principes, ne devoient acquérir cette pleine autorité qui leur donneroit force de loi, que par les nouveaux statuts et les nouvelles lettres patentes dûment enregistrées. Or, comme c'étoit à cette dernière formalité qu'ils attendoient l'Académie, pour l'engager dans un dédale de procédures

que

où ils comptoient bien la retenir pendant plus d'une année, ils eurent la hardiesse de se mettre en possession provisoirement, au risque de ce qui en pouvoit arriver, d'une école publique dans toutes les formes, avec exercice du modèle, avec des officiers pour la diriger, avec des prix pour les étudiants, enfin avec tout l'appareil de l'école royale.

Il n'y avoit qu'un coup d'autorité qui les pût arrêter dans une tentative aussi téméraire; ils le savoient, mais ne s'en embarrassoient pas, persuadés que l'Académie n'oseroit se le procurer à la veille d'entrer en procès avec eux au parlement, où ces voies extra-judiciaires sont volontiers prises en mauvaise part. Rien ne les empêcha donc d'aller en avant. Par leurs menées, ils attirèrent à leurs nouveaux exercices tout ce qu'ils purent de jeunes dessinateurs d'un certain mérite; sûrs comme ils l'étoient, d'ailleurs, d'y avoir tous les fils des maîtres, cela les nantit du moins de l'étalage du grand nombre; mais à quoi ils s'appliquèrent le plus, ce fut à s'acquérir tout ce qui restoit de brevetaires qui n'étoient point encore entrés en engagement avec l'Académie; leurs plus grands efforts se portoient surtout vers ceux qui étoient logés aux galeries du Louvre, et qui, presque tous, tenoient un rang fort distingué dans les arts. Ce fut cela même qui les préserva de la séduction, et les détermina sans hésiter à

prendre le parti le plus honorable. L'Académie les reçut avec tous les agréments possibles, et les traita avec toute la distinction due à la supériorité de leurs talents.

Pour empêcher que leur exemple ne devînt contagieux, M. Mignard et les maîtres se jetèrent avec chaleur au devant des brevetaires de l'ordre plus commun, afin de les détourner de cette route; ils leur firent un portrait terrible des humiliations auxquelles ils s'alloient exposer en se présentant à l'Académie, par l'inflexible rigueur des examens qu'on leur y feroit subir, et sur laquelle elle renchérissoit encore dans ses nouveaux statuts, et par l'air insultant de supériorité de la part de ses chefs qu'il leur faudroit essuyer. Ensuite, les entraîner de leur côté, ils leur offrirent, outre les premiers honneurs de leur compagnie, toutes les faveurs et toutes les facilités imaginables; telles, par exemple, que l'exemption de tous les devoirs prescrits par les règlements, et même de toute contribution aux charges de la communauté. Ces marques d'empressement furent plus vives à mesure que les sujets qu'il s'agissoit de capter étoient ou plus habiles ou plus accrédités. Rien enfin ne fut négligé de ce qu'on crut pouvoir servir à frustrer l'Académie de cette espèce de renfort.

pour

Il étoit à craindre que ces insinuations des

émissaires de la maîtrise ne produisissent une grande partie de l'effet qu'ils paroissoient en attendre; celles qui regardoient la sévérité des examens académiques étoient assez fondées pour devoir effrayer un peu les sujets à talents bornés; la règle établie de faire contribuer par chaque aspirant un morceau de sa main pour la décoration du lieu où se tenoit l'Académie, pouvoit, dans d'autres, devenir aussi un motif d'éloignement. Déjà même beaucoup de brevetaires, ébranlés par les discours des maîtres, paroissoient tout prêts à se donner à eux; M. Le Brun crut devoir parer ce coup, et user d'une sage indulgence pour rassurer et ramener tous ces esprits. Après en avoir conféré avec le secrétaire et les principaux de l'Académie, il déclara et fit répandre partout que la considération due à la qualité de peintre et de sculpteur du roi, dont avoient toujours joui messieurs les brevetaires, portoit la compagnie à les dispenser, lorsqu'ils désireroient s'incorporer à l'Académie, des devoirs ordinaires de l'aspirance et de la réception, et qu'elle pensoit même que c'étoit le moins qu'elle pouvoit faire pour eux.

Il fit plus; ayant appris que quelques-uns des plus capables d'entre eux et des plus estimés dans le public étoient butés à ne pas faire les visites qu'il étoit d'usage dans l'Académie de faire, en ces sortes d'occasions, à ses officiers en exercice,

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