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union et de lui assurer cette invariable durée consistoit, selon lui, à remettre M. Le Brun à la place où il devoit être, c'est-à-dire en celle de chancclier de l'Académie et à la tête des bien intentionnés. Il y avoit longtemps qu'il guettoit l'occasion de nous rendre ce service signalé; elle lui parut se présenter comme d'elle-même, et il étoit et trop zélé et trop habile pour la laisser échapper. Le temps approchoit où l'Académie devoit aller en corps rendre ses respects à ses protecteurs. Sans la présence de M. Le Brun, cette démarche couroit risque de beaucoup perdre du côté de la facilité des accès et des agréments de la bonne réception. Personne ne l'ignoroit dans la compagnie; chacun sentoit le besoin que l'on avoit de lui. Les bien intentionnés, poussant plus loin ce sentiment, déclarèrent qu'il n'y avoit rien qu'ils ne fissent pour voir ce grand homme de retour parmi eux. Il ne s'agissoit plus que de trouver une tournure convenable et propre pour l'y attirer. Le secrétaire proposa celle-ci : « De lui députer un nombre >> compétent et honnête des principaux membres » du corps académique pour le prier, par l'an>> cienne et constante affection dont il avoit donné » tant de preuves à une compagnie qui faisoit >> profession de le chérir et de l'honorer, de venir >> reprendre auprès d'elle l'exercice de ses charges, » et, nolamment, de celle de son chancelier; et,

>> afin de le mettre hors d'inquiétude sur tout dés» aveu ou tout malentendu, que ces mêmes dé» putés portassent avec eux les sceaux de l'Aca» démie et les lui remissent à l'instant. M. Teste» lin ajouta que, connoissant comme il faisoit >> l'excellente âme de M. Le Brun, sa politesse »> naturelle et sa vive tendresse pour un corps >> composé de ses plus parfaits amis, il étoit per» suadé qu'on le verroit céder avec épanchement » et avec émotion à une démarche encore plus >> touchante que flatteuse, et que tout se termi»> neroit à la commune satisfaction. >>

Ceux des académiciens qui se trouvèrent présents quand M. Testelin fit cette proposition y applaudirent avec un empressement égal. Ils résolurent d'y faire statuer à l'instant par tous ceux qui formoient l'assemblée de ce jour; l'affaire y passa tout d'une voix.

Muni d'une telle approbation, un moins habile homme que M. Testelin n'eût pas manqué d'aller en avant aussitôt; il se garda bien de faire une pareille bévue. Par cette justesse de discernement qui ne l'abandonnoit jamais, il conçut que pour s'assurer en ceci un succès complet et invariable, il falloit à tous égards se mettre hors de prise, en usant des dernières et des plus fortes précautions. L'affaire lui parut trop majeure pour pouvoir être décidée par une assemblée particulière comme

étoit celle où s'étoit fait ce dernier arrêté, et laquelle, quoique fortuitement, s'étoit tenue en l'absence de M. Errard. Il ne vouloit pas que l'on se pût prévaloir d'aucune apparence de surprise ou de mystère pour attaquer son ouvrage et peutêtre le renverser lorsqu'il seroit prié d'y mettre la dernière main; c'est pourquoi il forma le dessein courageux, qui lui fit tant d'honneur depuis, de faire ordonner le retour de M. Le Brun par une assemblée générale, et de faire tenir cette assemblée par M. Ratabon lui-même.

La réussite de ce dessein dépendoit beaucoup, et il le sentoit mieux qu'un autre, de la diligence qu'on apporteroit à l'exécuter. En effet, pour peu qu'on eût laissé traîner cette affaire en longueur, M. Ratabon et son substitut, M. Errard, eussent bientôt trouvé le moyen de refroidir ce beau zèle des bien intentionnés, et de mettre tout en combustion pour la faire manquer. Indépendamment de cela, l'on ne pouvoit ignorer combien en général

ils

y avoient de la répugnance, et le secrétaire avoit compris de reste, par plusieurs discours de l'un et de l'autre, qu'ils étoient dans la ferme résolution, se voyant les maîtres des sceaux de l'Académie (et certes ils l'étoient dans le sens le plus propre et le plus absolu, puisqu'ils ne s'en servoient que selon leur volonté unique et suprême), de ne s'en dessaisir qu'à la dernière extrémité. Il étoit

même échappé à M. Ratabon de dire que, surtout, il prendroit bien garde que jamais ils ne retournassent dans les mains d'où ils étoient sortis. Pour parer à ces divers sujets d'appréhension, M. Testelin commença par faire la convocation d'une assemblée générale et extraordinaire à peu de jours de là. Les officiers en exercice étoient du nombre des bien intentionnés et fort de ses amis: ainsi il n'eut pas de peine à se faire autoriser pour cette première démarche ; mais il apprit bientôt que M. Ratabon avoit fait entendre qu'il ne vouloit point se trouver à cette assemblée. Par les raisons expliquées plus haut, ce n'étoit pas son compte; aussi il prit sur-le-champ le parti de l'aller trouver, dans le dessein de le faire changer d'avis, ou du moins de le sonder sur la nature des empêchements qu'il pourroit méditer afin de s'y pouvoir prémunir plus sûrement.

Le matin donc du jour même auquel avoit été indiquée cette assemblée extraordinaire, il le fut prier de vouloir bien l'honorer de sa présence, et d'accorder cette faveur aux désirs de la compagnie entière, de laquelle il avoit charge expresse de la lui demander expressément. M. Ratabon lui répondit, avec un peu d'embarras, qu'il ne croyoit pas que ses affaires lui permissent de pouvoir, ce jour-là, faire ce que la compagnie souhaitoit de lui. M. Testelin insista un peu, mais pour la forme seu

lement, et puis n'en parla plus. Il se mit après cela à lui rendre compte, comme pour le mettre au courant des affaires, de ce qui s'étoit passé dans quelques unes des assemblées précédentes, auxquelles lui, M. Ratabon, n'avoit point assisté, et finit par toucher la corde essentielle, en disant d'un air non affecté : Qu'en l'assemblée dernière, l'Académie avoit, résolu de députer vers M. Le Brun, pour le prier de revenir auprès d'elle faire les fonctions de son chancelier, et, pour l'y déterminer, elle paraissoit disposée à lui renvoyer les sceaux. Il ajouta qu'il n'y avoit point à douter que l'affaire ne fût agitée et ne passât tout de suite à l'assemblée de tantôt. Le ton affirmatif de cette annonce du secrétaire produisit l'effet qu'il s'en étoit promis. M. Ratabon s'en piqua d'honneur, et forma à l'instant le projet d'aller présider à l'assemblée, pour rompre, ou du moins, pour éluder ce coup par lui-même. Il lui dit que, cela étant, il faudroit bien de nécessité aller faire connoître à la compagnie ses véritables intérêts; qu'il la croyoit trop sage pour aller si vite et se compromettre avec tant de légèreté; et, qu'après tout, les sceaux étant entre ses mains, il croyoit qu'elle comprendroit l'indécence qu'il y auroit de les jeter à la tête de personne, et d'en disposer au trement que d'une manière qui pût lui être agréable.

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